Levallois-Perret (92) – « Vous avez une carte pour prouver que vous êtes journaliste ? », demande Medhi quand on le retrouve à Levallois, à deux pas du lycée Léornard de Vinci. Le bonhomme est méfiant et il a de quoi.
Le 14 avril dernier, lors du blocus de son bahut, il a jeté un œuf sur un policier en faction aux abords de l’établissement. Un délit sans victime (la citation à comparaître précise que l’enquête n’a pas réussi à déterminer quel fonctionnaire avait été visé) mais pas sans conséquences. Ce vendredi 27 mai, Medhi comparait devant le Tribunal correctionnel de Nanterre pour « violence sur un dépositaire de l’autorité publique en jetant un projectile, un œuf, dans leur direction ». Et si le loustic à la moustache bien fournie manie l’humour, il stresse :
« J’appréhende le fait d’arriver dans un système que je ne connais pas. »
Son avocat, quant à lui, plaidera la relaxe. « Il m’a dit qu’au pire j’aurais un peu de sursis ou des travaux d’intérêts généraux. »
Feu de poubelle devant le lycée
Sur un banc à l’ombre de platanes, Medhi rembobine la journée qui l’a fait passer du côté obscur de la lutte. Au départ de l’histoire, un blocage filtrant plutôt bon enfant organisé par le jeune homme et ses potes. Devant l’entrée principale du bahut, la petite bande empile palettes et poubelles. « Il y avait même une sono », précise-t-il pour témoigner de l’atmosphère festive.
Sauf que la situation dégénère. « Les policiers étaient très tendus. Certains étaient en tenues anti-émeutes, ils nous braquaient les gazeuses dessus. » En milieu de matinée, quelqu’un met le feu à un panneau de bois qui remplaçait les vitres du lycée détruites lors d’un précédent blocus. Dans la cohue, Medhi balance un œuf qui arrive sur le bouclier d’un policier en tenue anti-émeutes :
« On me l’a filé, je l’ai lancé. Point barre. »
Alors qu’il s’éloigne du rassemblement, 4 policiers en civil lui tombent dessus. Malgré les protestations de ses « camarades », les fonctionnaires embarquent Medhi et un de ses potes manu militari, direction le commissariat de Levallois. A StreetPress, il détaille les méthodes plutôt viriles des fonctionnaires de la BAC à qui il a eu à faire :
« Mon pote s’est pris 2 fois des coups dans les couilles. »
Aucun des deux jeunes mecs n’a porté plainte à l’IGPN.
Medhi devant le lycée Léonard de Vinci / Crédits : Tomas Statius
24h de garde à vue
Au comico’, le cas de Medhi n’émeut pas franchement les policiers. « Je n’ai pas eu à me plaindre. Ils m’ont fouillé deux fois. J’ai eu le droit à un avocat, un médecin et même à un repas. » Des nouilles fourrées aux légumes qui aident le jeune homme à tenir une garde à vue de 24h. Vers 15h, le lendemain de son interpellation, l’ado est finalement déféré devant le procureur qui l’informe de la date de son procès.
Dans la foulée, Medhi doit également montrer patte blanche à l’administration de son lycée. Dans le lycée de 1.700 élèves, lui et ses potes sont connus comme le loup blanc :
« Il y a eu plusieurs conseils de discipline. L’administration avait déjà des gens dans le nez. Elle en a profité. »
Extrait de la citation à comparaître de Medhi / Crédits : DR
#ACAB
Dans le petit square, Medhi et ses copains tchatchent. Des mobilisations, des vidéos de manifs et des prochaines actions. Le tout sur fond de rap français, de Retour aux Pyramides des X-Men, au titre 16 rimes de La Brigade et Booba. Depuis mars, ils sont de tous les cortèges. « Politisé mais pas impliqué » au début du mouvement, Medhi est devenu un activiste convaincu. Avec sa petite bande, il a même créé un collectif Antifa, le Black Mamba :
« J’ai 18 piges, je me sens citoyen, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas m’engager. »
Et s’il y a bien une cause sur laquelle lui et ses potes s’accordent, c’est la mise en cause de la répression policière :
« Depuis le début du mouvement, j’ai été nassé, gazé. Les policiers, ils ne respectent rien. »
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER