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    06/01/2017

    Son boeuf avec Stevie Wonder, ses scènes avec Oxmo Puccino, sa rencontre avec Jay-Z

    Le jazzman malien Cheick Tidiane Seck revient sur sa carrière stratosphèrique

    Par Benjamin Leiba

    « Je ne cherche pas à faire le buzz mais plutôt à créer des mélodies de qualité » lâche Cheick Tidiane Seck. Bien posé dans son salon, le jazzman rembobine 30 ans de carrière. De ses débuts galère à Paris à ses concerts avec les plus grands.

    Paris Bercy –Cheick revient tout juste de sa répétition en studio avec ses musiciens. Il nous reçoit chez lui, posé dans son canapé. Le bonhomme est impressionnant, tout en rondeur et en sourires. Son salon témoigne d’une vie de rencontres, de voyages et de tournées. A 63 ans, le jazzman a eu une carrière stratosphérique. Proche de Salif Keita et Amadou & Mariam, il a déjà déjà collaboré avec Santana, Stevie Wonder, Nina Simone, et a arrangé des albums de Hank Jones ou des Black Eyed Peas. Entre autres.

    Tout en nous tendant un bout de viande séché made in Mali, Cheick rembobine plus de 30 ans d’anecdotes et de souvenirs d’une carrière musicale qui lui a fait traverser le monde. De ses débuts galères en France quand il était sans-papiers à sa rencontre avec Jay-Z dans un bar de New York. Le tout, avant d’aller dîner avec Joey Starr…

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    Quand il pense au dîner avec Joey Starr. / Crédits : Benjamin Leiba

    Tu es un compositeur reconnu du milieu musical, moins du grand public. Pourquoi ?

    Ça ne m’est jamais venu à l’idée d’être une icône. Je ne cherche pas à faire le buzz mais plutôt à créer des mélodies de qualité. Je n’ai sorti mon premier album solo Mandingroove qu’en 2003, après 30 ans de carrière. Je prends le temps qu’il faut pour créer mes chansons. Ma fierté passe par la reconnaissance de la qualité de mes compositions. Être plébiscité par Manu Dibango et Aimé Césaire a été un vrai honneur pour moi.

    Il parait que tu as fait un boeuf avec Stevie Wonder…

    C’était en 2010, après son concert aux Victoires de la musique. On s’est vraiment éclaté. J’étais en backstage et il avait encore envie de jouer. On est resté ensemble pendant une heure à improviser dans sa loge sur son piano. Ç’a été le coup de foudre musical.

    Tu as été très proche du rap new yorkais pendant un moment…

    Moi je suis de l’école de la Soul music. Je me suis intéressé au hip-hop depuis les jam sessions que j’animais à Manhattan dans les années 90, au 56 Walker Street. Il y avait ce petit rappeur qui venait nous voir, on se disait qu’il allait monter au sommet : un certain Jay-Z… À cette époque, j’ai commencé à jouer avec les papis du rap activiste à New York, The Last Poets. Ils étaient même considérés comme subversifs par le FBI, car ils militaient pour les droits des noirs. Moi, je m’intéressais beaucoup aux racines des noirs américains.

    En France, tu as collaboré avec Rockin’ Squat ou Oxmo Puccino. Comment en es-tu venu au rap français ?

    Des rappeurs sont venus vers moi ces dernières années pour donner une touche africaine à leur musique. J’ai collaboré avec Rockin’ Squat sur le titre France à fric, qui dénonce l’ingérence de la France et les pratiques de Total et Bolloré en Afrique. En 2013, on a fait une tournée ensemble qui fut une réussite. Je sais qu’il est blacklisté, mais je suis reconnaissant des opportunités qu’on a eu de jouer en France.

    Clip Son clip avec Vincent Cassel

    On a aussi tourné un clip en 2011 avec Oxmo Puccino, Rockin’ Squat et son frère Vincent Cassel. Je jouais le rôle du marabout africain dans le clip avec ma tenue de scène.

    Comment s’est passée la collab’ avec Oxmo ?

    Oxmo est né à Ségou, dans le centre du Mali, comme moi ! Du coup, je l’ai emmené au Mali pour une tournée fin 2013. On a notamment joué au centre culturel français de Bamako et il a même animé des ateliers de slam sur place. Oxmo Puccino est venu aussi sur des featurings à moi à cette période.

    Comment vois-tu l’évolution du rap français ?

    Sans vouloir critiquer, je pense que le contenu mériterait d’avoir un peu plus de profondeur. Aujourd’hui, on cherche à faire le buzz avec des beats formatés. C’est dommage que les rappeurs n’utilisent pas plus les instruments traditionnels africains.

    Tu t’es installé à Paris en 1985 avec ton groupe « Les Ambassadeurs ». Comment s’est passée l’installation ?

    C’était dur. J’ai perdu beaucoup de contrats à cause de problèmes d’immigration car on ne me donnait que des visas précaires. Je ne pouvais pas voyager facilement, notamment pour mes concerts à l’étranger. Au début, je n’avais qu’un récépissé de séjour en tant qu’artiste-visiteur. Ça a duré environ 10 ans. De 1985 à 1986, je me suis même retrouvé sans-papiers et je voyageais avec les documents de quelqu’un d’autre, un certain Moussa Keita qui me ressemblait. On m’a même adressé deux fois une lettre d’expulsion ! Une fois, j’ai charrié un policier : « vous savez, je suis né français. En 1953, le Mali c’était la France. Je devrais bénéficier du droit du sol ».

    Comment tu as finalement eu tes papiers ?

    J’avais un ami qui connaissait quelqu’un dans l’équipe de Jospin et ils ont fini par valider mon titre de séjour. Evidemment, ce n’était pas M. Jospin directement. Mais un jour, je l’ai croisé par hasard dans Paris et je suis quand même allé le voir pour le remercier. Il ne me connaissait pas et je crois qu’il a été très surpris de me voir débouler.

    C’est à cette période que tu as été engagé pour la défense des sans-papiers ?

    Oui, dès mon arrivée à Paris en 1985. J’étais de toutes les manifs pour les soutenir. J’ai même fait plusieurs concerts dans la rue avec Claude Nougaro et Jacques Higelin par solidarité.

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    Cheick / Crédits : Benjamin Leiba

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