Paris 10e – Rue du Faubourg Saint-Denis, au premier étage d’un studio d’enregistrement flambant neuf, une vingtaine de jeunes franco-chinois poireautent posés sur des canapés. L’un révise ses gammes pendant qu’un autre gratte sa guitare. Il est 11 heures pétantes ce 11 avril. C’est le début de la journée du casting parisien de la version chinoise de « The Voice ». Ce jour-là, l’émission de télé crochet number one dans l’Empire du Milieu est à la recherche du candidat qui représentera l’Europe dans l’émission. Seule condition pour participer : avoir au moins 16 ans et parler le mandarin.
« Ni hao ma ? », demande le directeur de casting aux nouveaux arrivants. « Ça va bien », répondent les candidats en mandarin. « Un deux, un deux », répète le régisseur avant de balancer un fond sonore de C-pop. Dans la cabine d’enregistrement, le trac fait transpirer les candidats. Très vite, il fait une chaleur de bête dans le studio. Le piano à queue scintillant, le tapis rouge à poils longs et un gigantesque portrait de Jimmy Hendrix foutent sérieusement la pression. Certains candidats s’y reprennent à trois fois pour commencer. D’autres craquent avant la fin de la chanson. Mais la plupart passe le test sans accroc.
500 candidats européens, 3 rounds, 1 sélectionné
A l’intérieur de la régie, 5 responsables chinois de l’émission sont au premier rang pour assister aux auditions en tant que jurés. Le directeur de casting, maître de la console analogique, bat le rythme avec son pied. Les 2 producteurs, l’un en espadrilles et chemise à carreaux, l’autre en treillis et chapeau de Crocodile Dundee, pianotent sur leurs téléphones en rigolant. Deux managers de l’émission gèrent les allers et venues des chanteurs et apportent des jus d’abricot aux patrons. Il y a aussi un membre du staff technique du studio qui a l’air de s’emmerder ferme. L’ambiance est détente, jean baskets et pauses clopes.
Derrière la grosse console, le responsable du casting prend des notes / Crédits : DR
C’est au tour de Yixiao Zhang. 23 ans, guitare en mains et Timberland aux pieds, il pousse sa voix de soprano sur du R’n’B chinois. Les 2 producteurs lèvent les yeux de leurs téléphone (l’un d’eux les ferme) et le directeur de casting se retourne pour leur faire un signe de tête. Le jeune mec a tapé dans l’œil de l’équipe. Avec sa queue de cheval, ses lunettes de hipster et son sourire ultra bright, Yixiao a le profil pour la télé. En plus il sait chanter. En cabine, il tutoie les aigus sans effort et joue de la gratte avec brio :
« Je suis dans une école de ciné et, à côté, je pratique le chant pour le fun. Je ne suis pas particulièrement un fan de The Voice, mais tant qu’on me laisse chanter, je joue le jeu. »
Après avoir postulé en ligne, ils ne sont que 60 candidats à avoir été retenus pour passer un casting à Paris, Amsterdam ou Londres. Pour faire leur preuve, ils ont le choix : chanter sur une instru, a capella ou accompagnés de leur instrument. Le 10 mai, les 15 derniers candidats se retrouveront au Garrick Theather de Londres pour la grande finale européenne. Ce n’est qu’après qu’on connaitra le nom de l’heureux élu : le représentant officiel de l’Europe dans The Voice of China, saison 4.
Le télé-crochet chinois cherche des vibes de l’Ouest
Vidéo – Zhang Bi Chen, gagnante de la saison 3
En reprenant les codes de l’émission originale norvégienne, de la musique pop au jury aveugle en passant par le fameux concept de « vote du public », The Voice of China se démarque des autres émissions des chaînes d’Etat. Diffusée pour la première fois en juillet 2012 sur la chaîne privée Zhejiang Television, l’émission conquiert le cœur des spectateurs chinois. Rapidement, l’audimat explose.
C’est la 2e année consécutive que les producteurs de l’émission chassent des talents en Europe. « Plus de 500 candidatures en ligne ont été envoyées de toute l’Europe », rapporte Yuen Kwan Lo, la directrice marketing de l’émission :
« Les candidats sont surtout français et britanniques, mais aussi néerlandais et espagnols. On trouve même quelques Belges. 500 candidats, ce n’est pas énorme car The Voice of China n’a pas encore une renommée planétaire. Mais c’est déjà beaucoup plus que l’an dernier. »
Dans la cabine, le piano à queue fout la pression / Crédits : DR
Pourquoi le Vieux Continent ? Parce que les producteurs veulent développer l’image d’une émission ultra-moderne en phase avec les vibes culturelles de l’Ouest :
« Depuis 4 ans déjà, on recrute des artistes venus des US ou du Canada, de Mongolie ou de Singapour. C’est dans l’esprit du show. Aujourd’hui, on cherche des jeunes gens qui savent vraiment chanter et qui passent bien à la télé. Mais Européens, cette fois. »
« L’important, c’est la voix »
Jérôme Ding, visage tout en rondeur et cheveux teints en blond, est venu avec sa guitare. Il espère bien être la touche européenne de l’émission :
« J’écoute pas mal de musique chinoise. C’est la seule émission de téléréalité que j’aime, j’ai même fait partie du public pour la saison 2. Je dois être le plus grand fan de France ! »
Alors qu’il avale son café à 3 sucres, Jerôme nous raconte qu’il bosse dans une compagnie d’assurance. Le garçon de 28 ans de Montrouge, veste noire cintrée et tee-shirt jaune fluo, explique pourquoi il est accroc à « VOC » :
« J’adore le concept du jeu télévisé, où les jurés ne sont pas influencés par l’apparence des candidats. Tu ne vois pas ça tous les jours à la télé chinoise. Et puis, justement, ça se passe en Chine, où je vais souvent parce c’est la famille. Je me sens proche de cette culture ».
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