En ce moment

    21/10/2016

    Akhenaton, soprano ou Gradur sont passés par là

    Bienvenue à Beat Bounce, l’usine à clips marseillaise

    Par Elvire Duvelle-Charles

    A Marseille, les studios Beat Bounce accueillent le gratin du rap français. Les deux amis aux manettes de la boîte viennent même de signer avec le producteur Thomas Langmann pour une série.

    Marseille, quartier Saint-Pierre – Au milieu du parking cramé par le soleil trône un grand hangar noir. Sur la façade s’affiche fièrement « Beat Bounce » en lettres rouges. Ce studio d’apparence anodine fait partie de la légende du rap marseillais. Les murs du couloir d’entrée sont couverts de disques d’or et de platine : Akhenaton, Soprano, SCH… Mais aussi les parisiens Lacrim et Kool Shen. Tous sont venus tourner leurs clips entre ces murs.

    Ce vendredi, c’est le groupe Ghetto Phénomène qui squatte le studio d’enregistrement. Les potes d’enfance de Jul préparent studieusement leur premier album. Quelques mecs du quartier passés voir ce qu’il se trame grignotent un bout. « Ici la porte reste ouverte », assure Mike grand gars aux allures de patron. C’est lui qui assure la visite. Il ouvre la porte d’une loge. A l’intérieur, Gradur enfile un jogging de velours noir pour tourner une scène de son prochain clip. Dans l’après-midi, on recroise l’artiste, arme factice au poing, dans une cité voisine, face à la caméra de Mass. Tout autour les jeunes du quartier venus assister au spectacle à base de kalash en plastique, liasses de faux-billets et belle voiture…

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/beat-bounce2_1.jpg

    Mass et Jojo en train de préparer une caméra et une arme factice / Crédits : Elvire Duvelle-Charles

    Who is the boss ?

    Personne n’ aurait prédit à Mike et Mass, les boss du studio, cet avenir radieux :

    « On a été à Pôle Emploi en disant qu’on voulait monter une boîte de production audiovisuelle, le conseiller nous a répondu “vous ne voulez pas plutôt ouvrir un snack ou une pizzeria?” »

    Les deux mômes des quartiers nord ont toujours grenouillé dans le monde du rap, sans forcément penser en vivre. Mike passe un BTS électro, son futur associé un BTS compta « parce que la conseillère d’orientation a dit que c’était la seule chose que je pouvais faire ». Début 2000, Mike enregistre les artistes du quartier dans le petit studio « avec des boîtes d’œufs aux murs » qu’il s’est bricolé. Mass compose des intrus pour certains d’entre eux. C’est grâce à ce talent qu’il va toucher le pactole, explique Mike :

    « Il a fait le son de Léa Castel avec Soprano “dernière chance” qui à l’époque était un gros hit sur notre région mais n’était pas exploité commercialement. »

    Quand Léa Castel fait pop star, la prod’ décide de reprendre le morceau. Mass le compositeur touche son premier « gros cachet ».

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/beat-bounce3.jpg

    Hauts les mains, peau d'lapin ! / Crédits : Elvire Duvelle-Charles

    Sat, feat. Akhenaton et Soprano

    Ce qui passionne vraiment les deux acolytes, ce sont les clips assure Mike attablé devant une assiette d’aïoli :

    « On regardait les gros clips de l’époque. On kiffait ça : les yachts, les meufs, les grosses caisses c’était l’époque du bling-bling. »

    Alors avec l’argent de sa Sacem, Mass s’achète une caméra. Mike se lance également, d’abord pour produire les clips de ses propres artistes. Puis progressivement, ils tournent les clips de pas mal de copains, jusqu’à ce que Sat les repère. C’est le coup de pouce qu’ils attendaient. Le rappeur de la Fonky Family leur propose de réaliser le clip de son featuring avec Soprano et Akhenaton. L’assurance d’une grosse visibilité. « Quand on le reçoit on n’a pas de société et même pas de vraie caméra, juste un petit truc de rien du tout. Il hallucine ! » se marre Mike.

    Le rappeur met finalement à leur disposition une équipe de techniciens qui se charge de faire les réglages image dans les règles de l’art. « On ne savait même pas à quoi servait tel poste ou tel poste. » Finalement les deux acolytes finissent par tout prendre en main. Si bien que le reste de l’équipe passe la fin de la journée assise à regarder les deux autodidactes travailler. Le clip est un succès, l’aventure est lancée.

    Les deux hommes montent une structure. Seb, le grand frère de Mike, rejoint la bande. Il deviendra plus tard directeur de production. Jojo, le petit frère, rejoint lui aussi l’équipe. Les millions de vues s’enchaînent et les labels font la queue pour produire les clips de leurs artistes chez « les frères Bounce ». Les deux potes n’oublient pas les petits du quartier. Ces derniers peuvent louer à un prix très abordable le studio d’enregistrement.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/beat-bounce1_0.jpg

    On se presse pour regarder les premières images / Crédits : Elvire Duvelle-Charles

    Sky is the limit

    La team Bounce, ne compte pas s’enfermer dans le monde du rap. Leur nouveau projet, une série intitulée Quartier Nord. Et le pilote a séduit l’un des plus grands producteurs du cinéma français :

    « Thomas Langmann nous on ne savait pas qui c’est. Si Jay-z nous appelle, on sait qui c’est, mais Thomas Langmann… »

    Ils apprennent à le connaître et signent un accord de co-prod avec le producteur de l’oscarisé The Artist… Mass touche son rêve du doigt, enfin presque :

    « Mon rêve ultime ça serait de revenir à la fiction et d’enfin pouvoir adapter Princesse Sarah au cinéma. »

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€ 💪
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER