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    24/06/2015

    On a rencontré cette humoriste voilée qui s'est fait connaître sur YouTube

    Samia Orosemane fait monter Tata Aïcha sur scène

    Par Heïdi Truong , Marieau Palacio

    Sur internet, elle interpelle des figures publiques par de courtes vidéos. Sur scène, elle redonne le pouvoir à la femme arabe. On a rencontré l'humoriste Samia Orosemane et on n'a pas parlé que de son voile.

    On se pose avec Samia Orosmane dans un café de Belleville. Sapée en boubou africain noir et jaune, l’humoriste de 35 ans a des semaines chargées. Au théâtre chaque mardi au Point Virgule, à la radio où elle a une émission hebdo sur France Maghreb 2, mais surtout sur le web :

    « J’ai une vidéo qui sort chaque vendredi. Ca s’appelle « Télé Aïcha », je joue le rôle d’une maman arabe qui vend des produits magiques qui n’existent pas. Il y a aussi une série vidéo que je fais avec une copine : ça s’appelle « Geneviève et Aïcha », on débat de l’actualité à notre sauce – moi comme maman maghrébine et elle en version française très catho pratiquante. »

    Résultat : 6.000 abonnés sur la chaîne Youtube de Samia, 75.000 fans suivent son Facebook où elle poste aussi des coups de gueule vidéo. C’est un de ces coups de gueule de 25 secondes, posté après les attentats d’Ottawa en octobre dernier, qui a propulsé Samia dans le star system :

    « Après les attentats de Charlie Hebdo, j’ai [re]posté la vidéo qui a fait beaucoup de buzz et à partir de là, j’ai été invitée sur tous les plateaux télé. »

    Depuis, celle qui réunissait un public majoritairement maghrébin, musulman ou africain a été interviewée pour la BBC, Canal + ou le magazine Télérama. Résultat, impensable quelques mois auparavant : « le petit Français » pour qui Télérama est « la référence » fait désormais la queue au théâtre du Point Virgule. Samia Orosemane y cause de plein de choses, de la vie quotidienne, des communautés. Et aussi du voile, qu’elle porte depuis ses 21 ans :

    « Mon voile est porté un peu en turban avec un col roulé, une sorte de compromis. Du coup, celui qui me croise au début ne se doute pas que je suis voilée. Et ensuite, dans le [milieu] du spectacle j’en parle et je déconstruis les clichés. »

    On a causé avec Samia Orosmane de ses influences, de son parcours et forcément aussi de… Tata Aïcha.

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/samia-oroseman-dvd-femme-couleur.jpg

    Samia Orosemane tape la pose / Crédits : Marieau Palacio

    D’abord, tu es comédienne et tu portes le voile, ça change quoi ?

    Au début, je pensais que c’était un frein [pour ma carrière]. Mais en fait, c’est nous-même qui nous mettons des barrières. Il arrive que le public vienne parce qu’il est attiré par cette originalité-là. Et que des spectateurs de la communauté musulmane me disent « mais tu joues bien ! », je leur réponds que c’est un peu mon métier, et que j’ai fait 20 ans de théâtre !

    Quels sont les humoristes qui t’ont influencé ?

    J’aime beaucoup Elie Kakou, paix à son âme. Je le trouve extraordinaire. Il avait cette générosité maghrébine et un bon regard sur les choses. Après j’aime beaucoup Les Inconnus, Coluche, Desproges… J’aimais bien Gad Elmaleh à ses débuts.

    Mais plus maintenant ?

    Je trouve que Gad Elmaleh a essayé de généraliser son humour pour essayer de toucher un maximum de monde et que du coup il a perdu la particularité qu’il avait à ses débuts.

    Qui continue à t’influencer ?

    Mon père ! Il fait des jeux de mots sur chaque phrase que tu peux dire. Ma mère, paix à son âme, était très drôle aussi. Le personnage de Tata Aïcha, c’est elle : la maman qui malgré le fait qu’elle soit illettrée est intelligente, a du charisme et assène vérité sur vérité.

    Avec Tata Aïcha, tu redonnes le pouvoir à la maman arabe…

    Oui son personnage est à l’opposé de l’image de la femme musulmane dans les médias occidentaux : l’image d’une femme soumise, recluse à l’intérieur de sa cuisine. Car même si ça ne se voit pas, chez nous, c’est la femme qui commande !

    Quel est le sketch qui plaît le plus à ton public ?

    C’est le sketch de l’accent ! Je raconte que je vais dans un resto de [juifs] loubavitch très pratiquants, pour aller y déposer de la pub pour mon spectacle. Au début mon cousin cherche à m’en dissuader. Et puis finalement j’y vais et le gars adore car je lui fais la différence des accents de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb… A la fin le mec me demande de lui laisser tous mes flyers.

    C’est le sketch que tu préfères jouer ?

    Oui, il en fait partie. Il y a aussi celui qui parle du désespoir de ma maman le jour où je lui ai présenté un noir, la personne avec qui j’allais me marier !

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