Paris 13e – A deux pas de la place d’Italie. « Ils sont encore en train de dessiner là-haut ? » interroge Jimmy, graphiste à son compte. Un gros carnet à croquis sous le bras, il grimpe quatre à quatre les escaliers qui mènent à la mezzanine de l’“Age d’Or”:http://www.lagedorparis.com/index.html , café arty à la déco vintage. Cinq minutes plus tard il est tranquillement posé, fusain en main, les yeux rivés sur les courbes du modèle debout, au centre de la pièce, dans le plus simple appareil.
Venez comme vous êtes
MAP Age d'Or - paris 13
Comme chaque mardi à partir de 19h30, ils sont une bonne vingtaine d’artistes en herbe à dessiner ou peindre dans un silence religieux. Pour les adhérents de l’assoc’ organisatrice, il en coûtera 5 euros la séance de deux heures. Mais les séances sont ouvertes à tous, contre 10 euros de participation. Dans la pièce aux lumières tamisées, le public est varié. Quatre quadragénaires en costard s’agitent comme des gamins au théâtre. Jimmy, arrivé à la bourre, change de place toutes les 5 minutes pour « trouver le meilleur angle ». Madeleine, la jeune retraitée calme et souriante, est venue comme tous les mardis avec son chariot et ses pots de couleur.
Vers 8 heures, un grand blond looké comme Steve Jobs file discrètement au bout de 30mn : il est attendu ailleurs mais je le rattrape de justesse. Bob*, ancien élève des Beaux-Arts, explique avoir encore besoin de modèles pour s’entraîner :
« A Paris ça coûte une fortune et les places sont trustées par des mamies ! Ici au moins, il y a des jeunes avec qui échanger. »
« Je ne me sens pas vraiment nue quand je pose »
Le jeune peintre et ex-dessinateur pour un journal de gauche vient donc de temps en temps user ses crayons dans la moiteur de la mezzanine. Sur son carnet, il tente ce soir de reproduire les formes de Christelle, 36 ans, la modèle du jour. Comédienne à la ville, elle pose pour la première fois à l’Age d’Or. Avec à la clef, un cachet à 80 euros la séance (sans compter les pourboires), elle a choisi ce gagne-pain pour sélectionner librement ses projets et y trouve même un intérêt professionnel :
« C’est une forme d’entraînement puisqu’on est là aussi mise en scène, exposée : on s’exprime avec le corps, comme au théâtre. Mais je ne me sens pas vraiment nue quand je pose… Leurs croquis donnent une interprétation de moi, c’est moins violent qu’une photo. »
(img) Pour participer à l’atelier, RDV le mardi dès 19h30
Au fond de la salle, David, aux faux airs de Kim Chapiron, s’essuie le front tout en buvant une grande gorgée d’eau : il semble avoir des difficultés à se concentrer sur son croquis alors que les reins de la blonde se cambrent sous ses yeux dans une posture pour le moins lascive. « On change de pose ! » Presque chaque minute la voix de Marion, 30 ans, retentit et Christelle s’exécute sans un mot. « Je suis un peu l’horloge parlante de la séance », commente Marion, sourire aux lèvres.
Elle-même occasionnellement modèle de nu pour l’Age d’Or, aujourd’hui prof et l’une des secrétaires de La Grande Masse des Beaux-Arts, l’association qui organise l’atelier, elle gère la logistique des ateliers de dessin du mardi : booking des modèles, préparation de la salle, gestion du temps, questions pratiques des participants…
« En tant que modèle et bénévole, j’en profite pour dessiner gratis pendant la séance ! »
Who is the boss ?
En journée l’Age d’Or passe pour un bar bobo bien dans l’air du temps, avec sa grande terrasse, ses petites tables posées dans les alcôves, sa déco 100% chinée et les nombreuses activités accueillies. A la différence que l’Age d’Or a déjà 5 ans, ce qui en fait un précurseur du genre. Aux manettes du lieu, Tristan Morvan. Hyperactif, il bosse aussi pour la Recyclerie, Commune Image ou la Place Rouge. Autant de lieux au concept fort. Joint par téléphone, Tristan Morvan, le directeur, nous parle de son bébé avec une vraie fierté dans la voix :
« Avec L’Age d’Or on a fait le choix d’une zone urbaine un peu délaissée, moins bobo. L’intérêt c’est vraiment d’avoir un mélange de gens, de genres. Et ça marche ! La facilité aurait voulu qu’on fasse ça rue Saint-Maur mais pour moi ce n’était pas le but. »
Goran, le barman, Tristan, le directeur, et un ancien de l'Age d'Or / Crédits : L'Age d'Or
Lorsque début 2013, l’association La Grande Masse des Beaux-Arts contacte Tristan à une expo et lui propose un partenariat, il voit tout de suite l’intérêt : lui qui cherche à déléguer et externaliser le plus possible est ravi d’enrichir la liste des ateliers proposés au bar. Et le concept lui plaît :
« J’adore le dessin et j’aime l’idée de sortir les ateliers des lieux très institutionnels et qu’il n’y ait pas un prof sur leur dos en permanence. »
*Son prénom a été modifié
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