La pression est devenue trop forte. Début février, Samuel Grzybowski a décidé de quitter temporairement Twitter. La raison ? Une avalanche de critiques après son appel « Nous sommes unis ». Certains messages sont carrément menaçants :
« Ils ont passé un cap inacceptable. Ils ont mis des photos de mon école primaire, se sont attaqués à mon père et mon frère. »
Le jeune militant a fait le compte : 16 rumeurs courent sur lui, principalement sur ses liens supposés avec les Frères Musulmans ou les militants de la Manif pour tous. Sous son air de jeune premier, le fondateur de l’asso Coexister, qui « milite pour le vivre ensemble », se retrouve embarqué dans une tempête médiatique autour de la laïcité, qui semble le dépasser :
« On prend tous les moyens pour jeter le discrédit sur moi. C’est une chasse à l’homme. »
Un texte et des polémiques
Dans un café à deux pas de Montparnasse le Parisien de 23 ans rembobine l’affaire. Tout est parti d’un simple hashtag. La nuit des attentats du 13 novembre, Samuel twitte avec le mot-clé : « #NousSommesUnis ». Des milliers d’internautes reprennent le slogan. Le jeune associatif décide d’aller plus loin. Il écrit un texte et mobilise ses nombreux contacts. Il obtient rapidement la signature de dizaines d’associations, syndicats et ONG.
En bas de l’appel, Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité et conseil du gouvernement, côtoie Nabil Ennasri, un conservateur musulman et le CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France). Un mélange des genres à l’origine de la polémique, car le fond est loin d’être corrosif. Samuel le dit lui-même aujourd’hui :
« Le texte est assez léger, pas très engageant ».
Qu’importe, l’affaire s’emballe : le 12 janvier, une tribune publiée dans Marianne réclame la démission de Jean-Louis Bianco, le président de l’Observatoire de la laïcité, accusé de frayer avec « une partie du gratin de l’islam politique ». Quelques jours plus tard, c’est le premier ministre himself qui tacle Jean-Louis Bianco, à l’occasion d’un débat organisé par les amis du Crif. Dans son viseur, les mêmes signataires, taxés de participer « d’un climat nauséabond ».
Coexister VS Caroline Fourest
L’asso Coexister se retrouve au cœur de ce clash entre deux visions de la laïcité :
« J’étais dans le train pour Rennes, et là je vois que Caroline Fourest nous attaque dans Le Monde. Je ne savais même pas qu’elle savait que j’existais. Je lui avais envoyé mes livres, elle n’avait jamais répondu. »
C’est le début du tourbillon pour Samuel et ses collègues de Coexister. L’essayiste lui fait un procès en obscurantisme. Il répond point par point aux attaques de Caroline Fourest dans le Monde. Revanchard, il tient à rappeler le passif de la journaliste « déjà condamnée pour diffamation ». Le jeune militant en a gros sur la patate :
« Le fait qu’elle me nomme, ça a semé le doute autour de nous. Elle a saccagé des années de boulot avec ses mensonges. On a 30 sections locales, elles ont toutes eu à répondre à des élus ou des journalistes. »
Sur le nœud de l’affaire – la présence de signataires controversés – sa défense est claire :
« Ils sont critiquables, je ne suis pas d’accord avec eux sur tout. Mais un paquet de jeunes les suivent, notamment dans les quartiers populaires. On ne peut pas être unis en laissant des gens de côté, ça n’aurait pas de sens. »
Dans le camp d’en face, on considère que la présence d’officiels contribue à légitimer certains discours « intégristes », que porteraient les signataires les plus controversés.
Le sourire Colgate du jeune militant / Crédits : Matthieu Bidan
Fils de cathos de gauche, scout et précoce
A 23 ans, Samuel est rodé au jeu médiatique. Il a déjà donné pas mal d’interviews pour évoquer le succès de Coexister, notamment auprès des médias catholiques. Mais après tout ce battage, il rechigne à parler de sa foi :
« Ça me fait peur de parler de ça maintenant. C’est des hystériques. »
Samuel a grandi dans le 15e arrondissement de Paris, dans une famille de cathos de gauche. Son père est journaliste pour le magazine La Vie, sa mère graphiste. Il a trois frères, les deux plus grands ont la vingtaine comme lui. Le premier est membre de l’équipe dirigeante du parti Nouvelle Donne, l’autre est graffeur et dort dans un squat à Bondy. « On est un peu des tarés », s’amuse Samuel. Lui a un profil peu commun, mais pas vraiment anti-système. Il a fondé son asso à 16 ans. En 4ème, il avait déjà lu Gandhi. Pas la meilleur période de sa vie :
« Je devais avoir un ami. J’étais un peu le bouc émissaire, l’intello et le catho. Monter cette association, c’était le sens de ma vie. Je me suis toujours interrogé sur des questions philosophiques. »
Des années plus tard, il tient sa revanche avec Coexister. Son asso compte aujourd’hui plus de 2.000 membres en France, mais aussi en Belgique, en Suisse, en Allemagne ou en Angleterre. Le bonhomme a déjà écrit trois livres, fait le tour du monde et donné une conférence Ted, chemise blanche rentrée dans le pantalon.
Un profil plutôt consensuel qui jusque-là convenait parfaitement à la gauche aux affaires. Samuel a rencontré 3 fois le président Hollande. Et l’association Coexister a été lauréate en 2015 du programme « La France s’engage », un label donné par le ministère de la ville en récompense d’initiatives sociales.
La riposte
Aujourd’hui, il prépare la riposte et s’apprête à publier un nouveau texte visant à balayer les critiques. Sur le fond, il n’entend pas non plus se laisser faire. Lui qui, comme Jean-Louis Bianco, tient à remettre la loi de 1905 en avant, est consterné par son interprétation. Il dégaine son portable et montre une capture du journal pour enfants Mon Petit Quotidien :
« On parle toujours de la neutralité de l’espace public, mais ça n’existe pas. Regarde, c’est marqué là : “la religion, c’est à la maison”. Ce n’est pas ce qui est dit dans le texte. Mais à force le répéter, les gens restent à la maison et c’est ça qui crée le communautarisme. Ceux qui nous critiquent ont peur de la religiosité, moi je n’ai pas peur. »
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