Place de la République (Paris 3e) – Julien Bayou est arrivé en retard pour la Symphonie du Nouveau Monde. Ce mercredi 20 avril, alors que les 350 musiciens de l’orchestre de Nuit Debout entament le second mouvement de la pièce d’Antonin Dvorak, le porte-parole d’EELV tente de se frayer un chemin pour parvenir à la section cuivre. Au milieu de l’orchestre, il pose un étui noir au sol d’où il extrait son saxophone. « Cela fait 10 ans que je n’ai pas joué », avoue-t-il après la représentation. Pour l’occasion, il a décidé de remettre le couvert.
Son instrument accroché autour du cou, il mitraille la foule avec son smartphone. Il balance les photos instantanément sur son compte Twitter, tout en gardant un œil sur le pupitre. Sur une estrade faite de palettes et de cartons, le chef d’orchestre s’anime. Les cordes entament la seconde partie du morceau. Julien gonfle ses joues et porte le bec à sa bouche. Après la représentation, il se prête au jeu des questions / réponses avec Rémy Buisine, le périscopeur star de la Nuit Debout. « Ce soir, l’individu se fond dans le collectif. C’est ça, non ? », interroge l’homme à l’impeccable chemise. Et Julien Bayou de répondre :
« C’est une foule d’individus qui arrive à faire une harmonie, une symphonie en fait… Le Nouveau Monde. »
Bill Clinton à Nuit Debout ? / Crédits : Tomas Statius
Récup or not récup ?
Depuis le début de Nuit Debout, Julien Bayou est l’un des seuls politiques à s’afficher régulièrement à République. « Je me sens très bien ici », lâche-t-il en terrasse, à deux pas de la fontaine qui trône au centre de la place. Avant de rejoindre EELV en 2009, le trentenaire a pas mal bourlingué dans le milieu associatif, de Jeudi Noir à Sauvons les Riches, en passant par Génération Précaire :
« Sans les mouvements sociaux, je me serai vite fait chier. Ce sont mes meilleurs souvenirs. »
L’homme à l’éternel look d’ado est aussi la grosse cote du prochain congrés des Verts qui se tient dans un mois. Après avoir présenté sa propre motion en 2013, aux côtés d’Eva Joly, il a rejoint la liste majoritaire, soutenue par Cécile Duflot. Il serait en bonne place pour être réélu porte-parole. A Nuit Debout, il prépare aussi l’avenir :
« Nuit Debout, c’est aussi un mouvement de défiance envers les politiques… Je suis là pour observer, je pense que mon parti a beaucoup à apprendre d’un mouvement comme celui-là. »
Loi Travail, référendum à NDDL… Les mois devraient être plutôt chargés pour la gauche. Julien est dans les starting-blocks :
« Il faut qu’on rénove le parti, qu’on fixe un cap à 10 ans. C’est fou de voir notre faiblesse alors que le contexte est propice à la mobilisation. »
L'écologie est en marche, place de la République. / Crédits : Denis Meyer
Started from the bottom
Pour ce qui est de la Loi Travail, Julien Bayou est dans le coup depuis le début. Courant février, un de ses amis lance sur Facebook un appel à manifester le 9 mars. Rapidement, l’évènement compte des milliers de participants : « Il était un peu dépassé, alors je l’ai aidé ». L’homme ne s’arrête pas en si bon chemin. Le 23 février, François Ruffin rassemble ses troupes à la Bourse du Travail pour organiser l’occupation, la première Nuit Debout. A la tribune, Julien, mèche décoiffée et sérieux bagou, propose un plan B :
« J’avais proposé qu’on occupe le Canal Saint Martin si on avait des problèmes avec la police. Il était vide à l’époque. »
Le 31 mars, c’est le grand soir pour la bande à Fakir. Vers 22h, la place est bondée. Ce soir-là, le trentenaire prend une grosse claque :
« J’avais rarement vu une telle patate pour un mouvement social »
Comme à la maison
Julien Bayou est comme à la maison sur la place de la République : « Il ne vient pas avec son écharpe ou ses tracts… Tout se passe bien », commente un élu communiste, également habitué à République. Pour d’autres, la présence du porte-parole d’EELV parmi les déboutistes a tout du non-événement. « Même à la commission écologie, on en a à peine parlé. On a des choses plus importantes à gérer », tempère une habituée des estrades du mouvement citoyen. Incognito, Bayou tchatche, assiste à des commissions quand il a le temps, et prend la parole en AG :
« La première semaine, j’avais proposé qu’on occupe des bâtiments vacants. Ça avait été bien accueilli mais les organisateurs m’ont dit que c’était trop tôt pour ce type d’action. »
Depuis les premières manifs contre la loi travail, l’homme est aussi accro à Periscope, l’appli qui permet de diffuser des vidéos en direct. Avec son micro à moumoute, il arpente la place pour donner une autre image de la mobilisation et recueillir le témoignage de deboutistes :
« Une fois, une vieille dame est venue pour me demander la dépénalisation du cannabis. Je lui ai dit que ce n’était pas le lieu pour ça. Une autre fois, je suis même tombé sur Pierre Laurent. »
Tranquillou Bayou / Crédits : Tomas Statius
La politique reprend ses droits
Le lendemain du concert de l’orchestre Debout, devant une sortie de métro, un journaliste interpelle l’élu au Conseil régional sur les primaires à gauche, le congrés des Verts. Car Julien est un bon client pour les médias. Après la démission d’Emmanuelle Cosse, il avait fait le tour des plateaux pour dire son ras-le-bol de la politique à l’ancienne. Depuis, il soigne sa présence à l’antenne à coup de punchlines bien senties. De BFM à France Inter, l’homme squatte les plateaux pour commenter l’actu et aussi parler de Nuit Debout. Il nie faire du mouvement son fond de commerce :
« J’ai refusé beaucoup d’interviews sur Nuit Debout. A chaque fois que je suis intervenu, j’ai envoyé des textos aux membres les plus actifs pour savoir si ça leur allait. Jusqu’à maintenant, on m’a dit que c’était bien. »
« Ses prises de parole n’ont pas l’air de diviser », confirme une jeune militante connue comme le loup blanc sur la place de la République. Avant d’ajouter :
« De manière générale, on n’est pas hyper contents que des personnes extérieures représentent le mouvement. Mais ce n’est pas le seul, ni le pire. »
Les coups de Bayou
TV Devout – Yanis Varoufakis
Niveau buzz, il faut quand même dire que le porte-parole d’EELV n’est pas en reste. Son dernier coup ? La venue de Yanis Varoufakis, la rock-star de Syriza. L’ancien ministre grec de l’économie était de passage en France pour faire la promo de son bouquin. Julien Bayou lui suggère de passer place de la République. Ce dernier rapplique illico. Il demande même à prendre la parole lors de l’AG. « Je l’ai inscrit sur la liste ». Sur la place, c’est l’émeute :
« Il y avait 1.000 personnes sur la place, c’était impressionnant. J’ai fait la traduction. »
Depuis, le bonhomme enchaîne les rendez-vous et soigne son réseau. Ce 21 avril, une délégation de socialistes allemands est de passage à Paname et Julien s’est proposé de leur faire visiter Nuit Debout. Il est presque 20h. Le porte-parole des Verts est à la bourre :
« J’avais rendez-vous à 20h à Port-Royal avec eux. Ce n’est pas bon s’ils me voient ici. »
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