« Ils nous ont fait descendre du véhicule et mettre les mains sur le capot, avant de nous foutre en garde-à-vue pour la nuit », se souvient Adrien, 26 ans et occupant du squat « le Kalaj » à Montpellier. Mardi 3 février, le tribunal correctionnel de la ville doit le juger avec 2 autres amis pour « soustraction de denrées périssables ».
En mai dernier, Adrien et ses potes s’étaient introduit à la tombée de la nuit dans la cour d’un Intermarché pour récupérer des invendus alimentaires. Mais pas de bol, des policiers en civil les gaulent en flagrant délit et les embarquent au commissariat. Aujourd’hui, ils comparaissent au tribunal et risquent, en théorie, jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende : leur action est assimilée à un vol.
Ze story
Adrien, Léa et Mike sont des habitués de la récupération alimentaire. Le premier est technicien du spectacle, la seconde étudiante et le dernier chômeur. Tous les trois, âgés de 24 à 32 ans, fréquentent les squats de Montpellier avec plus au moins d’assiduité et essaient d’être freegan . Régulièrement, ils partent en vadrouille au moment de la fermeture des supermarchés et des boulangeries pour récupérer les invendus du jour.
Le 27 mai dernier, ils préparent une grosse virée. Pour l’occasion, Mike est venu avec une camionnette pour transporter leurs denrées. A la tombée de la nuit, la petite bande escalade le portail de l’Intermarché de Frontignan, dans la banlieue de Montpellier, puis commence à trier les déchets dans la cour où sont entreposées les poubelles. Ils remplissent 7 sacs de 100 litres, et trouvent même du saumon et du foie gras. Mais au moment de redémarrer la camionnette, trois flics en civil les interceptent et leur ordonnent de descendre du véhicule. Adrien raconte :
« Ils voulaient absolument nous faire dire que nous avions volé dans la réserve. Pourtant, on leur a bien montré qu’il ne s’agissait que de produits périmés. »
L’interpellation se termine au commissariat, avec prise d’empreinte et d’ADN. Les trois amis y passeront au total une douzaine d’heures.
Ce qui leur est reproché
Mardi 3 février, ils seront jugés au tribunal pour « soustraction de denrées périssables à date de péremption dépassée ». Un délit qui rentre dans la case « vol » d’après les textes de loi. Joint par StreetPress, Maître Gandini, l’avocat des trois prévenus, est offusqué :
« Ces gens-là ont des difficultés économiques. Vus leurs revenus, ils ne peuvent pas se loger et se nourrir correctement. Le scandale, il est là : en France, certaines personnes font les poubelles pour se nourrir. »
Le procureur a néanmoins estimé devoir poursuivre la petite bande. Pour se couvrir en cas d’intoxication alimentaire, le gérant de l’Intermarché a également déposé plainte. Mais il ne s’est pas constitué partie civile et ne réclame pas de dommages et intérêts.
Une deuxième affaire est en cours d’instruction, en marge du délit de « soustraction de denrées périssables ». Le camion avec lequel les 3 comparses ont agi, aurait été volé. Seul véhicule garé cette nuit-là sur le parking de l’Intermarché, il attire l’attention d’une patrouille de police en pleine ronde de nuit. Les flics identifient la plaque d’immatriculation et découvrent que le camion est inscrit au registre des véhicules volés. En conséquence, ils interpellent le conducteur et ses deux passagers. Après enquête, seul Mike est poursuivi dans cette deuxième affaire.
Freegan revolution
A StreetPress, Adrien assure ne rien savoir à propos du camion. Mike, une connaissance du milieu squat local, lui a affirmé que le véhicule volé appartiendrait à un de ses collègues. Avec son amie Léa, Adrien récupère des invendus alimentaires dès que le frigo de son squat est vide. D’abord par nécessité mais aussi pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Cette nourriture, ils la redistribuent dans d’autres squats ou des colocs d’étudiants. Parfois à des associations d’aide aux sans-papiers.
Dans la galaxie freegan, les appels à soutenir les 3 accusés se multiplient. Le mouvement anti-gaspillage Disco Soupe organisait un événement de soutien le 1er février dernier, en partenariat avec le collectif des Gars’pilleurs. Une pétition sur Avaaz a recueillie 3.867 signatures. Adrien et ses amis, eux, ont recommencé à glaner :
« Il faut bien qu’on mange ! Hier soir on était encore à faire les poubelles. »
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