« C’est le bonheur en Doc Martens », lance Sandy, assis sur un rebord de fenêtre, s’extasiant du va-et-vient incessant des passants. L’artiste écrivain et documentariste alpague ceux qui sortent du Hangar 56 et incite les autres à passer faire un tour. En cette fin du mois de mai, le soleil accompagne cette journée de portes ouvertes. À l’intérieur de ce squat artistique basé au 56 de l’avenue Parmentier, on mange, on boit un coup, on joue au billard. Mais l’on fait avant tout l’étalage des activités sociales et culturelles qui ont trouvé refuge dans cet entrepôt délaissé par son propriétaire la société immobilière Mazel Pnina, dont les bureaux se situent à quelques immeubles seulement.
Procès Tout à coup, une patrouille de police passe. La population s’agite, regarde, scrute, vérifie. Mais quoi ? Ils ne le savent pas vraiment. Quand bien même personne n’a commis le moindre délit, les patrouilles tendent inévitablement les esprits, comme un réflexe pavlovien pour ces habitués des joutes verbales avec la maréchaussée. Depuis son procès, le squat vit dans la crainte. La veille, samedi, les voitures sont passées toutes les trente minutes. Des gradés sont venus faire quelques photos sans que les occupants ne sachent quelle attitude adopter.
Deux jours auparavant se tenait la 4e comparution au tribunal d’instance du 11e des trois squatteurs sur qui portent les charges d’occupation sans droit ni titre. La partie adverse joue la carte de l’urgence. « Il faut évacuer vite, c’est une question de sécurité » avance l’avocate du propriétaire, une société immobilière, avant de souhaiter « l’expulsion rapide » des squatteurs. Ce qui ne l’empêche pas, avec le même aplomb, de leur dresser des louanges : « J’admire ce que font ces artistes »…
Gagner du temps Pour les trois accusés ainsi que leurs camarades, la plainte pour occupation illicite n’est pas du ressort du tribunal d’Instance du 11è arrondissement mais du tribunal de Grande Instance, situé sur l’île de la Cité. Les occupants font valoir que le Hangar 56 n’est pas un lieu habité mais un squat d’artistes où personne ne dort : il relève donc d’une autre juridiction. « Vous n’êtes pas compétent » lance l’avocat à la lecture de la plainte.
La technique des squatteurs est un classique. Toute la procédure repose sur le flou juridique qui entoure le terme « occupation ». Il peut aussi bien désigner une présence passagère en journée qu’une résidence au long cours. De quoi ralentir la procédure, renvoyer l’affaire au tribunal de l’île de la Cité et rester le plus longtemps possible dans le squat.
Kevin, qui coordonne la vie sur place, affirme aussi que les occupants étaient à deux doigts d’obtenir la convention d’occupation précaire. Avant que l’avocate adverse ne rentre dans les négociations, forçant le propriétaire à adopter une stratégie offensive.
Mal logement En attendant, la vie continue dans le bâtiment de 3 étages. Le collectif des Engraineurs souhaiterait y installer une AMAP, ce qui permettrait d’ancrer le Hangar 56 dans son quartier. Régulièrement, des projections d’épisodes de Game of Thrones ont lieu dans la jolie salle de cinéma montée par les squatteurs.
Au sein de la quinzaine d’occupants, arrivée en janvier 2014, on rêve à plusieurs issues. Pour Kévin, jugé comme leader par ses comparses, un squat fait passer un message. « À Paris, il y a autant d’immeubles vides que de gens dans la rue. » Ouvrir des bâtiments vides permet de mettre en lumière ce genre de problème. Eux se trouvaient auparavant au Bloc, un autre squat parisien vidé en décembre dernier.
D’autres, en revanche, veulent pérenniser le lieu coûte que coûte. « Si l’on nous laissait rester là, on resterait. Ceux qui continuent à ouvrir des squats le font jusqu’à trouver un endroit d’où on ne le chasse pas ». Parfois, la Mairie met d’elle-même à disposition des locaux, comme pour la Petite Rockette situé à quelques blocs. Mais pour l’instant, avec un délibéré reporté au 27 juin, la question ne se pose pas encore.
Il faut évacuer vite, c’est une question de sécurité
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