« Supporters du Créteil Lusitanos, préparez vos lance-pierres. La préfecture de police de Paris a décidé de se servir de vous ce vendredi 19 septembre comme cobayes pour tester ses deux modèles de drones de surveillance. » C’est par cette boutade que les militants anticapitalistes du site Paris-luttes, relayent l’info.
En effet, la police profite du match de Ligue 2 Créteil – Clermont de vendredi soir pour tester en situation réelle ses nouveaux joujous : deux drones, ces petits engins volant sans pilote. Dans sa lettre d’information en date du 10 septembre, la préfecture détaille le matériel employé :
« L’un sera d’un poids d’un à deux kilos et équipé d’une caméra. (…) L’autre pèsera environ vingt kilos et sera doté de deux caméras dont une thermique pour une vision nocturne. »
Bouches cousues
Des drones policiers en France, le sujet est sensible. La police verrouille sa com’. Les seuls infos disponibles sont celles distillées par les lettres d’informations. Du côté de StreetPress on a bien tenté d’en savoir plus, mais la préfecture se refuse à toute interview sur le sujet. Pas plus de succès pour notre demande de reportage embedded dans le QG des forces de l’ordre.
Histoire de rassurer les sceptiques, ils promettent que « les caméras utilisées n’ont pas pour objectif d’identifier les individus » :
« Elles ne pourront pas distinguer clairement un visage. Aucun survol des personnes ou des espaces privés ne sera possible. »
Mais alors à quoi vont servir ces drones ? Officiellement, il n’est pour l’instant question que d’une « étape expérimentale », visant à « comparer les performances des différents systèmes de drones » et son intégration « dans l’architecture de commandement ».
Banlieue 13
Sauf qu’à moyen terme le ministère de l’intérieur envisage un usage bien plus large que la simple surveillance des matchs de foot. Et notamment le ministère d’expliquer, toujours dans sa lettre d’information :
« En cas de violences urbaines, ils pourront utilement survoler les points hauts utilisés comme emplacements pour tendre des guet-apens contre les forces de l’ordre. »
Surveiller les quartiers sensibles grâce à des drones. L’idée ne date pas d’aujourd’hui. Pendant les émeutes de 2005 la police utilise pour la première fois des hélicoptères. Et visiblement les flics y prennent goût. Le journaliste David Dufresne, spécialiste du sujet évoque ainsi dans un article, « après les émeutes survenues à Villiers-le-Bel, en novembre 2007, plusieurs rapports internes de police » qui font état d’expérimentations d’avions « dronisés », donc équipés de moyens de surveillance. L’un de ces documents prône même « l’inscription des CRS dans un programme d’acquisition de drones légers Elsa. » Et ce sera fait.
La police française a déjà des drones
En février 2008, la police casse sa tirelire et achète deux drones « Elsa », pour « Engin léger de surveillance aérienne ». A l’époque le ministère de l’intérieur révèle à l’occasion d’un colloque sur « les violences urbaines, les usages envisagés :
« Il est destiné à être utilisé lors d’émeutes, mais aussi pour toute grande manifestation. Il a également été utilisé dans le cadre d’exercices visant à repérer et arrêter des passeurs et des immigrants clandestins en pleine forêt. »
Et paf, le drone
Plus drôle, en 2009 l’un de ces appareils, utilisé par le Raid dans le cadre de la sécurisation du sommet de l’Otan à Strasbourg, s’est crashé ! Et le ministre de l’intérieur de l’époque Brice Hortefeux, questionné par un député, de rassurer tout le monde :
« Cette chute n’a d’ailleurs causé ni blessures ni détérioration de matériels ou de biens. La police nationale poursuit donc l’expérimentation de drones. »
Alors pourquoi parler en cette rentrée, soit six ans après le début des expérimentations, d’un « premier test grandeur nature » ? Sans doute pour déblayer le terrain et préparer une évolution législative pour permettre un usage plus courant du drone.
Vivent les avions télécommandés !
« Les drones, c’est une très bonne chose ! » s’enthousiasme Christophe Crépin porte parole du syndicat Unsa Police. Il explique à StreetPress pourquoi il est plus qu’emballé par l’idée :
« On peut imaginer les utiliser dans des milliers de situations : les matchs de foots, les cités dites à problèmes, les violences urbaines… »
Seul bémol à ses yeux, le coût :
« Une station complète c’est-à-dire deux drones, une base, un poste de pilotage ça coûte environ 300.000 euros. Il ne faudrait pas que ça se fasse au détriment des effectifs. »
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