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    20/10/2010

    Des accusations de tricheries, des ténors UMP à la rescousse, une opération sous-marin anti-Sarko… qui sera élu délégué de circonscription ?

    Neuilly, ça merde

    Par Robin D'Angelo

    Jean Sarkozy, Rémy Galas, Denis Bernier et Minnie Tananbaum s'affrontent jeudi prochain dans un scrutin interne à l'UMP de Neuilly. StreetPress démêle les embrouilles dans la section locale du parti présidentiel.

    Avenue Achille Perretti – Neuilly (92): Des Milfs en Burberry promènent leur caniche pendant qu’ailleurs dans la ville leur progéniture à mèche fume des joints en cachette dans le parking de la résidence familiale. Un week-end comme les autres à Neuilly que rien ne semble pouvoir perturber, surtout pas les élections de délégué de circonscription Neuilly-Puteaux de l’UMP, à venir ce jeudi.

    Un vote, sur le papier assez anodin, puisque les membres de l’UMP doivent désigner celui qui dirigera la section du parti pour les deux années à venir. Jean Sarkozy – unique candidat en 2008 – se présente à sa propre succession.

    Sauf que depuis une semaine c’est la guerre : Alors qu’un candidat s’alarme d’un trucage du scrutin, plusieurs ténors UMP nationaux interviennent dans la presse pour soutenir le fils du président. En même temps, le staff du maire de Neuilly (divers droite) œuvre en sous main pour faire battre Jean Sarkozy. Mais la plus grosse prouesse en date reste celle du conseiller général en scooter qui vient d’obtenir lundi matin le soutien in extremis d’Arnaud Teullé, qu’il avait pourtant lâché pendant les municipales de 2008. Bref, ça merdouille pas mal à Neuilly.

    Lundi 11 octobre, StreetPress rapportait dans une première enquête le combat difficile que menait Jean Sarkozy à Neuilly pour conserver son poste de délégué de circonscription. Repris d’abord par Rue89 puis par RTL, France Info , Marianne et même Pure People , l’info prédisait La fin programmée de Jean Sarkozy à Neuilly .

    La réaction des proches du fils du Président est immédiate. Toute la semaine dans le Point, Le Figaro ou Le Parisien , ils tentent de calmer le jeu en assurant que Jean Sarkozy se dirige vers une victoire facile.

    Mais pas de bol pour Jean Sarkozy qui voulait rester discret: mardi un article du Parisien annonçait qu’il venait une nouvelle fois d’échouer ses examens de deuxième année de droit.

    Un scrutin organisé à l’arrache

    Analyste financier de 44 ans, Rémy Galas ne veut pas parler au téléphone et demande qu’on le rappelle sur un autre numéro. L’adversaire n°1 de Jean Sarkozy flippe d’être sur écoute. Pour le scrutin de jeudi, il confie à StreetPress ses craintes d’un vote marqué par des « irrégularités »… La team du fils du président serait-elle partie pour bourrer les urnes ?

    Dans un courrier adressé à Patrick Devedjian et Xavier Bertrand , Galas dénonce l’avancée précipitée de la date du scrutin du dimanche au jeudi, « loin de faciliter le vote de bon nombre d’adhérents pris par leurs activités professionnelles ». Il est vrai que les horaires de vote à Puteaux sont dignes d’un guichet administratif: entre 10h et 12h et 15h et 19h (voir ci-contre la convocation envoyée aux militants).

    Minnie Tannanbaum, sexagénaire franco-américaine anciennement engagée aux US au Parti Républicain est aussi « très remontée » : La candidate a contacté StreetPress pour signaler qu’elle était aussi dans la course et a confié son agacement : « Ils ont fait une marée de fautes de frappe en recopiant ma profession de foi !».

    Plutôt que truquée d’avance, l’élection de jeudi apparaît surtout comme organisée à l’arrache. Après la sortie de l’article de StreetPress , la fédération UMP fait savoir au Point que la date est bousculée pour éviter de chevaucher les vacances de la Toussaint. Sauf que les procurations reçues par les militants mentionnent toujours la date initiale. Sollicité par StreetPress, Jean Sarkozy n’a pas souhaité s’exprimer.

    Rémy Galas écrit à Devedjian


    (cliquez pour voir le document)

    Des horaires de vote pire qu’un guichet d’administration


    (cliquez pour voir le document)

    L’adjoint de Fromantin mobilise contre Jean Sarkozy

    Pierre-Adrien Babeau, jeune diplômé en marketing, est l’adjoint de Jean-Christophe Fromantin à la mairie de Neuilly. Pierre-Adrien Babeau le reconnaît d’emblée : « Tout le monde sait que je ne suis pas le meilleur ami du monde de Jean Sarkozy parce qu’on est un peu les deux jeunes à Neuilly ». Et alors que son boss s’apprête à affronter la candidate du fils du président aux cantonales de mars 2011 et s’annonce déjà comme un rival de Jean Sarkozy aux prochaines législatives, Pierre-Adrien écrit mardi un courriel à ses proches restés à l’UMP : « Comme vous le savez peut-être, les élections de délégué de circonscription sont jeudi à Neuilly. Si vous êtes à jour de cotisation, n’hésitez pas à aller voter entre 14h et 20h à la permanence du Roule ».

    Intox et rumeurs à gogo

    Après la publication lundi 11 octobre de l’enquête de StreetPress – largement reprise dans d’autres médias – c’est par journaux interposés que les candidats ont dégainé. Côté Sarko, Thierry Solère, vice-président du Conseil Général des Hauts-de-Seine monte au créneau dans le Point . L’article signé Ségolène Gros de Larquier annonce déjà la victoire d’un Jean Sarkozy « triomphant ». Dans la même veine, Isabelle Balkany rétorque à l’AFP , expliquant que certains candidats en lice « ne sont que des faux nez envoyés par d’autres gens ».

    De là à voir Rémy Galas rouler pour Fromantin, les mauvaises langues franchissent le pas allègrement, assurant à StreetPress avoir vu le candidat rencontrer son jeune adjoint la semaine dernière. Dans la série info ou intox, les rumeurs arrivent en direct à la rédaction de StreetPress : On aurait vu Jean Sarkozy et le vaincu des municipales Arnaud Teullé sceller leur rapprochement ce week-end au cours d’un déjeûner. Teullé aurait roulé pour Rémy Gallas avant de le lâcher. Tentative d’intox aussi sur le nombre de bureaux de vote qui seraient ouverts jeudi… Les corbeaux se bousculent dans les boîtes mails de votre site d’info préféré avec les rumeurs les plus bidons.

    Objectif pour les anti-sarko : Chercher à faire jaillir une nouvelle polémique dans la presse – sur le modèle de l’Epad – pour pousser Jean Sarkozy à jeter éponge avant même le jour du vote. Côté Jean Sarkozy : Refuser «  toutes les sollicitations des médias » pour éviter d’alimenter le buzz.

    Arnaud Teullé, le candidat malheureux de 2008, refait surface

    Le combat a aussi lieu sur le terrain, où Jean Sarkozy peut s’enorgueillir depuis lundi du soutien d’un autre figure locale de l’UMP, Arnaud Teullé – le putschiste de David Martinon expulsé de l’UMP en 2008 pour s’être présenté contre Jean-Christophe Fromantin. Chef de file du mouvement « Fidèles à Neuilly », il confirme à StreetPress « avoir - par un mail s’adressant à 5.000 contacts – souhaité que tous ceux qui ont adhéré [à son mouvement] soutiennent la candidature de Jean Sarkozy ».

    Cette mobilisation est vécue comme une véritable trahison pour Rémy Galas – présent sur la liste de Teullé aux municipales de 2008 – et qui affirme avoir eu son feu vert pour se présenter au poste délégué de circonscription. Arnaud Teullé a attendu le dernier moment – le lundi 18 octobre – pour s’aligner sur Jean Sarkozy. Nommé en 2008 inspecteur de l’éducation par décret du président Sarkozy – où il perçoit 3.800 euros mensuel – il n’était plus depuis les municipales dans les petits papiers du fils du président. Aujourd’hui il pense « sans doute travailler avec Jean dans le futur ».

    « La communication autour de l’élection manque à tel point de rigueur qu’on finit par se demander si la confusion est volontairement entretenue » Rémy Galas

    « Ils ont fait une marée de fautes de frappe en recopiant ma profession de foi! » Minnie Tananbaum

    « Il faut réunir plus les gens de l’UMP sur Neuilly et dépasser les personnalités qui sont en place aujourd’hui » Denis Bernier

    Après le psychodrame des municipales, rien n’est moins clair

    Bilan des courses : D’abord une défiance qui augmente, à l’instar de la candidate Minnie Tananbaum pour qui « des personnes à l’intérieur de la fédération ne sont pas satisfaites avec la gestion de l’UMP ». De son côté, Rémy Galas finit par nous lâcher qu’il voterait contre Jean Sarkozy s’il était lui-même hors course dans un hypothétique second tour. Et ensuite un rapport des forces pas clair au sein de la fédération. Même Denis Bernier, un concessionnaire automobile de 55 ans, également candidat jeudi, ne se hasarde pas à livrer son pronostic : « On n’a pas de repères. La dernière fois, il n’y avait qu’un candidat. Dans l’hypothèse d’un second tour, ça dépendra du candidat qui arrive derrière Jean… ».

    Résultats jeudi, à partir de 20 heures.

    Edit du 21.10.10: Ça buzz à Neuilly ! Dans un courriel adressé à StreetPress, Minnie Tananbaum tient à faire savoir que ses propos ne visaient pas Jean Sarkozy mais plutôt « des personnes à la permanence de Neuilly. » De son côté Pierre-Adrien Babeau nous assure ne pas avoir « appelé à mobiliser contre Jean Sarkozy mais à mobiliser tout court ».

    Les corbeaux continuent toujours à intoxiquer StreetPress: Entre autre un email anonyme signé Jean-Luc et un texto reçu à 00h19 d’un candidat (qui démentira par la suite nous l’avoir envoyé): « Arnaud T. a été invité à déjeuner avec le président à l’Elysée en compagnie du fils J.S. On lui a promis quoi en retour de son soutien? De plus, Arnaud a utilisé une association pour envoyer un message aux gens … sale affaire ». La section UMP de Neuilly reste décidément la plus Lolesque de France.

    A lire aussi sur StreetPress :

    > La fin programmée de Jean Sarkozy à Neuilly

    Source: Robin D’Angelo et Johan Weisz | StreetPress
    Crédits photo: Michela Cuccagna

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