La Gaïté Lyrique (Paris 3e) – « Ce projet, depuis le début, ça a été un combat. Et moi je suis dans la continuité de tout ça. » Jean-Marc Mougeot se prépare pour le dernier round. A quelques semaines de l’ouverture du Centre Culturel Hip-Hop « La Place », installé dans la Canopée des Halles, son premier directeur est dans les starting-blocks. Pas le droit à l’erreur : ce projet, un vieux serpent de mer de la Mairie de Paris, est très attendu par les pros du secteur. La Place se présente en effet comme un véritable couteau suisse de la culture hip-hop. Sur 1400 m2, on y retrouvera des salles de répèt’, de concert, des studios d’enregistrement même un espace pour les graffeurs :
« C’est un lieu open… L’idée est de reconnecter le graffeur avec le rappeur, le producteur. »
Depuis plusieurs semaines Jean-Marc promène son bâton de pèlerin pour tenter d’évangéliser jusqu’aux plus récalcitrants. « J’ai même rendez-vous chez Rachida, dans le 7e », ironise-t-il.
Beat Street
L’histoire de Jean-Marc, c’est celle d’un gamin de Rilleux-La-Pape, en banlieue lyonnaise, qui a fini par conquérir Paname. Devant une orange pressée et un café allongé, le bonhomme aux impeccables Air Max nous raconte son parcours. A 13 piges, Jean-Marc découvre la danse hip-hop en matant Beat Street. Ce film culte de 1984 raconte l’ascension d’un jeune DJ à New York :
« On regardait les danseurs puis on essayait de faire pareil sans se casser le dos. Cette scène a du se passer dans toutes les villes de France. »
Quelques années plus tard, à 19 ans, Jean-Marc lance sa première compagnie de danse. Alors étudiant en DUT Génie Mécanique, il part en tournée dans toute l’Europe tout en assurant à l’école. Cours jusqu’à 17h, entraînement dans la foulée jusqu’à minuit, l’emploi du temps du bonhomme est déjà chargé : « C’était un truc de fou, on découvrait un univers qu’on ne connaissait pas ». S’il tourne finalement le dos à ses premières amours, l’homme finit par se faire un nom dans le milieu à force de projets plutôt successful.
Clip – La Cliqua – Un dernier jour sur terre
Le tremplin Rap BuzzBooster, c’est lui. L’Original, plus grand festival Hip-Hop indé en France, c’est encore lui. En 10 ans de festoches, le bonhomme a eu le temps de voir défiler le gratin du rap. D’Ideal J, l’un des premiers concerts qu’il organise en 1999 — « C’était magnifique, y’avait toute la Mafia K’1 Fry dans les loges » — à La Cliqua, groupe mythique des années 1990 qu’il convainc de se reformer en 2008. Mais dans sa boîte à souvenirs, c’est un concert de Raekwon en 2004 qui tient la meilleure place :
« Le Transbordeur [salle de concerts à Lyon, ndlr.] était plein ce soir-là. Avant d’entrer sur scène, Raekwon a fait “What’s up Lyon ?”. Et le public a répondu avec une clameur que j’ai jamais entendue après. »
Entre 2 gorgées d’agrumes, l’homme confie pourtant :
« Tous les projets hip-hop sont sous-financés en France. Dis-toi qu’à l’Original, on organisait un festival avec seulement 30.000 euros. La Place, c’est le seul qui a le soutien total d’une mairie. »
Le chouchou de la Mairie de Paris
Comment Jean-Marc Mougeot, vieux routier de la scène hip-hop lyonnaise et figure de l’indé, s’est retrouvé à la tête de La Place ? Entre 2 digressions sur ses meilleurs souvenirs de hip-hoper, le quarantenaire rembobine :
« En 2012 puis en 2013, l’équipe de Bruno Julliard [adjoint à la mairie de Paris en charge de la culture, ndlr.] est venu me voir à l’Original. Quand on m’a expliqué qu’ils allaient construire un centre hip-hop en plein cœur des Halles, je n’y croyais pas. Ça me paraissait trop gros. »
« Quand on m’a expliqué qu’ils allaient construire un centre hip-hop en plein cœur des Halles, je n’y croyais pas. » / Crédits : Tomas Statius
Le projet avance pourtant et l’équipe de l’adjoint à la culture se met en chasse d’un futur directeur. Elle demande à Jean-Marc de devenir le premier salarié de la Place. Son job ? Définir les contours du futur Centre Culturel Hip-Hop et rencontrer les acteurs du mouvement… A l’époque Jean-Marc se tâte :
« Je me suis posé des questions. Je me souviens, j’en parlais à un pote. Il a fini par me dire d’accepter : “On ne peut pas dire, les politiques nous consultent pas, c’est des bâtards. Et, quand ils nous consultent, refuser un job comme ça…” »
JM finit par accepter l’offre pour 8 mois reconductibles. Il s’installe à Paname, dans le 20e. 3 ans plus tard, il est toujours là, chaud comme au premier jour :
« Ce projet s’est construit de rencontres en rencontres, c’est ce qui m’a vraiment intéressé. »
Apôtre du hip-hop
Après plusieurs années à plancher sur la future organisation du lieu, Jean-Marc passe aujourd’hui ses journées à tenter de convaincre les derniers récalcitrants. De comités de quartier en bureaux d’élus, il parcourt Paname pour prêcher la bonne parole hip-hop. Et avec son bagou, pas grand monde ne lui résiste :
« Dernièrement, j’ai participé à un conseil de copropriété. C’était dans le 1er. J’étais en face de 10 personnes à qui je devais expliquer notre projet hors les murs [des graffitis sur des murs appartenant à des particuliers dans toute la ville, ndlr]. L’artiste qui a été désigné pour cet arrondissement, Noe Two, il est dans sa période gorille. Quand je leur ai montré le croquis, j’ai vu la tête des gens… Et je me suis dit que ça allait être très chaud. »
(img) Noe Two
Deux heures plus tard, il a mis les proprios dans sa poche. Ils lui ont même offert un stylo. Prochaine cible pour JM ? Les maires d’arrondissement :
« J’en ai déjà vu une dizaine. La plupart des élus ne connaisse pas grand-chose au hip-hop. Mais autour d’eux il y a forcément quelqu’un qui pratique… »
Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.
Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.
Je fais un don à partir de 1€Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.
Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.
Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.
Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.
Je donne
NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER