Paris 7e, esplanade des Invalides. Une poignée de danseurs pas comme les autres semblent glisser comme sur des roulettes. Ils ne font pas du simple patin mais bien de la roller dance. Et non, ce n’est pas la version sur roues du patinage artistique mais un style à part entière, savant mélange de disco, hiphop et roller.
Old School
« Dans les années 90, on comptait par dizaines les rollers dancers qui se donnaient rendez-vous au Trocadéro », se souvient Laurence, 41 ans. Cette droguée de patins à peau d’ébène, du haut de son mètre 80, est l’un des précurseurs de cette danse à Paname. Des films comme Roller Boogie ou La Boum, témoignent de cet engouement. Mais petit à petit, la mode est passée et même la mythique Main Jaune – le dernier roller disco club parisien – a définitivement fermé ses portes à l’été 2013.
C’est à l’occasion de la soirée de clôture de ce spot que Monique, enseignante de 50 ans, a eu le déclic :
«J’ai tout de suite aimé le côté revival, puisque le lieu était évidemment associé à Sophie Marceau [une scène de La Boum a été tournée à La Main Jaune, ndlr]. Il y avait aussi un côté magique avec les spectacles des danseurs professionnels, ce qui m’a tout de suite donné envie de me lancer.»
Après seulement un an de pratique, elle a appris à dompter les roulettes, pour maîtriser à présent les bases de cet art. Stepping et rotations sont devenus son quotidien. « A mes débuts, je ne pouvais pas en faire autant » souligne son prof Jean-Marc Gravier, fier de son élève.
Fan Base
A Paris, ils seraient à peine une trentaine de pratiquants assidus : une petite famille de mordus. « Moi, c’est ce qui me rattache en grande partie à cette discipline et c’est pour ça que je continue 20 ans après », témoigne Laurence. Et cette mifa ne se cantonne pas au cercle parisien. Elle s’étend même à Londres ou Barcelone. Le gratin de la roller dance européenne étant très concentré, tout ce petit monde se retrouve régulièrement, au cours de rassemblements.
Le chef de tribu, c’est sans conteste Jean-Marc Gravier, 41 ans, prof de roller depuis 18 ans et de roller disco depuis 5 ans. Il a le roller tatoué sur la peau, au sens propre comme au figuré. Mais lui, ce qui le fait kiffer, c’est avant tout la possibilité de se « laisser emporter » par la musique. « On a l’impression de survoler la piste », détaille-t-il des étoiles dans les yeux. Il tente contre vents et marées de faire (re)vivre sa discipline.
Mal-aimés
Ils ont un Sacré Coeur…
Car rares sont les spots où l’on peut avoir une chance d’admirer les exploits des danseurs. Après la fermeture définitive en 2013 de La Main Jaune, les passionnés ont dû se rabattre sur des lieux où ils sont acceptés en tant que pratique artistique, comme le 104. « On est arrivés à obtenir une autorisation du centre culturel pour venir nous entraîner, une ou deux fois par semaine », explique Jean-Marc Gravier. « Mais, il nous manque clairement un lieu dédié uniquement à la roller dance », déplore Marjorie, 29 ans, membre avec Jean-Marc, de la compagnie SkateXpress. Ce petit bout de femme est tombé amoureux de la roller dance à l’âge de 13 ans, à l’époque où elle admirait les roller men & women de la Défense. « Ce qu’il faudrait, c’est un investisseur qui ait l’audace d’installer une discothèque consacrée au quad », se prend à rêver Jean-Marc.
Même obtenir la location d’un studio, comme en utilisent les compagnies de danse, s’avère compliqué. Les roulettes sont accusées d’abîmer les sols, « ce qui est faux », rétorque l’ambassadeur du Jam skating parisien :
« Tout le monde a tendance à oublier que la roller dance a démarré dans des salles et qu’aujourd’hui encore, elle se pratique majoritairement à l’intérieur. Les parquets s’en sont toujours bien portés jusqu’à preuve du contraire. »
On ne peut plus trop pratiquer notre activité à Notre Dame, même si les slalomeurs eux, sont tolérés. / Crédits : Gauthier Dupraz
Hot-spots
En attendant, les amoureux de patins à roulettes profitent de l’été pour se retrouver à l’extérieur. Leurs principaux lieux de rencontres sont la place de la République ou le quai d’Austerlitz, sous la Cité de la mode et du Design. Car sur d’autres spots, ils sont carrément parsonna non grata, comme l’explique Marjorie :
« Il y a une certaine défiance de la part des autorités. Par exemple, on ne peut plus trop pratiquer notre activité à Notre Dame, même si les slalomeurs eux, sont tolérés. La police nous chasse régulièrement car on rameute des gens. »
Selon les passionnés, les autorités craindraient surtout le roller acrobatique. « Ils ne font pas trop de distinction avec nous, les roller dancers. C’est vrai qu’on est des méchants voleurs de sac à main », conclut-elle ironiquement.
Jean-Marc Gravier ne connaît pas le tournis.
TV Show
« On a du mal à intéresser les jeunes à notre passion, reconnait Jean-Marc. A contrario, en Angleterre ou en Amérique, les nouvelles générations prennent le relais. »
La moyenne d’âge de ces danseurs à Paris dépasse facilement la trentaine. Un chiffre qu’ils aimeraient voir baisser. Et ils comptent sur le cousin à la mode, le Roller-Derby qui se pratique aussi sur des roller-quads. Jean-Marc Gravier veut croire que ses adeptes pourraient se tourner vers la danse sur roulette : « Ils sont déjà équipés de patins, donc ils peuvent être tentés par l’aventure. Et certains ont déjà franchi le pas. »
Vidéo L’International Roller Dance & Jam, à Barcelone
Mais faudrait-il encore qu’ils connaissent l’existence de la discipline. Et pour ça Jean-Marc Gravier a un plan. Avec sa compagnie SkateXpress, ils doivent passer début juillet, un casting pour figurer dans l’édition 2014 de l’émission Incroyable talent. S’ils étaient sélectionnés, leur apparition permettra peut-être de remettre un coup de projecteur à leur danse, et de susciter ainsi des vocations. La roue finira bien par tourner.
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