17h pile. Comme chaque après-midi, Mat vient de garer sa berline sportive devant l’enseigne rouge et noire située au 59 rue Maximilien Robespierre à Aulnay-sous-bois. Il commence à décharger les courses en vitesse : sacs de riz, gros sachets de bananes plantains, packs de ketchup et bouteilles d’eau de fleurs d’oranger. Mat est co-gérant du Tombouctou, l’un des premiers fast-food africains de la région parisienne. Quelques minutes plus tard, le boss du lieu vient nous accueillir avec un grand sourire et un verre rempli d’une boisson rouge vif :
« Installez-vous, j’ai préparé du jus de bissap frais. Quand on va dans un restaurant africain, on ne peut pas prendre juste de l’eau ! »
Le premier restau de la chaîne, ouvert à Aulnay-sous-bois en juin 2013 / Crédits : Camille Millerand
En juin 2013 est né le premier Tombouctou Fast Food, à Aulnay-sous-bois. L’idée part d’un constat simple : en région parisienne l’offre de fast-food africains restait très limitée. Il y a donc un créneau à prendre, mais pas seulement. Mat veut aussi revendiquer sa double culture franco-malienne :
« C’est une manière pour nous, Français issus de l’immigration, de partager la gastronomie – autre que les pizzas pour les Italiens, les kebabs pour les Turcs… On avait envie de nous montrer nous aussi ! »
Affaires de famille
C’est une petite affaire de famille que le jeune entrepreneur de 31 ans a décidé de monter, avec l’aide de son cousin Mohamed, de son frère Kassam, architecte, et d’Oumar Barou, le petit frère cuisinier en chef. Après avoir vendu la société de textile qu’il dirigeait auparavant, Mat a préféré investir son capital propre et faire appel au soutien de sa famille pour le lancement de Tombouctou Fast Food :
« Je sais qu’il y a des aides pour ce genre de business, mais nous partons du principe qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même. »
Et d’ajouter, non sans fierté :
« Ce n’est pas facile tous les jours, mais le mérite est plus grand. »
Mat, le co-fondateur, fier comme un coq devant le comptoir / Crédits : Madalina Alexe
Aujourd’hui, ils sont six à travailler à Aulnay-sous-bois, à temps plein ou partiel, alors que les gérants sont encore bénévoles, « le temps d’amortir l’investissement ». Pas de raison de s’inquiéter, les affaires semblent florissantes : en février de cette année un deuxième Tombouctou a ouvert à Plaisir (78) et un autre au Mali :
« Mes frères vivent entre l’Afrique et la France. Alors, on s’est dit que ce serait idiot de ne pas nous lancer aussi dans notre pays d’origine. »
Tout le monde veut du Mafé !
Les assiettes généreuses de Thiou, Yassa ou Mafé – les plats typiques d’Afrique de l’Ouest – attirent, selon les proprios, environ 90 personnes tous les jours :
« C’est un bon résultat pour nous. Sachant que c’est un produit nouveau, de la nourriture africaine, avec les idées reçues, les a priori… »
La clef du succès serait le choix de la restauration rapide et donc sans chichi :
(img) Avec ça, leur réputation n’est plus à faire
« Le fast-food, ça décomplexe les gens. Tout est très simple : on y arrive, on est servi en dix minutes. Alors que pour aller au restaurant, il y a toute une démarche derrière : pour les femmes, il faut se pomponner, pour les hommes, il faut appeler en avance pour réserver… »
Et pour preuve de son succès, Mat explique fièrement compter parmi ses clients fidèles le maire UMP d’Aulnay-sous-bois, qui « raffole du Thieb », un plat sénégalais à base de riz et de poisson. Dès que l’occasion se présente, Mat se fait le porte-parole des jeunes auprès de l’élu :
« Donnez-nous les moyens d’entreprendre, on en a envie. Dans les quartiers, il n’y a que ça, des jeunes qui ont envie d’entreprendre. Vous ne serez pas déçu ! »
Parmi les clients du lieu, les footballeurs Moussa Sissoko et Abou Diaby, ou le rappeur Booba.
Demain n’est plus si loin
Pour ce qui est de l’avenir de Tombouctou Fast Food, Mat est confiant. D’ici la fin de l’année, un quatrième restaurant doit ouvrir ses portes à Drancy. Et monter sur la capitale ?
« Aujourd’hui, aller sur Paris ne nous intéresse pas. Les charges y sont beaucoup plus élevées, ce serait remettre en cause tout le concept de Tombouctou. »
Pourtant la famille a de grandes ambitions : ils songent à développer leur business à travers la France. Il espère aussi vivre de son activité très prochainement :
« On ne fait pas ça pour la gloire, même si on n’a pas le couteau à la gorge non plus. Je pense que dans peu de temps on va pouvoir se verser un salaire. »
Devant un tableau montrant la Grande mosquée Djingareiber de Tombouctou, Mat résume le but de sa démarche et ses ambitions pour l’avenir :
« Mes parents sont venus en France, ils n’avaient rien, et pourtant ils ont réussi à nous éduquer et à nous élever correctement. Maintenant c’est à nous – enfants d’immigrés – de faire mieux qu’eux et de réfléchir à ce qu’on peut apporter à nos enfants. C’est ça aussi l’ascension sociale. »
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