Il y a quelques mois, j’ai décroché un Master en droit du travail. A l’université, je portais le voile.
Aujourd’hui, je le porte toujours et je bosse dans une grande entreprise. Grâce à mon diplôme je n’ai pas fini caissière dans une boutique de produits halal ou dans l’une des rares enseignes de la grande distribution qui acceptent le port du foulard. Sinon, je serai restée presque uniquement au contact de gens qui me ressemblent avec pour seuls projets, me marier, faire des enfants et faire grossir l’industrie du halal. Grâce à la fac, j’ai pu éviter ce repli communautaire.
Je ne suis pas un objet prosélyte sur pattes
Par où commencer ? C’est toujours compliqué pour une fille comme moi, musulmane et voilée de surcroît de prendre la parole. Chaque mot doit être pesé. Même en étant honnête dans mon propos, je ne suis pas à l’abri de tous ces fachos sur la toile qui vont reprendre mon témoignage pour en faire une bouillabaisse où se mêlent mauvaise foi et démagogie.
Je veux raconter mon parcours, rien de plus. Il n’est pas question de vous dire que le voile ou l’Islam c’est trop chouette. Donc ceux qui me voient comme un objet prosélyte sur pattes vous faites fausse route.
Je viens d’une banlieue populaire. J’ai connu les huissiers qui déboulent à la maison, les fins de mois incertaines, le Secours Populaire, les vêtements impersonnels piochés chez Emmaüs. De ce passé j’y ai forgé la volonté de ne plus jamais connaître cette vie de misère. En cela, la promesse de l’école Républicaine a été pour moi un refuge. J’y ai cru et me suis accrochée pour arriver à la fac.
« Grâce à mon diplôme je n’ai pas fini caissière dans une boutique de produits halal »
Imen, juriste qui porte le voile @streetvox
Mon père était contre
C’est pour toutes ces raisons, et aussi parce qu’il craignait que je me tire une balle dans le pied, que mon père s’est fortement opposé à ma décision de porter le voile, lors de ma troisième année de Licence. Mon entourage me répétait que jamais je ne trouverais de stage.
Arrivée en Master, j’ai découvert que le monde du travail est plus ouvert que ce qu’on peut croire. Bien que voilée, j’ai trouvé des stages dans de grandes sociétés et pu valider mon Master.
Je me souviens de mon premier entretien. C’était à Issy-les-Moulineaux dans une grande boîte. La veille j’étais super mal, au réveil encore pire. J’y suis allée en imaginant les pires scénarios. Au final je suis tombé sur des personnes professionnelles qui m’ont interrogé sur mes motivations et ma mission à venir. C’était pour moi surréaliste.
Ce premier stage m’a permis de reprendre confiance en moi et d’envisager un véritable avenir professionnel. Et pour trouver mon stage de fin d’études et décrocher le boulot que j’occupe actuellement, ça a été beaucoup plus facile !
« J’ai découvert que le monde du travail est plus ouvert que ce qu’on peut croire. Bien que voilée, j’ai trouvé des stages dans de grandes sociétés »
Imen, juriste qui porte le voile @streetvox
De fait, mon expérience m’a démontré que certains médias et politiques montent les individus les uns contre les autres en créant des problèmes là où il n’y en a pas. La question de l’interdiction du voile à l’université, des signes religieux en entreprise…
On oppose les individus, on met en avant ce qui les divise, les forçant à s’enfermer chacun dans leur petit monde, leur zone de confort pour ne plus en sortir. Résultat, l’intolérance grimpe en flèche et tous autant que nous sommes on se tourne vers les éléments les plus radicaux. Alors qu’en fait la société n’est à la base pas si fermée que ça !
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