David Rachline, directeur de campagne de Marine Le Pen. Selon Europe 1, la nomination du jeune sénateur-maire de Fréjus, devrait être rendue publique ce week-end lors de l’université de rentrée du FN. Il s’agit d’un poste clef. Rappelons qu’en son temps, Jean-Marie Le Pen avait choisi sa propre fille pour occuper la même fonction.
Soral et Rachline sur les routes du Poitou
Une campagne pour l’élection présidentielle de 2007 à laquelle participait déjà le tout jeune David Rachline et un certain… Alain Soral. Comme nous l’expliquions dans notre livre Le Système Soral, enquête sur un facho business, les deux hommes étaient alors très proches. Nous avions tenté d’interroger David Rachline sur cette amitié aujourd’hui très encombrante. Il avait refusé de répondre à nos questions.
Quand Rachline assumait encore
Le journaliste Claude Askolovitch, lui, se souvient. Fin 2006, il avait accompagné, sur les petites routes du Poitou, Soral et Rachline en quête de parrainages pour la candidature de JeanMarie Le Pen à la présidentielle 2007. Rachline, gamin de 20 ans, encore subalterne au FN, était admiratif de ce grand frère rebelle qui lui apprenait la vie à coups de discours sur la vie et le rock, raconte Askolovitch.
De cette amitié, il ne reste qu’une vieille tribune sur un blog régional du FN où il se présente comme un « ancien membre d’Égalité & Réconciliation ». [Depuis la parution de ce livre, StreetPress a pu consulter les listings des anciens adhérents d’E&R dans lesquels son nom apparait.] De quoi alimenter les sarcasmes de ses anciens camarades, comme Thomas Joly qui exerça avec lui des responsabilités au Front national de la Jeunesse :
« Quand on voit où en est Rachline aujourd’hui, c’est très amusant de savoir qu’à une époque il rigolait avec des gens radicaux pour essayer de se faire une petite place. »
Avant le Front
Les liens qui unissent Rachline et Soral sont même antérieurs à l’arrivée officielle de ce dernier au FN. Courant 2005, le futur boss d’Egalité & Réconciliation compte déjà de nombreux relais officiels à l’intérieur du parti, comme Farid Smahi, à l’époque membre du bureau politique. « C’est moi qui lui ai présenté Jean-Marie ! » plastronne celui-ci. Champion de water-polo et fils de harkis, Smahi a longtemps joué le rôle de rabatteur pour le FN auprès des musulmans. Jusqu’à son fracassant départ lors du congrès de Tours 2011, où il déclare, devant la presse et des militants estomaqués, « en avoir marre d’être le bougnoule de service ».
Pendant les années 2000, il anime au sein du parti le cercle Arabisme et Francité. Ce club confidentiel a vocation à insuffler des idées nationalistes chez les Français musulmans. D’après cet homme trapu, l’initiative aurait incité Soral à se rapprocher du FN. Ce dernier le contacte par téléphone, puis ils en viennent rapidement à prendre des verres ensemble. Dès les premières réunions, le futur sénateur et maire de Fréjus, David Rachline, les accompagne. « Nous avions l’intention de créer un grand mouvement pour les Français issus de l’immigration qui jouent la carte patriote, se souvient Smahi. Je voulais vraiment qu’il mette les deux pieds au Front national. »
Soral en place au Front
De fil en aiguille, Soral est introduit auprès de Jean-Marie Le Pen. Chez lui, à Montretout (Hauts-de-Seine), le vieux président multiplie les rendez-vous mondains dans son bureau du premier étage, comme le rappelle son ancien directeur de cabinet Olivier Martinelli. Soral déboule avec sa grosse moto, grimpe l’imposant escalier en bois vêtu de sa veste en cuir et présente ses idées à Jean-Marie Le Pen, séduit par son éloquence. « Il voulait agir dans les banlieues de la façon dont nous envisagions la cité future. À l’inverse de tous ceux qui servaient à faire détester la France », explique aujourd’hui le fondateur du FN. L’essayiste « venu de la gauche » devient un objet de curiosité, au point qu’on le réclame pour déjeuner. « Quand j’ai su qu’il s’était rapproché de nous, je lui ai envoyé une invitation », confie Bruno Gollnisch, l’ancien numéro 2 du parti, qui le rencontre pour la première fois au début de 2006 dans une brasserie du XVIIe arrondissement.
Alain Soral tracte avec David Rachline et Marine Le Pen lors des municipales 2008 /
Aujourd’hui, le passage d’Alain Soral au FN est un sujet tabou. Marine Le Pen, Louis Aliot(1), Steeve Briois, Wallerand de Saint-Just : aucun n’a donné suite à nos demandes d’interviews, sans doute trop gênés par le parcours de leur ancien camarade. Alain Vizier, directeur de la communication du parti et membre du bureau politique, nous répond sèchement :
« Je ne sais pas s’il a fait partie du Front national. Ce monsieur ne m’intéresse pas. »
Il fut un temps pourtant où Marine Le Pen elle-même tenait un autre discours sur Alain Soral. Novembre 2006 à la fête des Bleu-Blanc-Rouge, la grande rencontre annuelle des sympathisants du Front national. Le stand des Jeunes avec Le Pen organise un karaoké dans un coin du Parc des expositions du Bourget. Dans une ambiance endormie de fin de kermesse, Marine Le Pen reprend à tue-tête Femme Libérée, le hit des années 80 du groupe Cookie Dingler. Sitôt la chanson terminée, elle appelle Alain Soral, « l’immense écrivain », à venir la rejoindre sur la petite scène improvisée pour chanter Ma gueule de Johnny Halliday.
Vidéo fournie par StreetPress à Mediapart.
La future présidente du Front national, légèrement éméchée, harangue son public clairsemé : « Il a beaucoup de talent de plume, il va aussi nous montrer qu’il a des talents de chanteur ! » Puis elle lui tend le micro, sous les yeux amusés de son compagnon Louis Aliot, du trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, et de David Rachline, le futur sénateur du Var. A l’époque, au début des années 2000, le polémiste est connu pour ses diatribes machistes sur les plateaux télé et ses essais sur la drague de rue. Mais quelques années plus tard, on le retrouve en train d’entonner des chansons ringardes avec des cadres endimanchés du Front national. Entré au Comité central du FN en 2007, Alain Soral devient une personnalité de l’extrême droite alors qu’il était jusqu’ici un essayiste borderline venu de la gauche. Encore aujourd’hui, il entretient des liens d’amitiés avec des proches de Marine Le Pen, comme les anciens Gudards Philippe Péninque et Frédéric Chatillon.
(1) Louis Aliot a contacté StreetPress pour rappeler qu’il avait intenté un procès à l’encontre d’Alain Soral. Ce dernier a été condamné pour injures et diffamations.
L’essentiel de cet article est extrait de Le système Soral, enquête sur un facho business (ed. Calmann-Lévy, 17 euros, 188 p.) de Robin d’Angelo et Mathieu Molard, journalistes à StreetPress. A commander ici.
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