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    28/10/2013

    15 euros, 3 heures et une balade dans les rues de Paris

    Dans les auberges de jeunesse, les « tours » street art séduisent les backpackers

    Par Emilie Tôn

    Ils ont entre 20 et 25 ans et voyagent en auberge de jeunesse. Dans l'Est parisien, « Underground Paris » leur fait visiter les hauts-lieux du street art. Une façon de découvrir des artistes locaux et des quartiers populaires.

    Des visites guidées dans les rues de Paris pour faire découvrir le street art ? Depuis 1 an, la petite entreprise « Underground Paris » propose un « street art tour » 2 à 3 fois par semaine dans le nord-est de Paris. Pour 15 euros, Demian, un entrepreneur anglais, accompagne des touristes pour 3 heures de balade dans les quartiers de Belleville, Oberkampf et Ménilmontant. Au menu, des classiques expliqués aux néophytes comme Invaders, Obey ou encore Vhils. La formule fait mouche auprès des jeunes touristes anglophones qu’ « Underground Paris » attire à renfort de promo dans les auberges de jeunesse.


    Un portait de Stink fich, rue des Vaucouleurs

    Backpackers Jeudi, 11 heures, rendez-vous pris devant le M.U.R, un spot à fresques dans le quartier Oberkampf. Ils sont 5 touristes entre 20 et 25 ans, majoritairement des backpackers, à écouter avec attention les explications de Demian. « Le M.U.R. (Association Modulable, Urbain, Récréatif, ndlr) a été installé par la mairie de Paris qui en avait marre de voir les publicités recouvertes. Ça lui faisait perdre de l’argent, Elle a donc décidé d’offrir cet emplacement aux artistes », explique le Londonien à son audience, dorénavant sensibilisée à la politique municipale locale.

    La visite ne se fait qu’en anglais. Tous sont venus après avoir vu un flyer dans leur auberge de jeunesse « The Loft », située dans le quartier de Belleville. Des touristes déjà amateurs de street art comme Sarah, venue d’Australie pour faire un road-trip en Europe, et qui a déjà fait un tour sur le même thème à Berlin :

    « Moi je connais surtout les stars de street art comme Banksy et Invaders. Ce genre de visite permet de découvrir des artistes locaux pas forcément très connus. »


    Demian recolle une oeuvre de Ella et Pitr, rue de la Fontaine-au-Roi

    Atout touristique Le street art, un argument touristique à Paris : Pour Demian, cela ne fait aucun doute. Cet ancien journaliste économique autour de la trentaine – il ne veut pas nous dire son âge !, organisait déjà des visites sur le thème du street art à Londres sa ville natale. Parti sur un coup de tête en 2012, il décide de renouveler l’expérience à Paris :

    « Quand je suis arrivé ici pour la première fois, j’ai vraiment été surpris par la richesse, la diversité et la résonnance de la scène street art locale. »

    Dans l’Est de Paris où Demian organise son tour, les rues customisées sont légions. Ce jeudi, rue de la Fontaine-au-roi, on découvre un nouveau collage d’Ella et Pitr auquel il faut y ajouter des œuvres de Gz’up ou une superbe sculpture sur mur réalisée par Vhils. Le « Street Art Tour » de Demian coïncide aussi avec les projets des administrations locales. Comme vous l’expliquait déjà StreetPress en janvier , dans le 20e arrondissement, c’est par exemple un « parcours dédié au graffiti » que veut promouvoir la mairie, avec l’objectif affiché de capter des touristes. Des murs institutionnels avec une programmation rigoureuse poussent comme des champignons dans l’Est parisien. Comme au pied du Parc de Belleville ou au M.U.R d’Oberkampf où Demian emmène ce jeudi ses touristes.

    Ce genre de visite permet de découvrir des artistes locaux pas forcément très connus


    Sarah, from Australia, prend une photo rue Denoyez

    Plus-value Quel intérêt de débourser 15 euros pour une visite que l’on peut faire tout seul en flânant dans les rues des quartiers populaires ? La plus-value vient des commentaires de Demian qui se présente comme un fin connaisseur du street art. Sur son blog , il recense toutes les œuvres qu’il croise aux hasards de ses pérégrinations. Il interview aussi des street artistes ce qui lui permet de distiller des anecdotes. Mise en pratique jeudi aux abords de la rue de Vaucouleurs (Paris 11e). « Vous voyez là, sous la peinture ? » demande-t-il à son public en désignant du doigt, le haut d’un visage peint par le guatémaltèque Stink Fich. « Il a peint par-dessus la peinture de quelqu’un d’autre. Il y a des gens comme ça qui deviennent arrogant quand ils commencent à être connus ! » L’intéressé appréciera.

    Les visites de Demian permettent aussi aux touristes des découvrir des quartiers où ils ne seraient pas forcément allés. « Quand on est touriste, on ne va jamais dans les coins populaires, alors que c’est là que tout se passe », s’enthousiasme Nathan, par ailleurs impressionné par la différence en matière de street art entre Paris et les autres villes d’Europe qu’il a visité. Sur le chemin, les informations relèvent parfois plus du rapport de socio que du guide touristique : « c’est un quartier très pauvre et, de fait, multiculturel. C’est sa richesse », développe Demian en parlant de Belleville.

    Quand on est touriste, on ne va jamais dans les coins populaires, alors que c’est là que tout se passe


    Un autre collage, rue de la Fontaine-au-Roi

    Money Lorsqu’on l’interroge sur la rémunération qu’il tire de ces visites, Damien affirme qu’il « ne veut pas exploiter le secteur pour en tirer de gros profits mais [qu’il] fait ça pour payer un loyer ». 15 euros par personne, avec une moyenne de 5 et 10 clients pour 2 à 3 visites par semaine, pas de quoi effectivement s’acheter un original de Banksy. D’autant plus que Demian partage ses émoluments avec deux collaborateurs qui viennent lui donner un coup de main de temps en temps. « Underground Paris » propose aussi des ateliers de pochoir à 25 euros pour une heure et demie. Et pendant la belle saison, il fait aussi des visites à vélo.

    Du côté des street artistes, on voit d’un bon œil le concept d’un « street art tour ». Joint par StreetPress, Marko 93 , graffeur et light painter qui pose partout dans le monde, rappelle qu’avant tout, ce genre de visites est un histoire de « passion » :

    « Pourquoi ça me poserait un problème qu’il fasse découvrir le street art parisien à des personnes qui ne connaissent pas du tout ? L’essentiel, c’est qu’il dise des choses vraies et qu’il parle avec son cœur. »

    Demian, lui, pense que les artistes dont il montre les œuvres « sont contents parce que ça amène du monde dans leur galerie et ça fait augmenter leur notoriété. » Et si jamais ils désapprouvent son business, il préfère les « ignorer. »

    bqhidden. L’essentiel, c’est qu’il dise des choses vraies et qu’il parle avec son cœur

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