Porte de la Chapelle (Paris 18e) – A peine descendu de son scooter, Julien Beller, l’architecte du camp de migrant de la Chapelle est déjà en mouvement. Il slalome entre les préfabriqués et les pelleteuses. Alors qu’il discute de l’avancée du projet avec plusieurs architectes, le jeune mec, blouson de moto sur le dos et piercing dans le nez, attrape un petit casque de chantier rouge.
La visite du chantier commence, au pas de charge. « J’ai déjà bossé dans l’urgence mais jamais à cette échelle » lâche-t-il alors qu’on pénètre dans le halle qui devrait accueillir 400 migrants à partir de mi-octobre :
« J’ai été mis sur le projet mi-juillet. Depuis, on n’a pas arrêté de bosser. »
Peux-tu nous présenter le projet ?
L’idée du site, c’est d’accueillir les réfugiés qui sont entre 60 et 80 à arriver à Paris chaque jour, de les héberger pendant dix jours avant de les orienter vers un centre d’hébergement. Le site est composé d’une halle de 10.000 mètres carrés sur deux étages et d’un espace extérieur de 4.000 mètres carrés. Il s’organise autour de trois espaces. D’abord une bulle installée à l’entrée du camp, ce sera une sorte de guichet. C’est une structure gonflable réalisée par un architecte qui s’appelle Hans Walter-Müller. Il a surtout bossé dans le domaine de la culture. Le second espace est un pôle santé, juste devant le bâtiment. Médecin du Monde et le Samu Social seront présents pour dispenser des soins à ceux qui en ont besoin. A l’entrée, on retrouvera aussi le magasin où les réfugiés pourront récupérer des vêtements et de la nourriture. Il sera installé dans des containers maritimes. On est aussi en train d’aménager l’extérieur. A terme, il devrait y avoir un terrain de foot.
Ca devrait ressembler à ça. / Crédits : Julien Beller - Le Parisien
A l’intérieur, on trouve enfin l’hébergement : 400 lits, on pourra monter jusqu’à 600 si c’est nécessaire. On a décidé d’organiser l’espace en huit quartiers, disposés autour de rues. Chaque quartier est formé d’une douzaine de petites maisons en bois pour quatre personnes, d’un bloc sanitaire, d’une cuisine et d’un petit réfectoire. Chaque quartier sera géré par une équipe d’Emmaüs. Pour les maisons, on va installer une sorte de toile devant la porte d’entrée, un peu à la manière d’une tente. Comme ça, les gens pourront choisir entre ouvrir sur l’extérieur ou fermer pour avoir de l’intimité.
Pourquoi ce parti pris ?
On s’est dit que quand les réfugiés arrivent, ils n’arrivent pas seuls. On avait l’idée dès le départ que les gens puissent se regrouper. C’est pour ça qu’on a pensé l’espace en quartiers autonomes. On a aussi imaginé le lieu pour que les gens s’y sentent bien. On a construit des perrons devant les maisons, des bancs aux coins de rue, des terrasses pour s’asseoir et on a installé du WiFi dans tout le bâtiment. Dès le début avec Emmaüs, on était sur la même longueur d’ondes. On voulait faire quelque chose de beau, mais aussi de viable.
Ca ressemble presque à une ville…
Une ville, un chantier, un village informel ou même un camping… On s’est servi de toutes ces influences dans le projet. Avec la mairie, on s’est demandé ce qu’était un camp de migrant à Paris. On ne pouvait pas faire un camp classique, comme au Soudan. Il fallait faire quelque chose de différent.
Pour ma part, cela fait longtemps que je bosse sur ce type d’architecture. Avec mon collectif XYZT, on s’était donné comme objectif d’occuper les interstices des villes. On a conservé cette idée-là : travailler avec des échafaudages, utiliser la culture autant que possible, faire de l’archi un événement. Au fil des projets, j’ai aussi beaucoup travaillé sur l’idée de commun, notamment dans des camps de roms. Puis, au 6b [l’espace qu’il a ouvert à Saint-Denis en 2014, ndlr] on gère une ville qui s’est fabriquée au fil de ses habitants. C’est assez proche de ce qui va se passer ici.
Quelle était la principale contrainte du projet ?
Le site n’est disponible que pour 18 mois. Il fallait que tout soit démontable. On a utilisé beaucoup de matériaux réutilisables, faciles à transporter, comme les échafaudages, des éléments en bois. C’était une commande de la mairie de Paris et d’Emmaüs Solidarité, l’association qui va gérer le site. Il fallait que l’on puisse déménager les différents éléments du camp au terme de cette période.
Il a aussi fallu sécuriser le site : enlever ce qui restait à l’intérieur, creuser des fenêtres, mettre des garde-fous et construire des escaliers pour rendre le lieu accessible.
Au boulot ! / Crédits : Tomas Statius
L’une des critiques du camp, c’est sa faible capacité par rapport au nombre de réfugiés à Paris…
Moi je suis archi, je construis des chambres. Si les réfugiés restent plus longtemps dans le camp, cela ne me dérange pas. Ce qui est sûr c’est que ce camp ne fonctionnera pas s’il n’y pas d’hébergement disponible pour eux. Maintenant, il faut que d’autres camps comme la Chapelle ouvrent en France. C’est ce sur quoi on doit travailler maintenant.
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER