Après deux années de fermetures et de réouvertures alternées, la Société des Autoroutes Paris-Normandie (SAPN) a enfin craché le morceau. C’est parce que l’aire d’Epone, située à une vingtaine de kilomètres de la capitale, accueillait des relations sexuelles entre hommes qu’elle ne rouvrira plus « jusqu’à nouvel ordre ». Elle l’a reconnu dans un courrier adressé au député UMP des Yvelines Jean-Marie Tétart, révélé par Le Parisien .
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Jusqu’à maintenant, il avait pourtant été question de chenilles urticantes. La première fois que l’aire ferme, en octobre 2012, la SAPN explique en effet sa décision par la présence invasive de ces larves. Plusieurs de ses agents auraient été touchés. Mais déjà, quelque chose colle le doute : l’aire d’Epône se trouve aussi être un lieu de rencontres homosexuelles.
C’est d’ailleurs de notoriété publique : quand on tape « aire epone » dans Google, la deuxième suggestion est « aire epone gay ». Et le lieu est répertorié sur des sites comme oudraguer.com et lieuxdedrague.fr, avec ces descriptions :
« Sur ces deux aires de repos, en fin d’après-midi et la nuit, les hommes viennent se promener avec la douce espérance de trouver quelqu’un avec qui partager un moment agréable. »
Et :
« Lieux très chauds, surtout la nuit et à l’heure des sorties de bureaux. »
« A l’heure des sorties de bureaux » ? De fait, le lieu était surtout un lieu de rencontre pour des hommes qui, en société, se présentent comme hétérosexuels, explique à StreetPress Jérôme André, directeur de l’association HF Prévention. Une structure qui distribue des préservatifs et fait de la prévention contre les MST auprès de ce public :
« Ce sont des hommes principalement hétérosexuels qui fréquentent ces endroits. A Epône, il y en avait 100 à 150 par jour. »
L'aire d'autoroute d'Epone est aujourd'hui déserte / Crédits : Google Streetview
Chenilles or not chenilles
Pourtant, pendant plus de deux ans, la SAPN a refusé d’admettre que c’était cela qui justifiait la fermeture, continuant d’invoquer les chenilles. Joint par StreetPress, Philippe Fenain, directeur d’exploitation de la société, explique aujourd’hui que « les chenilles sont la raison absolument véridique pour laquelle nous avons de nouveau fermé l’aire en mai dernier. » Mais, reconnaît-il aujourd’hui après une nouvelle fermeture en octobre :
« Nous n’avons pas rouvert car nous avons constaté, de manière récurrente, des dégradations apportées à l’infrastructure. Et également des attentats à la pudeur gênants pour notre personnel et notre public. »
Le coup des chenilles, ça amuse le député UMP Jean-Marie Têtart qui, sollicité par ses administrés, avait décidé de se saisir du dossier. A StreetPress, il déclare :
« Les chenilles, c’est une fois par saison. Et il y a un moyen de traiter le problème : on coupe les arbres et on met des fleurs. »
Jérôme André n’est pas plus convaincu par l’argument :
« On a appelé l’agence de santé régionale pour qu’elle vienne régler le problème, comme par hasard l’aire a rouvert deux semaines plus tard. »
« Un bordel sanitaire et social »
Bref, l’histoire des chenilles urticantes, ça passe moyen. Mais surtout, il y a maintenant un problème de santé publique. « Vous ne pouvez pas empêcher les gens de consommer », souligne Jérôme André, qui explique que son association « passe son temps à courir derrière eux ». Les habitués de l’aire d’Epône se sont donc déplacés un peu plus loin, sur l’aire de Morainvilliers. Sauf que cette dernière possède une station essence et des commerces, et est donc bien plus fréquentée par les familles.
« C’est beaucoup plus compliqué pour nous de venir avec notre camping-car, car ça soulève des questions chez les familles. »
La SAPN aurait dû consulter HF Prévention, qui proposait ses services, fait-il valoir. D’autant que « ça nous est déjà arrivé de faire déplacer des lieux, par exemple quand il y avait un stade à côté ». Mais en deux ans, les appels de l’asso sont restés sans réponse. Résultat :
« Maintenant, c’est un bordel sanitaire en plus d’être un bordel social. »
Un bordel social, car les hommes fréquentant ce genre de lieux sont aussi régulièrement la cible de la répression policière, « sur le motif qu’ils ont le pantalon baissé ».
Et maintenant, des films…
La SAPN cherche maintenant une solution avec les pouvoirs publics afin de rouvrir l’aire d’Epône. Elle y est en effet obligée pour répondre à son devoir de continuité du service public. En attendant, le député Têtart relève ironiquement que l’aire n’est pas entièrement désaffectée : au début du mois, elle a servi pour le tournage du nouveau film de Frédéric Schoendoerffer, ce qui a causé des embouteillages .
Estimant qu’il n’est « pas normal que le lieu soit exploité à des fins commerciales, il ironise :
« Sans doute que les acteurs et les réalisateurs sont insensibles aux chenilles urticantes. »
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