Je suis né au Congo. Aujourd’hui, j’étudie en France. J’entends souvent :
« Mais pourquoi ne restez-vous pas dans vos pays pour les développer directement là-bas ? »
Dans mon pays, il est vrai qu’il existe des formations, mais elles ne sont pas de la même qualité. Les savoirs sont là mais les formations gratuites sont limitées. Et si on souhaite aller plus loin – par exemple devenir expert-comptable – cela coûte excessivement cher. Mieux vaut suivre une formation complète en France.
Admettons quand même que je décide de faire mon cursus au pays. Une fois sur le marché du travail, il y a une concurrence entre les locaux et les expatriés. Ceux formés à l’étranger ont un avantage salarial. J’ai été, comme beaucoup, obligé de faire cette grande odyssée vers l’étranger. Sans oublier que dans mon pays, comme d’autres, il y a un complexe d’infériorité vis-à-vis des diplômes nationaux. L’idéal serait que cela change, mais pour le moment c’est comme ça et il faut faire avec.
Nous venons en France pour développer nos propres pays
Nous quittons nos pays pour apporter les bases d’un renouveau. Regardez l’histoire du 20e siècle. Le Japon devait former son élite. Une politique intelligente a été mise en place : Leurs étudiants étaient envoyés aux États-Unis pour y être formés. Cette élite, après avoir acquis des savoirs, a fini par rentrer et développer cette puissance économique mondiale qu’est devenu le Japon.
Comprenez donc que si nous venons en France, c’est d’abord pour apprendre et étudier dans une langue qui nous est chère et qui fait partie de notre bagage culturel et historique : le français. C’est naturellement plus facile pour nous d’apprendre en français qu’en anglais. Ensuite, nous venons en Europe et plus précisément en France pour bénéficier d’un savoir qui est essentiel pour contribuer plus tard à l’émancipation de nos pays respectifs. Nous sortons dans le but de retourner dans nos pays et contribuer à leur développement dans nos domaines respectifs.
Enfin, nous sommes ici pour s’ouvrir à la culture française, pour mieux connaître l’autre. C’est une démarche d’ouverture. Comment connaître l’autre si on ne va pas chez lui. Nous avons le désir d’élargir nos horizons et nous ouvrir au monde. Connaître l’autre à travers ses lumières mais aussi ses ténèbres.
Il faut favoriser le co-développement
Dire que moi, en tant qu’étudiant congolais, je viens vivre en France pour être un assisté, percevoir les assedics, c’est faire d’une minorité de cas une généralité. Notre présence ici s’inscrit dans une logique de co-développement. La France manque de médecins dans certains territoires. Des étudiants en médecine peuvent travailler ici un temps pour combler ces manques et dans le même temps avoir un pied en Afrique, préparer leur retour et des chantiers de développement.
C’est un échange équitable. Dans les relations commerciales, surtout quand cela concerne les pays africains, il y a un gagnant, la France, et un perdant, l’Afrique. Il faut que chaque partie ressorte gagnante. Sinon, notre perspective sera toujours en Europe. Notre réalité sur place nous pousse à quitter nos pays pour évoluer, s’épanouir.
«Dans les relations commerciales, surtout quand cela concerne les pays africains, il y a un gagnant, la France, et un perdant, l’Afrique. Il faut que chaque partie ressorte gagnante. Sinon notre perspective sera toujours en Europe»
Franck Zatonga, président de l’Association Des Etudiants Africains de la Sorbonne
Je lance un appel à plus de responsabilité
La politique migratoire de la France est hypocrite. On choisit les têtes et les pays. Ça donne l’impression que des peuples ont moins de valeurs que d’autres, en même temps on chante l’universalisme. Nous ne demandons pas l’aumône. Nous sommes des personnes fortes. Mais en attendant que ça évolue dans nos pays, on fait quoi ? Il y a des guerres, des dictatures. Des hommes politiques véreux gangrènent nos pays avec la participation de multinationales européennes, et américaines.
Je lance un appel à plus de responsabilité. La responsabilité, c’est de regarder l’autre comme il est. Accepter que l’autre vienne chez soi. Et au nom de la solidarité, l’aider pour que ne se développent pas la piraterie en Afrique de l’Ouest, les guerres civiles et les dictatures. Nous n’avons pas vocation à rester ici, mais laissez-nous venir faire nos études.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER