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    10/03/2017

    Je suis menacé de mort par les talibans, lundi la police va m’expulser vers l’Afghanistan

    Par Fahrad , Sarah Lefèvre

    L’appel de Farhad, jeune réfugié afghan – lundi 13 mars à 11h15 du matin, il sera embarqué de force par la police française. Ce jeune traducteur pour l’Onu, notamment dans la mise en place des élections en Afghanistan, est menacé de mort par les talibans.

    Lundi matin, la police française va me forcer à monter l’avion. Depuis le 12 jours, je suis enfermé dans un centre de rétention à quelques centaines de mètres de l’aéroport de Roissy. Chaque minute ici, un avion décolle ou atterrit.

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    Je m’appelle Farhad, j’ai 24 ans. En Afghanistan, je suis menacé de mort par les talibans du fait de mon engagement politique. J’y ai été traducteur pour l’Onu, pour la mise en place des élections libres. Voici mon histoire.

    Ma famille vivait à Ghorband, à 50 kilomètres de Kaboul. Mon oncle et mon père ont d’abord été persécutés par les talibans, qui les rackettaient. Ils avaient un commerce, et un peu d’argent. Un groupe de talibans est venu leur en réclamer. Mon père a refusé de les aider. Ils nous ont menacés.

    J’ai décidé de m’opposer publiquement aux talibans. Cette année-là, ils ont tué plus de 50 personnes là où je vivais. J’ai manifesté pour la paix. Les talibans m’ont reconnu avec la publication de photos dans la presse. J’ai dû quitter ma ville pour rejoindre Kaboul.

    J’avais des traces de lames de couteau, des cicatrices sur le corps, c’était le dernier avertissement des talibans

    Là, j’ai travaillé en tant que traducteur pour une mission de l’Onu qui encadrait la tenue d’élections libres et indépendantes. C’était en 2014, pour les présidentielles.

    Quand les talibans ont su que je travaillais sur l’organisation de ces élections, que j’étais proche de certains responsables politiques, ils ont appelé mon père et l’ont menacé à nouveau. Ils lui ont dit que s’ils me trouvaient ils me tueraient. Ce que j’avais fait était « impardonnable » pour eux.

    Les talibans m’ont retrouvé et m’ont kidnappé. Quand ils m’ont relâché, j’avais des traces de lames de couteau sur tout le corps, des cicatrices partout. C’était leur dernier avertissement. Ma famille était terrifiée.

    J’ai fait une demande de visa. Quand je l’ai obtenu, j’ai aussitôt réservé un vol pour la Russie et je suis parti. C’était en 2015.

    En Norvège, pour ma demande d’asile, le traducteur ne parlait pas ma langue

    L’objectif de mon voyage était la Norvège. J’ai mis sept mois pour y arriver, après avoir atteint Moscou.

    On ne s’attend pas à devoir, un jour, expliquer tout son passé, les raisons de son départ vers l’Europe. On ne s’attend surtout pas à devoir prouver, inlassablement, que l’on a été persécuté.

    Comment penser à emmener les preuves qui nous sauveront la vie ?

    Quand je suis arrivé en Norvège, les policiers ont relevé mes empreintes et m’ont ensuite demandé si je voulais faire une demande d’asile. Durant mon entretien à la direction norvégienne de l’immigration, on m’a demandé de prouver que j’avais bien participé à la commission des élections dans mon pays. Ils m’ont dit que je n’étais pas quelqu’un d’important. J’avais beau avoir des photos, rien n’y faisait. Je n’étais personne.

    Je leur ai dit que j’avais de gros problèmes de rein – des calculs – que cela me faisait très mal, que je n’étais pas capable de gérer un entretien dans ces conditions. Ils m’ont dit que cela n’allait durer qu’une heure et que ça irait.

    Une fois l’entretien commencé, je me suis rendu compte que je n’allais pas pouvoir m’expliquer dans ma langue maternelle, le dari. L’officier était Pachtoune. Il était incapable de traduire ce que je disais.

    Ils ont refusé ma demande d’asile.

    Je ne savais pas quoi faire. J’ai acheté un billet de train pour aller d’Oslo à Berlin. Je suis arrivé en Allemagne avec ce papier de refus de l’immigration norvégienne.

    Aux policiers allemands, j’ai expliqué que j’étais malade, que j’avais toujours ces calculs rénaux, que je pissais le sang… Tout le monde s’en foutait.

    Je me suis débrouillé pour venir en France. En arrivant à Paris, j’ai dormi plusieurs jours dehors dans le quartier de Jaurès, il faisait froid au mois de février.

    Quand la police nous a forcés à partir, j’ai tenté de rentrer dans le camp de la porte de la Chapelle. J’avais bien un ticket mais comme pour des centaines d’autres, ça n’a pas marché. J’ai continué à dormir plusieurs jours dehors. Je n’ai jamais pu rentrer.

    J’ai foncé vers Lille. Je voulais demander l’asile en Angleterre. J’ai passé plusieurs jours à Calais. Les flics m’ont arrêté. Ils ne parlaient pas anglais. Ils ont relevé mes empreintes. Je suis resté douze jours dans un centre de rétention avant d’être transféré ici, à côté de Roissy.


    « Les policiers nous ont insultés, nous ont fait des doigts d’honneur et nous ont électrifiés au taser »

    Farhad, réfugié afghan menacé d’expulsion

    Durant le transport, les policiers nous ont insultés, nous ont fait des doigts d’honneur et nous ont électrifiés au taser. Je pisse le sang depuis un mois à cause de mes calculs rénaux.

    La police française va m’embarquer de force vers Oslo, d’où la Norvège m’expulsera automatiquement vers l’Afghanistan

    Je suis depuis le 27 février au centre de rétention du Mesnil-Amelot. Je vais être expulsé en Norvège, où ma demande d’asile a été rejetée. Et le lendemain ou le surlendemain, la Norvège qui a refusé ma demande d’asile, va m’expulser vers l’Afghanistan [lire ici pour plus de détails sur le sujet].

    J’ai tenté plusieurs recours auprès des juges, à chaque fois en disant qu’ils allaient me renvoyer dans mon pays après ce passage en Norvège. Personne ne m’a entendu.

    Hier, je suis allé voir le médecin, je lui ai dit que je pissais le sang toujours. Il m’a dit qu’il ne pouvait pas prendre la responsabilité de me transférer à l’hôpital, parce que j’allais partir lundi. Ils ont fait des analyses de sang. Ils savent ce que j’ai. Ils ne veulent pas me soigner.

    On ne m’a jamais soigné en Europe. J’ai aussi une hépatite B.


    « Ils vont me scotcher la bouche, les mains et ils vont m’emmener à l’aéroport »

    Farhad, réfugié afghan menacé d’expulsion

    J’ai déjà refusé une fois de retourner en Norvège mais cette fois, mon nom est à nouveau sur la liste pour lundi. Je ne peux pas dormir. Je ne vais pas pouvoir refuser de partir. Ils vont me scotcher la bouche, les mains et ils vont m’emmener à l’aéroport.

    J’ai eu ma mère hier au téléphone. Elle m’a demandé de ne pas rentrer, elle m’a supplié, m’a dit que ma vie était en danger en Afghanistan. Elle m’a demandé pourquoi le gouvernement français ne prenait pas soin de moi. Elle pleurait.

    J’ai beau lui expliquer. Personne ne nous écoute. Tout le monde s’en fout. La nuit je pleure tout seul.

    >> Lire aussi : En expulsant Farhad, menacé de mort par les talibans, la France le condamne

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