« Toutes les thématiques sociétales un peu lourdes, retraites, pénibilité de l’emploi, précarité, je les ai recontrées dans les premiers métros ». Quand on le questionne sur son projet, c’est invariablement le côté socio que Julien Bottriaux met en avant. Mais dans ses portraits, il n’oublie pas les fêtards et autres étudiants sur le retour.
Pendant un an, il a ainsi croqué les gueules de ceux qui embarquent quand 5 h 30 sonne. Le résultat ? 192 portraits et histoires que le trentenaire a récolté sur toutes les lignes. On en a sélectionné cinq.
Simon, le vendeur de crêpes
Simon a pris la 11 entre Belleville et Arts et Métiers / Crédits : Julien Bottriaux
Age : 42 ans
Pourquoi tu prends le métro ?
« Je suis vendeur de crêpes de nuit. J’ai mon propre business. »
Il raconte :
« Je travaille quatre nuits par semaine de 19h à 6h du matin. Ça fait trois ans que je fais ça. C’est pas le boulot de mes rêves, mais ça pourrait être pire. De toute façon, ça ou autre chose… Les heures d’affluence dans mon boulot c’est entre 2h et 5h. Les gens que je croise ? Y a de tout. Le meilleur comme le pire. Mais bon, je n’ai jamais été agressé. Avant mon affaire de crêpes, y avait des machines à sous où je suis installé. Et là, la clientèle, c’était vraiment autre chose… »
Tomás, le musicien du métro
Tomás était dès le petit matin sur le quai de la 1 à Hôtel de Ville / Crédits : Julien Bottriaux
Age: 68 ans
Pourquoi tu prends le métro ?
« Je vis de ma musique. Ça fait 14 ans que je joue dans le Métro. »
Il raconte :
« Le matin, j’y fais de belles rencontres. Les gens ont plus le temps de s’arrêter et de discuter avec moi. Je suis franco-vénézuélien, je suis arrivé ici en 1982. Je retourne au Venezuela chaque année, au mois de décembre. Je ne fais pas que jouer de la musique dans le métro. J’ai des contrats un peu partout. Le dernier que j’ai eu, c’était pour le Ministère de la culture tunisien, pour jouer dans un théâtre vers Sousse. Je suis aussi acteur. J’ai fait de la figuration dans des films comme Le Guetteur, avec Daniel Auteuil ou dans l’Américain avec Timsit. Si vous voulez revenir m’écouter, je suis le mardi et le jeudi à la station Hôtel de Ville et le mercredi et le vendredi à Franklin-Roosevelt. »
Ablaye, le breaker
Ablaye a pris la 3 entre Havre-Caumartin et Porte de Champerret / Crédits : Julien Bottriaux
Age: 23 ans
Pourquoi tu prends le métro ?
« J’ai dansé toute la nuit. Je suis danseur hip-hop et électro. Danseur professionnel, hein. »
Il raconte :
« La dernière grosse tournée que j’ai faite c’était pour Elektro Kif de Blanca Li. Pendant deux ans, on est allés en Asie, au Royaume-Uni et on a fait le tour de l’Europe de l’Est. C’était vraiment cool. Dans ces cas-là, on se retrouve tous ensemble, entre danseurs issus du milieu underground. Après, faut pas croire, c’est dur comme milieu. On doit enchaîner les auditions, faire ses preuves. Pour réussir, il faut du talent, mais aussi des connaissances et être malin. C’est le prix à payer pour vivre de sa passion. Je vis de ma danse. J’ai conscience que je suis privilégié… C’est pas à la portée de tout le monde. »
Vladislav, le bricoleur
Vladislav a pris la 3 entre Porte de Champerret et Wagram / Crédits : Julien Bottriaux
53 ans
Pourquoi tu prends le métro ?
« Je pars donner un coup de main à un de mes amis pour ses travaux. »
Il raconte :
« Je suis peintre en bâtiment, je peux bien aider les autres, non ? Le métro à cette heure-ci, qu’est-ce que ça m’évoque ? Pas grand chose ! Je ne le prends jamais. Ca fait un bail que je ne suis pas monté dans une rame. Je préfère la bicyclette, vous savez. Le vélo, c’est le grand air… »
Elvire, l’étudiante un peu éméchée
Elvire a pris la 3 entre République et Opéra / Crédits : Julien Bottriaux
Age: 20 ans
Pourquoi tu prends le métro ?
« Je reviens de la soirée d’intégration de la Sorbonne. »
Elle raconte :
« Ils avaient appelé ça “Summer is coming”, genre, on veut pas que les cours reprennent et que l’été se termine. C’était bien sympa. Le métro à cette heure-ci, c’est bizarre. Un vrai chassé-croisé. J’aime bien. D’habitude, je suis plutôt de l’autre côté, du côté des lèves-tôt et quand je vois les gens rentrer de soirée, ça me fait marrer. Mais aujourd’hui, c’est moi qui ne suis pas sobre. Faut bien s’amuser ! Surtout que pour la suite, je ne sais pas trop où je vais. Peut-être une année sabbatique pour travailler et réfléchir… »
No Go Zones : son nouveau projet
Sa nouvelle série de portraits, Julien la consacre aux « no go zones », les quartiers de la capitale où, selon Fox News, il serait trop dangereux de circuler. Le propos est le même : offrir un visage incarnée du truc, et montrer que la réalité est à la fois plus compliquée et plus belle. Dans sa série, on croise des gens vénères, des couples à la recherche d’un nid douillé dans un quartier populaire, et des kioskier optimistes. « Je pense poursuivre cette série pendant un an » explique le photographe. « J’ai envie d’avoir une vraie diversité de témoignages ».
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