Un seul nombre pour le titre de ce premier album solo que nous livre Sly Johnson: 74’, en référence à son année de naissance. Un retour aux sources autant pour l’homme Sylvestre que pour l’artiste Sly. Comme pour mieux se (re)trouver, c’est par le chant, celui-là même qui flirte avec les âmes, que l’ex-membre du Saïan Supa Crew – spécialiste du human beat box – nous revient. À travers une véritable ballade soul qui nous plonge tout droit dans les années 70, avec ses accents tantôt funk, tantôt groove, souvent les deux, l’artiste se dévoile et nous retient.
Toutes les voix du MC de l’époque s’unissent pour n’en faire (plus) qu’une. Et cette voix, quelle voix! On ne s’y attendait pas, peut-être parce qu’on l’ignorait tout bonnement. Était-il lui même conscient de ses capacités vocales ? Un timbre qui rappelle non sans nostalgie celui d’Otis Redding, dont il interprète un de ses titres phares Fa, Fa, fa, fa (Sad Song) de manière très personnelle et avec audace. Mais aussi parfois, Sam Cooke ou même plus proche de nous dans le temps, Musiq Soulchild.
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Un album enregistré avec des pointures: du bassiste de Miles Davis à la batteuse de Lenny Kravitz
Lorsqu’en 2007 le Saïan Supa se sépare, une envie d’évoluer autrement que par le Hip-hop saisit l’artiste. Le décès de sa mère, accentue ce nouveau élan et lui donne le ton. Il coupe ses locks: une manière pour lui «de ne plus se cacher». Plusieurs apparitions aux côtés d’artistes d’influences variées, tels que Rokia Traoré, Camille ou encore le trompettiste Erik Truffaz, le poussent également peu à peu vers d’autres horizons. Il multiplie donc les rencontres et arpente des sentiers qui l’amènent à se (re)découvrir toujours un peu plus : c’est le temps de l’introspection. Il s’interroge, doute, mais ne recule pas, si ce n’est que pour mieux se tourner vers les racines. Les siennes certes, mais surtout celles de la musique soul, où Sly y trouve un exutoire, un pansement pour son âme blessée, une force, une énergie.
Une direction soul pour ce premier album qui constitue donc une renaissance artistique et humaine dont Sly avait besoin pour continuer à faire de la musique nous dit-il. Une nécessité de faire ressentir des sentiments souvent très forts.
Beaucoup de pression donc pour ce nouveau départ puisque l’artiste ne veut pas faire les choses à moitié et tient à s’accompagner des meilleurs. De très grands musiciens dont TM Stevens à la basse (Miles Davis, James Brown, Tina Turner), Cindy Blackman à la batterie (Lenny Kravitz), à la finition, la crème des arrangeurs de cordes et de cuivres de Philadelphie, Larry Gold (Justin Timberlake, Erikah Badu, The Roots…) prennent part à l’aventure. Sly s’envole pour un enregistrement aux États-Unis, dont il garde un très bon souvenir. «Du début à la fin, c’était un rêve les yeux ouverts».
Sly Johnson – I’m calling you feat Ayo
« Montrer que la Soul et le Rap sont connectés »
L’album s’ouvre sur Slaave 2 en featuring avec les rappeurs de Slum Village. Pur mélange de soul et de rap, les amateurs de la Native Tongues seront ici comblés. Une façon pour l’artiste de marquer un trait d’union entre les deux mondes car comme il tient à le rappeler, «je voulais montrer que la Soul et le Rap sont connectés et l’ont toujours été».
La ballade se poursuit sur I’m calling you, en duo avec Ayo. Sorti courant mai, ce titre constitue un peu le hit de ce premier opus. Une collaboration importante dont Sly est fier. Du temps du Saïan, « la chanteuse Ayo était l’une des premières personnes qui a vu ce chanteur en moi et qui était persuadée qu’un jour, je chanterais de la soul comme personne», reconnait-il.
Mais ce n’est pas la seule voix féminine que Sly invite sur son album puisque Rachel Claudio, chanteuse soul d’origine australienne partage le titre (You are a) star. C’est d’ailleurs l’artiste a qu’il a pensé dès le début. C’est pour lui «une voix fantastique et je voulais que cette âme ait une place forte dans cet album.»
Des reprises d’Otis Redding et de The Korgis
Au-delà de ces trois featuring et de ses compositions personnelles, Sly Johnson s’attaque à deux reprises et non des moindres : Everybody’s got to learn sometimes de The Korgis, et Fa-fa-fa-fa (Sad Song) d’Otis Redding.
Pour celle des Korgis, Sly nous avoue : «c’est un morceau qui m’a toujours touché au plus profond depuis l’enfance. Beaucoup d’amour et de frustration se mêlent dans cette chanson. Elle me rappelle ma mère, ce temps où je ne comprenais pas, où j’avais la haine contre elle souvent absente, contre moi-même. La reprendre, c’était important». Pour Fa-fa-fa-fa (Sad Song) «c’était un défi, un pur challenge». S’en prendre à ce titre était risqué mais le résultat fait plaisir à entendre.
“tin’ c’est Otis au bout du fil …”
En tournée depuis fin septembre, c’est sur scène qu’il prend le plus de plaisir. Entouré d’une équipe qu’il a choisi avec soin, Manu à la batterie, très jeune mais dont Sly a perçu le «truc» qu’il recherchait, ce groove si particulier; Ed’ Ardan à la guitare, plein d’énergie; Ben Molinaro à la basse, rencontré il y a très longtemps dans la rue; Jean-Max Merri, au clavier «qui donne sur scène niveau mélodie quelque chose d’unique», nous dit Sly et Valérie Delgado, la choriste qui apporte la touche féminine à l’image des groupes de musique soul de l’époque, Sly prend son pied. Et lorsqu’on lui demande de décrire ce qu’il ressent, «magique» est le mot qui lui vient à la bouche. «Tous ensemble, on passe de super moments et ce n’est que le début», ajoute-t-il le sourire aux lèvres.
Lorsqu’il sort de scène, il prend plaisir à rencontrer son public, malgré sa timidité naturelle et espère que ces petits moments d’intimité vont durer.
A voir le 11 mars à la Cigale
Un album de 11 titres tout en anglais dont la sortie internationale est prévue prochainement, ce qui promet une tournée hors de l’hexagone, du moins Sly «l’espère vivement».
Après la Maroquinerie le 14 octobre dernier, une autre date parisienne est prévue le 11 mars 2011, cette fois-ci, à la Cigale. Avec des invités surprises ? Sly ne nous en dit pas trop mais il tient à ce que «ce concert soit mémorable».
74’ est une réussite musicale, un cri du cœur et un grand cru soul, funk et groovy pour cette année 2010, dont Sly Johnson peut-être fier. Un album signe d’un renouveau artistique et d’une humanité à fleur de peau, qui a toutes les chances de s’imposer comme une référence du genre.
“Au secours personne de moins de 20 ans ne connait Sam Cooke !”
Source: Steeve Sissy | StreetPress
Crédits photos: Michela Cuccagna | StreetPress
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