Avenue Edouard Vaillant, Boulogne (92) – Accoudé au comptoir en bois massif, Kodas Erdem fanfaronne :
« Plein de gens célèbres passent chez nous ! »
Le petit gaillard trapu est aux manettes de l’Anamour, le kebab préféré des peoples depuis 1999. Il embraye, sourire aux lèvres. « Prends ton cahier et ton stylo, c’est parti ! » Le fantasque boss se lance dans un name dropping sans fin, n’hésitant pas à mimer une par une les vedettes : le patron de M6, « bien habillé avec son chien », Samy Naceri « trop nerveux » ou Booba, qui fait donc des infidélités à l’Everest, autre kebab de Boulogne où il avait tourné le clip de « Salade, tomates, oignons ». La liste est longue : Faudel, la présentatrice de la météo sur M6 Anaïs Baydemir…
« Même Nabilla est venue, perchée sur ses hauts talons. Une très belle fille, y a pas à dire ! »
Kebab à 6 euros
Ce vendredi midi, la file d’attente s’étend jusqu’au trottoir, mais pas de peoples assis sur les banquettes en cuir façon diner américain. « On voit passer en moyenne 500 personnes par jour », assure le patron. Face aux clients les cuistots pétrissent la pâte, tandis que Kodas s’applique à délivrer un petit mot à chaque client venu discuter le kebab à 6 euros. Tout en ajoutant de la sauce blanche sur des frites, il demande à un groupe d’ouvriers du bâtiment :
« Alors les gars ? Ça avance le chantier aujourd’hui ?! »
Dans un coin de la salle, un couple discret d’habitués bulgares posent leurs serviettes sur les genoux. « On se sent un peu chez nous. » Ils viennent depuis 10 piges car la cuisine leur rappel les saveurs du pays voisin de la Turquie.
Kodas Erdem, fort comme un kurde. / Crédits : Félix Lemaître
Ici c’est Boulogne
Les soirs de match au Parc des Princes, c’est carrément la foire d’empoigne à l’Anamour. Et les supporters du PSG sont les premiers à avoir fait la réputation du kebab. Le QG aux murs décorés aux couleurs du club attire certains joueurs, peut-être soucieux de rencontrer leurs fans. « On a une vraie histoire avec le club. Faut pas oublier que le PSG, c’est Boulogne », assure Kodas.
Jeremy Menez, Mevlüt Erding et Mamadou Sakho venaient souvent lorsqu’ils portaient le maillot bleu et rouge. L’actuel pensionnaire de Liverpool aurait initié Giroud et Benzema, ses partenaires en équipe de France, à la cuisine généreuse de l’Anamour. Sakho est resté fidèle au lieu. « C’est un rigolo », confie Kodas :
« Souvent, il nous dit pour taquiner “Je viens chez vous depuis longtemps alors payez-moi quelque chose !” Alors on lui offre la boisson. ».
Pas de photos avec les stars accrochées au mur. « Ils viennent pour être tranquilles. On respecte ça. » Le staff les aide même à rester incognito :
« Certains joueurs du PSG viennent un peu cachés, avec des casquettes. Surtout le soir, parce qu’on a plutôt des jeunes. Pour les arranger, des fois on leur apporte leur commande dans leur voiture. »
Family Affair
L’Anamour, c’est avant tout une affaire de famille. Les quatre frères Erdem, d’origine kurde, sont associés depuis 1992. Kodas, à l’époque technicien dans le bâtiment, galère à retrouver du travail. Tout naturellement, il rejoint ses frères qui gèrent une petite sandwicherie dans le 9e arrondissement. Une reconversion qu’il ne regrette pas :
« Je suis un malade de ce métier ! J’adore le contact avec les clients. »
Avec son clan, il possède désormais plusieurs affaires. Le premier Anamour ouvre en 1996, dans le 19e. Un nom qui s’inspire de la ville d’Anamur, en Turquie, où la famille passe ses vacances. Il a depuis été rebaptisé Les Délices d’Amour et StreetPress l’a placé sur sa carte des meilleurs kebab de Paris. Trois ans plus tard, ils reprenaient la boucherie de M. Claude à Boulogne, « un Pyrénéen aux moustaches immenses ». L’implantation, à deux pas du Parc des Princes, et de nombreux studios télé est stratégique :
« On nous avait dit qu’on était fous de venir ici. Mais les frères ont eu du pif ! »
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