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    24/01/2017

    Gaz de schiste : une proposition de loi tardive et incomplète

    Par Juliette Renaud , Aladine Zaïane

    Ce mardi 24 janvier, une proposition de loi socialiste visant à interdire l’exploitation des gaz de schiste est discutée à l’assemblée. Pour Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, ce texte ne va pas assez loin.

    Cet après-midi, les députés débattent d’une proposition de loi visant à interdire l’exploitation du gaz de schiste. Mais vous exprimez des réserves, pourquoi ?

    On interdit l’exploration et l’exploitation des gaz et huiles de schiste mais on laisse la porte ouverte à d’autres hydrocarbures non conventionnels, tout aussi néfastes pour l’environnement. Comme le tight gas situé dans des réservoirs compacts et nécessitant le recours à la fracturation hydraulique et le gaz de couche, qui est dans des veines de charbon. Les industriels et certains députés entretiennent la confusion entre le gaz de mine ou “grisou” qui circule librement dans les anciennes mines de charbon et qu’il faut récupérer, et le gaz de couche, qui est un gaz emprisonné dans le charbon, qu’il faut fracturer ou stimuler pour extraire le gaz.

    L’exploitation des gaz de couche a des conséquences désastreuses pour le climat en raison des fuites de méthane, qui est un puissant gaz à effet de serre. Aux Etats-Unis, la NASA a repéré un nuage de méthane très important, tellement grand qu’ils pensaient qu’il y avait une erreur dans leur mesure. Mais non, il était bien là, juste au dessus d’un site d’exploitation du gaz de couche.

    Depuis 2011, la loi interdit la fracturation hydraulique. Aujourd’hui on discute à l’assemblée l’interdiction globale de l’exploitation du gaz de schiste. Est-ce que c’est la technique d’extraction ou cet hydrocarbure qui pose problème ?

    Les deux, à deux échelles différentes. La technique de la fracturation hydraulique cause d’importants dégâts au niveau local : pollution des nappes phréatiques, de l’air, du sol… Mais même si on trouvait une autre technique, l’impact de l’exploitation du gaz de schiste sur le climat poserait toujours problème. En effet, le gaz est une énergie fossile et non une énergie “propre”, “de transition” comme veulent nous le faire croire les industriels.

    Il y a des preuves et des études scientifiques, basées sur l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels aux Etats-Unis. En raison des fuites de méthane, le gaz de schiste est plus impactant sur le climat que le charbon.

    Tout cela fait aussi écho à l’Accord de Paris signé lors de la COP 21. Si on veut respecter cet accord et limiter le réchauffement climatique à moins de 2 degrés, il faut cesser tout nouvel investissement dans les énergies fossiles, conventionnelles ou non, cela veut dire que plus aucun nouveau permis d’exploration ou d’exploitation ne doit être donné ou prolongé.

    Il y a encore des voix qui s’élèvent contre l’interdiction du gaz de schiste et demandent plus d’expérimentation…

    C’est simplement de la mauvaise foi de dire “on n’est pas sûr que c’est dangereux, il faut encore faire des expérimentations”. Les multinationales ont l’habitude de rejeter la faute sur les “petites entreprises” en disant qu’elles sont négligentes, alors que les grandes multinationales auraient des pratiques “responsables”.

    Mais ce n’est pas le cas. Les risques sont avérés et démontrés noir sur blanc : les populations subissent déjà les impacts environnementaux et sanitaires aux Etats-Unis, là où le gaz de schiste est actuellement exploité.


    «Les risques sont avérés et démontrés noir sur blanc : les populations subissent déjà les impacts environnementaux et sanitaires aux Etats-Unis, là où le gaz de schiste est actuellement exploité»

    Juliette Renaud, Les Amis de la Terre

    De ces énergies fossiles dépend notre indépendance énergétique. Du moins c’est ce qu’on nous dit pour justifier l’exploitation de celles-ci et notamment du gaz de schiste.

    L’argument de l’indépendance énergétique ne tient pas la route. Tout simplement parce que les réserves d’énergies fossiles dans notre sous-sol ne sont pas suffisantes pour pouvoir prétendre à cette indépendance, ça couvre aujourd’hui 2 à 3 % de nos besoin. Dépassons ces faux débats. Tous les rapports scientifiques disent qu’en 2030, dans moins de 15 ans, il faudra avoir abandonné toutes les énergies fossiles. On parle de la survie des populations et de la planète. Il faut se tourner dès maintenant vers la transition énergétique.

    Ce projet de loi arrive un mois avant la fin de la législature. Ce texte a donc peu de chance d’être voté par les deux Assemblées.

    Oui, on ne sait même pas si cette loi va être examinée par le Sénat. Certains députés s’étaient engagés sur la réforme du code minier quand ils ont été élus en 2012, ils veulent pouvoir dire qu’ils ont fait quelque chose. Mais c’est un peu tard et le texte n’est pas assez ambitieux et ne s’est pas réellement attaqué aux vrais problèmes posés par le code minier actuel.

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