Monsanto, le leader mondial du marché des semences brevetées, se refait une façade en 2015. La multinationale débarque avec un nouveau site web flambant neuf lancé simultanément en cinq langues dans six pays (USA, France, Argentine, Brésil, Inde et Chine). Le site est friendly, des jeunes gens black-blanc-beur sourient autour d’abondantes tablées ; des post-it virtuels tout mignons font irruption avec des questions gentilles comme « Est-ce que les OGM sont toxiques pour la biodiversité ? » et des logos au design branché pour des pesticides genre Roundup vous font coucou façon pop-up … Bref, c’est l’éclate en mode bisounours, et d’ailleurs, ça se confirme : Monsanto est labellisée « best workplace to work 2015 » en France. « Vous entrez dans une entreprise où il fait bon travailler », nous annonce-t-on en première page… S’il y fait si bon vivre, pourquoi ce grand ravalement de façade cette année ?
Démocratie 3.0 contre grand capital
C’est que la toile et ses réseaux sociaux sont devenus un enjeu majeur pour Monsanto où elle se fait régulièrement trasher la gueule. « Vous devriez peut-être arrêter d’essayer de tuer des gens et de torturer des animaux, et vous auriez une quantité normale de likes pour une corporation corrompue de votre taille », peut-on y lire en commentaire sur Facebook… Elle éprouve aussi un manque de légitimité flagrant au regard de sa taille : la firme aux 22.000 employés y totalise 99.000 likes. C’est bien peu face à la « March against Monsanto » – une manifestation annuelle contre l’entreprise – qui récolte 900.000 pouces levés avec zéro budget. Alors sur YouTube, l’entreprise nous accueille avec une vidéo intitulée « Le dîner est prêt : parlons de nourriture durable ». Sur Twitter et Instagram, elle se présente comme « une entreprise agricole qui travaille pour fournir des solutions pour aider les fermiers du monde entier à produire de la nourriture durable ».
La multinationale qui faisait du social
Parfois, on la confondrait presque avec Les Amis de la Terre quand elle explique « préserver nos ressources en eau » et notre « sol, le cœur de notre alimentation. » Mais aussi avec le WWF quand Monsanto affirme faire de « la diversité génétique le cœur des préocupations de l’entreprise ». Et puis Monsanto se la joue aussi french doctor : « Est-il vrai que les produits de Monsanto comme le Round Up sont dangereux pour la santé ? » fait-on mine de s’interroger sur le site. Pas du tout répond un gentil post-it :
« Malheureusement, de nombreux journalistes mal intentionnés veulent nous causer du tort. »
Merci Docteur, j’avais un doute…
Du biff’ sur le blé
Avec cette nouvelle image, Monsanto veut nous faire oublier qu’elle est un acteur de l’industrialisation du vivant contrôlé par les moins contrôlables des contrôleurs : les puissances économiques vouées au profit, comme l’écrivait E. Morin en 1985. Et pourtant, elle ose la transparence et la sympathie pour le public : « Nous avons hâte de vous raconter notre histoire, ce que nous faisons, pourquoi nous le faisons et pourquoi cela pourrait vous concerner. » Cela nous concerne, en effet, car l’histoire de la firme est celle du contrôle de la vie et de la propriété privée. Monsanto ne défend pas la diversité de la vie sur terre, ni les abeilles, le sol et l’eau. Monsanto ne défend pas notre santé car cela est incompatible avec son statut d’entreprise privée anonyme à but lucratif. Sa raison d’être est de défendre ses actionnaires, son capital et sa propriété intellectuelle. Monsanto a pour but d’engendrer le maximum de profit économique à partir des semences brevetées et des produits agrochimiques qu’elle vend, point barre. Elle contrôle d’ailleurs leurs marchés mondiaux respectifs à hauteur de 70 et 90 % avec neuf autres entreprises. Les semences et la nourriture qu’elle produit sont à l’image des gens qui font mine de rire autour d’une table bien mise sur son nouveau site web. La diversité des visages n’est qu’une façade : au-dedans, ce sont des clones.
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