Rue Notre Dame de Nazareth, Paris 3e – Posé sur un rebord de fenêtre de la Galerie MFC Michèle Didier, imprimé sur une feuille blanche, un décompte du nombre d’expositions consacrées exclusivement à des femmes artistes dans ce lieu. Une ou deux par an, pas plus.
« La galerie a joué le jeu », s’amuse Marie Docher, militante du collectif la Barbe. Une idée des Guerrilla Girls, un groupe d’artistes féministes fondé à New York notamment connu pour ses interventions – visage couvert d’un masque de gorille – dans les lieux d’art pour dénoncer la surreprésentation des hommes dans ces institutions. Avec La Barbe, ils exposent jusqu’au 12 novembre œuvres et matériel militant.
La Barbe guidant le peuple / Crédits : La Barbe
Ras la barbe !
Dans l’une des deux pièces de la galerie, un jeune brun équipé de ciseaux découpe un tissu poilu pour former des barbes. « N’en fait pas trop, c’est bien si les gens le font eux-mêmes », intervient Marie Docher. La quinqua, cheveux courts grisonnants, rembobine d’un ton posé son entrée dans ce mouvement féministe :
« Au moment des manifestations contre le mariage pour tous, j’ai pris une claque. »
Pas vraiment militante, cheffe d’entreprise et photographe, elle s’engage du jour au lendemain. Monte un blog sur lequel elle signe d’un nom masculin, avant de révéler son genre. Puis elle écrit Alors je suis devenue une indien d’Amérique, un livre ou elle livre son histoire et son ressenti. Elle y évoque la violence des prises de positions qui lors du débat autour du mariage pour tous. Des propos qu’elle prend en pleine face. Mais aussi les mots du quotidien, stigmatisation virulente ou feutrée. Et enfin rejoint La Barbe.
Le « barbage » fonctionne
L’expo, par une succession d’affichage de matériel militant, retrace les interventions du collectif non-mixte. Plus de 200 en 8 ans, ciblant le monde de l’art, les médias, les entreprises, think tank… Une manière d’attirer l’attention sur la prédominance des hommes dans ces milieux mais aussi de faire changer concrètement les choses.
Vidéo La Barbe à H.E.C
Et la quinqua, cheveux courts grisonnants, de raconter « le barbage » de la fondation Cartier. A l’occasion de ses 30 ans, les féministes postichées débarquent pour « féliciter » la fondation qui a su mettre en avant… 90% d’artistes masculins :
« Au début la sécurité nous a poussé vers le jardin, mais finalement on a pu lire notre texte et distribuer notre tract. »
L’action fait son œuvre : la fondation change la programmation de cette année d’anniversaire. Mais, ce n’est pas toujours aussi simple :
« Dans les milieux de gauche, ils disent “nous on est féministes” ce qui en quelque sorte les dispense de l’être. »
La surreprésentation des hommes dans les médias classés à gauche, « qu’on a pourtant souvent barbés », l’illustre parfaitement. A contrario certaines grandes entreprises, peut-être par peur du mauvais coup de pub, changent leurs habitudes. Ainsi « le barbage » d’une remise de prix du livre économique organisée par HEC et Manpower a lui aussi permis de faire évoluer les choses.
« L’année d’après on a vérifié, il y avait des femmes dans la sélection et parmi les intervenants. Ils ont compris… »
Signée la barbe / Crédits : La Barbe
Elles font le mur
Sur les murs de l’expo, on retrouve les petites pancartes barrées de slogan comme « les hommes préfèrent les hommes » ou « au bonheur des hommes », brandis par les militantes lors de leurs actions. A côté, les textes qu’elles lisent au micro, un peu plus loin deux affiches dont l’esthétique « s’inspire de la 3eme République » :
« Avant les hommes portaient des vêtements colorés et avaient des manières qu’on qualifierait aujourd’hui de moins viriles. Et c’est à cette époque que ce sont développés les codes de la masculinité virilistes qu’on connait aujourd’hui. »
Guerrilla Girls et La Barbe à la Galerie MFC Michèle Didier, 66 rue Notre-Dame de Nazareth, Paris 3e, jusqu’au 12 novembre.
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