Et si on whistleblowait la DCRI ? Mince, on vous a déjà perdu.
Pourtant c’est simple : Edward Snowden a balancé les secrets de la NSA. Mais en France, n’a-t-on pas de système d’écoute et de surveillance ? A quoi ressemble l’espionnage made in France ? Nos mails @laposte.net et nos messages échangés sur Copainsdavant sont ils-surveillés par le renseignement français ? Et si Edward Snowden faisait partie des 800.000 personnes accréditées par la NSA sur le territoire français, combien de personnes en France ont accès aux données personnelles stockées sur nous ?
Pour répondre à ces questions on a envoyé un mail d’invit’ sur la boîte hotmail de l’ancien espion Pierre Martinet, ancien du service action de la DGSE également connu pour avoir espionné Bruno Gaccio pour le compte de Canal Plus. Il a été rejoint dans le studio par le détective Jean-Emmanuel Derny, qui a débarqué avec un scanner censé vérifier qu’aucun logiciel espion n’a été installé sur nos téléphones portables… Pour savoir si vous êtes sur écoute, cliquez sur le player :
1 Retrouvez le podcast de l’émission…
2 … Et les meilleurs extraits :
Comment devient-on détective ou agent secret ?
Jean-Emmanuel Derny : En France on peut devenir détective après une formation de niveau bac +3, mais elle peut se faire en un ou deux ans. En gros il y a un nombre d’heures de cours imposé, c’est équivalent à une licence professionnelle. Mais il n’y a que trois organismes en France qui forment à ce métier. Sinon la profession est aussi ouverte aux anciens Officiers de Police Judiciaire et militaires.
Pierre Martinet : Le gros de la formation d’agent c’est le stage. Il dure un an. On apprend beaucoup de choses, parce qu’au service action il n’y a que des militaires. La première phase c’est la démilitarisation. Après on découvre comment devenir un agent clandestin. C’est la grande différence avec les services intérieurs : on travaille essentiellement à l’extérieur du territoire et uniquement sous fausse identité, donc on est obligé d’avoir un vrai travail de clandestin. Par exemple, moi mon boulot officiel c’était maître d’hôtel. Ce qui me permettait de me balader, de ne pas avoir de fiche de paie, de louer des appartements, etc… C’était ma couverture – on appelle aussi ça “une légende” -, et fallait le faire vivre : son appartement, sa fausse vie, ses fausses femmes, ses faux amis… C’est assez marrant comme métier !
Qu’est-ce que le numérique a changé dans l’espionnage ?
Jean-Emmanuel Derny : Le numérique a changé notre façon de travailler. Dans le passé toute la communication était analogique, c’était un monde complètement différent. On mettait une bretelle de raccordement sur une ligne téléphonique et il y avait des craquements, des bruits, des coupures. Mais avec le numérique ça n’existe plus : c’est inodore et incolore un espionnage !
Le numérique a non seulement transformé l’activité mais aussi la vie de nos clients. Eux aussi peuvent désormais jouer les détectives amateurs et c’est ce qu’il y a de plus mauvais… Dans notre métier il y a deux facettes : les affaires familiales et les affaires d’entreprise. Le plus difficile, contrairement aux apparences, ce sont les affaires familiales, parce que nous sommes dans l’affectif. Et dans ce domaine, tout existe ! L’espionnage entre mari et femme, le trafic de téléphone, les micros-cachés, etc. Aujourd’hui acheter du matériel pour espionner c’est très facile et pas très cher. Il y a des logiciels espions entre 300 et 600 euros, selon les modèles de téléphone à espionner. Mais après, leur utilisation n’est pas à la portée du premier venu contrairement à ce qu’on veut souvent nous faire croire. Ca demande encore plus de technique et ça laisse des traces. A la différence de l’analogique, tout ce qui est numérique laisse une signature électronique. Comme c’est interdit d’écouter quelqu’un, c’est extrêmement dangereux…
Pierre Martinet : Si vous voulez être clandestin, passer inaperçu, il faut laisser tomber la technique. On a des téléphones, des ordinateurs, bien sûr, mais cryptés. Et à partir de là on se comporte comme un clandestin. Avant, on n’avait pas internet dans les services, donc on allait au cybercafé pour démarquer au maximum nos recherches. C’est un vrai métier la clandestinité, ça ne se fait pas comme ça. Et même aujourd’hui, il faut laisser le moins de trace possible.
« Sa fausse vie, ses fausses femmes, ses faux amis… C’est assez marrant comme métier ! »
Avec le numérique, c’est inodore et incolore, un espionnage !
L’espionnage aux États-Unis et l’espionnage en France : quelles différences ?
Pierre Martinet : Aux États-Unis, la communauté des renseignements c’est 17 agences, ça dépasse les 100.000 personnes. En France si on est 10.000 c’est pas mal. La différence principale avec les États-Unis, c’est que 70 % des Américains sont favorables à ce que la NSA récupère des données afin d’assurer leur sécurité. Alors qu’en France c’est l’inverse : on n’a pas la culture du renseignement, même chez nos dirigeants. C’est très difficile de travailler en France pour des anciens comme moi… Donc on s’externalise à l’étranger, pour pouvoir bosser tranquillement parce qu’on peut rien faire en France.
Mais je ne pense pas que laisser l’accès à ses données soit un renoncement à la liberté individuelle. C’est juste une acceptation. Si on a rien à se reprocher il n’y a aucun souci. D’ailleurs en France et à l’étranger, il y a des centres d’écoute de la DGSE. Il ne faut pas se leurrer, on fait pareil qu’aux États-Unis. Si on pouvait faire plus on le ferait. Simplement on n’a pas d’argent. Et depuis le 11 septembre il y a l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. C’est une petite NSA dans l’hexagone. On bricole mais on fait la même chose.
Mais tout ça, ce n’est pas de la surveillance : on accumule les données dans une banque et ça pourra servir un jour. Il y a une différence entre le flicage permanent et le stockage d’infos qui ne peut servir que dans certaines condition.
Jean-Emmanuel Derny : Il y a deux questions différentes. Effectivement il faut faire attention à ces données. On peut comprendre que les gens soient réticents à l’idée qu’on accède à des informations confidentielles, pour ne pas dire secrètes.
Mais ce n’est pas la question dans nos métiers puisqu’on doit apporter une preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire, d’une enquête. Ce qui veut dire que la personne que nous surveillons a commis un délit, peut-être pas pénal mais un délit civil au moins, donc c’est normal quelque part d’enquêter. Maintenant surveiller pour surveiller je vois pas très bien l’intérêt. Après c’est vrai qu’on est loin de certains pays en matière de droit pour les enquêtes privés… Même avec le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), où je siège bénévolement, on n’est pas très bien entendu au ministère.
Si on a rien à se reprocher il n’y a aucun souci
« On peut comprendre que les gens soient réticents à l’idée qu’on accède à des informations confidentielles »
3 En fin d’émission, il y avait la session acoustique
Pour cette deuxième session live, c’est le compositeur-interprète Etienne Lainé qui est venu nous présenter son excellent morceau «Les petits vieux». Etienne Lainé que vous pouvez retrouver en live le 5 décembre aux Marcheurs de planète, rue de la Roquette (Paris 11e)
4 Sans oubliez nos chroniqueurs
Quentin Brutal, du blog Tryangle.fr est venu rythmer la discussion en apportant un éclairage taquin sur l’exhibitionnisme et les réseaux sociaux.
Mathieu Molard (@MatMolard) et sa chronique « Première fois », nous a raconté comment il a essayé de délocaliser la rédaction de StreetPress à Madagascar.
La rédaction de StreetPress a aussi souhaité revenir à ses premières amours avec la Pastille Vichy, revue de presse d’extrême-droite, orchestrée par Robin D’Angelo (@robindangelo).
David-Julien Rahmil (@davidrahmil) reviendra quant à lui tous les mois parler intelligemment de jeux videos, internet et autres geekeries. Ce soir, il nous expliquait pourquoi les journalistes se plantent sur le darknet.
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