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    30/10/2015

    Sur le terrain depuis la mort de son frère tué par la police

    Amal Bentounsi, la militante à l’origine de la marche de la dignité

    Par Matthieu Bidan

    Ce samedi, des milliers de personnes sont attendues pour la « Marche de la dignité et contre le racisme ». C'est la militante Amal Bentounsi qui a lancé l'idée. Depuis la mort de son frère en 2012, tué par un policier, elle ne « fait plus de cadeaux ».

    Ce samedi 31 octobre, Amal Bentounsi sera sans doute en tête du cortège. La fondatrice du collectif « Urgence notre police assassine » est à l’initiative de cette grande « marche de la dignité et contre le racisme ». Pour organiser l’événement, elle a mobilisé des dizaines de femmes dans un collectif monté pour l’occasion. Des « marcheurs » de province, de nombreuses personnalités militantes ou des artistes comme Casey ou Kery James sont attendus.

    Une marche indépendante

    2013, pendant une manif’ organisée par SOS Racisme 30 ans après la « marche des Beurs », avec les membres de son collectif, Amal tente d’imposer sa bannière à l’avant du cortège. « On pensait qu’on avait la légitimité pour être à cette place. » Mais la sécurité de la manif’ ne laisse pas le petit groupe s’installer. Selon la militante, la banderole du collectif est déchirée. Elle n’a toujours pas digéré :

    « On a été traités comme des pestiférés. Apparemment, la question des crimes policiers n’était pas à l’ordre du jour. »

    Après cet événement, elle décide d’organiser elle-même une marche avec des associations issues des quartiers populaires, sans partis politiques, ni SOS Racisme contre qui elle a toujours une dent :

    « C’est une coquille vide ! Ils ne sont jamais présents sur le terrain, ils n’ont pas à parler en notre nom. »

    Angela Davis comme marraine

    La marche de la dignité et contre le racisme la_marche_ok_1.jpg

    Parmi les soutiens, des militants donc, quelques politiques et des intellectuels, de Tariq Ramadan ou Rokhaya Diallo à Angela Davis, marraine de la marche. Amal a rencontré l’activiste américaine aux 10 ans du Parti des Indigènes de la République en mai dernier.

    Houria Bouteldja, la présidente des Indigènes, fait d’ailleurs partie du collectif de femmes monté pour la marche. De quoi déclencher quelques critiques à gauche. Amal ne voit pas cette présence comme un problème :

    « C’est un soutien comme un autre. Le Parti Communiste a aussi appelé à marcher, des anarchistes seront présents, on ne va pas rentrer dans une guéguerre de militants. »

    Amine Bentounsi, tué d’une balle dans le dos

    Pour la quarantenaire, les combats militants n’ont pas toujours été un temps plein. A l’époque, elle avait monté son business : une sandwicherie. Si elle est devenue entrepreneuse, c’est qu’elle a connu les galères d’avoir « un nom maghrébin » dans le monde du travail. Amal a grandi à Meaux, dans une famille de 6 enfants.

    C’est la mort de son frère, Amine, qui change sa vie en 2012. Il est tué par un policier d’une balle dans le dos après avoir refusé de se soumettre à un contrôle de police. Amine n’était pas rentré en prison après une permission. Le policier a d’abord été mis en examen pour « homicide volontaire » avant que les faits ne soient requalifiés. Le procès aura lieu en janvier prochain à Bobigny.

    C’est Amal qui s’occupait d’Amine à la maison. Elle décrit un parcours chaotique :

    « Il a pris six mois ferme à 13 ans pour avoir foutu le feu dans une poubelle. Il a été incarcéré à Fleury-Mérogis. Comment un juge peut mettre un enfant de 13 ans en prison ? J’ai retrouvé une lettre que j’avais écrite à la juge. Je lui disais : “Vous êtes en train de détruire un enfant”.»

    Coup de bottin et violences policières

    A l’époque, son frère lui raconte ses prises de bec musclées avec les forces de l’ordre dans les commissariats.

    « Il me disait qu’on le traitait de bougnoule, qu’on lui mettait des coups de bottin, qu’on l’attachait au radiateur. Je ne le croyais pas à l’époque. Je pensais que la police était là pour nous protéger. »

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    Amal Bentounsi en première ligne /

    Depuis, Amal consacre ses journées aux dossiers des victimes de la police. Elle collecte des témoignages de familles, fait de la veille sur tous les incidents impliquant des policiers.

    « Les personnes ne sont pas mortes de la même façon mais c’est le même processus qui est en œuvre. Il n’y a pas un quartier qui n’a pas eu son mort. Nous, on compte 15 morts par an. Je n’en loupe plus une concernant les policiers. Je ne fais plus aucun cadeau. »

    Rappel à la loi

    Aujourd’hui, ce combat lui prend tout son temps. Même en vacances cet été, son histoire finit par la rattraper. Elle rentrait d’une plage du Cap d’Agde quand elle aperçoit une interpellation musclée. Un jeune se débat, il dit aux policiers qu’ils sont en train de l’étouffer. Amal se mêle à l’affaire.

    « Il y a un autre jeune qui avait commencé à filmer, je lui disais de continuer, que c’était son droit. Là le policier veut saisir le portable, il me dit de fermer ma gueule. »

    Son mari vient défendre Amal, enceinte. Il est gazé et balayé par la police, d’après la militante. Il termine en garde à vue, menotté devant les enfants du couple. Pour Amal, ce sera un rappel à la loi. Un épisode qui n’entame pas sa détermination, bien au contraire.

    « J’ai déjà perdu mon frère, je n’ai plus rien à perdre. »

    Rendez-vous à 14 heures à Barbès pour le départ de la marche.

    Crédits photos : Milavec Quentin et David Rivière

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