Il existe un monde de femmes en plastique et d’hommes qui ressemblent à des monstres : le porno industriel. Dans ce monde-là, on traite les acteurs comme des outils et des produits.
Ils se font maltraiter, passent souvent sous le bistouri pour se faire refaire les seins et même la vulve. Certaines se font enlever l’utérus pour faire des scènes sans préservatif. C’est glauque et finalement, leur plaisir n’est jamais de la partie.
Non seulement c’est atroce pour les acteurs, mais ce n’est pas bandant du tout. En exigeant cette uniformité, on aseptise le sexe, on le rend mécanique.
On retrouve toujours les mêmes scénarios super sexistes où la fille est uniquement un objet sexuel soumis et l’homme une sorte de bite perpétuellement en érection. Dans le porno « mainstream », les femmes se font retourner sans arrêt et pour créer l’excitation il faut des scénarios de plus en plus extrêmes. Surtout, jamais la fille ne va se lever et dire « j’ai envie que de ci ou de ça maintenant ».
Ça rend les gens névrosés : ils ont l’impression que le porno est la norme et personne ne sait plus comment prendre du plaisir.
J’ai eu envie de faire du porno qui me ressemble
Depuis mon adolescence, j’ai regardé comme tout le monde ce porno dans lequel je ne me reconnaissais pas. En tant que jeune fille, je le trouvais très complexant. Le porno est la continuité « dark » des magazines de mode qui nous disent qu’on doit être belle et fine. On doit avoir des seins comme ça, une chatte comme ça, on doit gémir comme ça. Ça accentue l’idée que la sexualité est une affaire d’apparence et de performance.
A l’inverse, j’ai pris conscience que moi-même je ne pensais jamais à un aspect physique particulier en me masturbant. Ce qui me fait bander, moi, c’est la passion.
Puis j’ai en envie de faire du porno qui me ressemble, de transmettre quelque chose de sincère. Je rêvais d’un porno qui redonne confiance aux hommes et aux femmes. Qui fasse de la sexualité une force positive et pas négative.
« Le seul critère pour jouer dans mes films c’est d’avoir envie. »
Lucie Blush, réalisatrice de porno féministe
J’étais graphiste à la base puis, après une rupture sentimentale, je me suis reconvertie progressivement en blogueuse puis actrice et réalisatrice de X. Depuis presque quatre ans, je suis réalisatrice de porno féministe autrement appelé femporn.
En tant qu’actrice, je me suis débarrassée de mes complexes
Quand j’ai commencé à être actrice pour mes propres films, je faisais ce que je voulais, et je me suis trouvé face à une alternative. Soit il fallait absolument que je sois nickel, éventuellement que je me fasse refaire les seins, que je trouvais trop petits, soit c’était une opportunité pour me débarrasser de tous mes complexes. J’ai choisi la seconde solution.
Avant je ne pouvais pas mettre de short à cause de ma cellulite, je faisais des fixations débiles sur mes bourrelets et je passais des heures dans la salle à traquer mes poils, Aujourd’hui, tout ça ne me dérange plus du tout.
Dans mes films jouent des femmes qui ont fait ce processus-là. Elles disent « j’ai envie d’être là, de m’amuser, pas qu’on me dise que je suis belle ». Elles sont dans une démarche de plaisir et de fantasme personnel.
Les chattes dans mes films, c’est du « bio »
Dans les films que je réalise, les hommes et les femmes sont des personnes comme tout le monde. Ils ont tous de la cellulite, des cicatrices, des poils.
Les chattes aussi, dans mes films, c’est du bio. Je demande pas aux actrices et acteurs de m’envoyer des photos avant un tournage. C’est secondaire. Que les lèvres soient comme ci ou comme ça, poilues ou pas, je m’en fiche. D’ailleurs quand les actrices me demandent si elles doivent s’épiler, je réponds toujours « comme tu veux ». Ça ne change pas le fond de l’histoire.
Le seul critère pour jouer dans mes films c’est d’avoir envie. C’est tout nouveau comme concept, baiser quand on en a envie.
Idem pour les garçons : il y a eu toutes les tailles de queues. Mais c’est vrai que c’est pas des bites trop moches, je pense que les mecs ont plus de mal à aller au delà de leurs complexes.
Ma démarche est politique
Ensuite, sur mes tournages, on fait des pauses. Et pas besoin d’une érection constante. Je suis plus dans une démarche documentaire, je veux voir les vrais réflexes des personnes en face. Chercher l’alchimie, la confiance.
Tournage de Captive / Crédits : Paul Henschel
Évidemment, ça demande plus de temps et donc plus de budget qu’un film porno standard. Mais c’est très politique. Je crois que la sexualité est une force puissante.
Le porno féministe apporte vraiment quelque chose aux gens. Je reçois beaucoup de messages de couples, de femmes ou d’hommes qui me remercient, qui me disent qu’ils vont essayer autre chose.
C’est bien la preuve que n’est pas d’avoir des gros seins et la peau ultra douce qui rend le sexe beau. Aujourd’hui, en fait, on rêve de normalité.
Crédits photos : Tournage de Mirror Mirror, par Hermann Görnomeier.
Tournage de Captive, par Paul Henschel
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€ 💪Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER