L’afrobeat semble revenir en force. Tu l’expliques comment ?
L’attention que suscite actuellement cette musique ne m’étonne pas. Gamin, j’écoutais du funk et plein d’autres styles, mais revenais toujours à l’afrobeat. Pas parce que c’était l’œuvre de mon père ! Mais au fond, il n’y a rien de mieux. L’une des seules musiques à porter la voix du peuple, à être assez gonflée pour critiquer le pouvoir et ne jamais se compromettre. Mon père a interpellé les dirigeants, s’est battu, a été emprisonné mais n’a jamais lâché. Il aurait pu demander l’asile politique en France ou en Angleterre, mais non, il est resté près des siens. Quel mec ! Quelle musique ! Il est devenu l’icône d’une génération. Comme un arbre, l’afrobeat continuera à grandir.
L’Amérique d’Obama lui consacre une comédie musicale, à l’affiche à Broadway…
Ce spectacle m’a beaucoup touché. Certains pensent qu’il est trop « à l’américaine », mais sans ça, le public n’aurait pas accroché ! L’important est de faire comprendre la gravité de la situation contre laquelle mon père s’est battu. Dans les années 70, il n’y avait pas d’Amnesty International, de Croix-Rouge ni de Droits de l’Homme au Nigeria. Et voilà un homme qui hurle « allez vous faire foutre » aux militaires au pouvoir ! La traduction et la mise en scène de son histoire la font connaître au monde. Et secouent les institutions nigérianes, interpellées par l’opinion internationale. Un politicien corrompu ne peut plus envoyer son fils faire des études en Europe sans qu’on se dise « en voilà un qui détourne l’argent de l’Afrique à des fins personnelles » !
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Le pouvoir citoyen de la musique ?
Ça marche ; sinon, on ne serait pas là à en parler ! L’afrobeat interpelle les gens, leur donne envie d’en savoir plus, de participer. Ils sentent que ce mouvement ne s’inscrit pas dans une logique matérialiste. Il ne s’agit pas de faire du fric, mais d’être sincère.
Les textes de ton nouvel album, Africa for Africa, sont très rentre-dedans…
Les politiciens ne vont pas aimer, mais je m’en fous ! L’afrobeat est si puissant qu’ils n’arriveront pas à nous déstabiliser. Les autorités nigérianes n’ont pas capté l’ampleur que cette musique est en train de prendre hors des frontières. Malgré leurs tentatives, elles ne parviendront pas à fermer le Shrine – ma salle de concert à Lagos. Le festival que j’y organise tous les ans pour célébrer la vie et l’œuvre de mon père attire un public de plus en plus international, notamment de France et des States. On cherche des sponsors pour faire venir des artistes français. J’ai aussi envie d’aller en Allemagne, en Angleterre, pour que le festival grossisse, grossisse… Le Shrine doit être pour les Nigérians ce que La Mecque est aux Musulmans et l’Église aux Chrétiens. La musique, la danse, le chant sont notre forme de prière, notre façon de communier et de communiquer avec Dieu.
La corruption des politiciens africains que tu dénonces est souvent organisée par les puissances occidentales. C’est le comportement de tous qu’il faudrait changer!
Ce changement prendra peut-être un siècle, mais il est inéluctable. Quand mon père chantait, j’avais 13 ans ; aujourd’hui j’en ai 48, mon fils 14. Les générations se succèdent, nous semons pour la prochaine. Il n’y aurait pas eu Malcom X ni Martin Luther King sans Marcus Garvey (1). Notre rôle est de faire comprendre à nos enfants que bien vivre sa vie, ce n’est pas posséder un tas de bagnoles, mais être intègre, sincère, juste, digne de confiance. Quand les hommes politiques capteront le message, le monde changera.
“La suite de l’article Kuti: « L’afrobeat est notre prière », c’est ici”:http://www.respectmag.com/2010/11/05/femi-kuti-%C2%AB-l%E2%80%99afrobeat-est-notre-priere-%C2%BB-4496
« Bien vivre sa vie, ce n’est pas posséder un tas de bagnoles, mais être intègre, sincère, juste, digne de confiance. »
A Lagos, « La musique, la danse, le chant sont notre forme de prière, notre façon de communier et de communiquer avec Dieu.»
Femi Kuti sur MySpace
En partenariat avec Respect Mag
Source: Réjane Ereau Daz Ini | Respect Mag
Crédits Photos: : Dr Fungus | Flick’r Creative Commons
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