10h30, ce samedi, devant la gare Montparnasse. A l’écart des voyageurs et autres passants, une poignée de jeunes se réunit tôt le matin sous la grisaille. Alors que le projet de loi ALUR (pour l’Accès au logement et à un urbanisme rénové) arrive au Sénat après son adoption par les députés le 17 septembre dernier, ces jeunes du collectif Stop vendeurs de listes peaufinent les derniers préparatifs de leur « action coup de poing ». Objectif, obtenir l’interdiction pure et simple de la profession de vendeurs de listes : des agences avec pignon sur rue qui font payer – jusqu’à 450€ – à l’avance pour des listes d’offres de logements le plus souvent déjà pris, insalubres, ou parfois carrément inexistants.
On cause répartition des rôles et déroulement de l’action, présentation des affiches, de la banderole… « Et alors, il y a des chances que des gens de l’agence essaient d’arracher les banderoles… Ça c’est hors de question ! » conclut Cindy Pétrieux, 25 ans, présidente de la Confédération étudiante. A titre personnel, elle n’a pas été victime de ces pratiques mais le syndicat étudiant est un soutien actif du collectif dont elle a participé au lancement en février.
Passe-passe Car il s’agit d’un « fléau à échelle nationale », ajoute Hanan, étudiante en communication de 21 ans, membre du collectif depuis le mois dernier. Une « arnaque » qui a même touché les députés François Brottes (PS) et Virginie Duby-Muller (UMP) du temps de leurs études. Au total, ce sont pas moins de soixante-deux parlementaires qui ont témoigné de leur soutien au Collectif en signant sa pétition – qui approche les 14.000 signatures – se félicite Cindy, alors que la troupe s’élance en direction du 46 boulevard Pasteur, tout proche.
Là-bas, se trouve l’une des agences du vendeur de listes Casa Immo, devenu Eden pour se refaire une virginité sans pour autant changer de pratiques. « Et aujourd’hui, on va leur organiser une petite inauguration », sourit Cindy. Pour l’occasion, quelques militants jouent les hommes sandwich, entre deux pancartes « Avant/Après » illustrant le petit tour de passe-passe de l’agence.
Mais alors que la troupe échaudée arrive à proximité de l’agence, elle constate que celle-ci est fermée. Un petit flottement se fait sentir… Cindy :
« Bon les mecs, on fait quoi ? On se fait une autre agence ou pas ? »
Champomy Finalement, ce sera une petite séance photo. « Alors, si vous le voulez bien, on va procéder à l’inauguration », lance alors Cindy, par ailleurs étudiante en com’. Elle embraye, très professionnellement sur les actions et le bilan du Collectif des étudiants arnaqués (ancêtre du Collectif Stop vendeurs de listes) et de son successeur :
> “une plainte contre 13 agences déposée avec l’UFC-Que Choisir ?”:http://www.quechoisir.org/immobilier-logement/location/communique-logement-etudiant-pour-deloger-les-mauvaises-pratiques-des-marchands-de-listes-l-ufc-que-choisir-depose-plainte-contre-13-enseignes
> 350 étudiants remboursés en 4 ans
> une pétition regroupant près de 14.000 signataires
> deux amendements obtenus dans le cadre du projet de loi ALUR – l’un interdit à ces agences de diffuser des annonces que l’on retrouverait également sur des sites gratuits, tandis que l’autre les oblige à préciser les obligations et la nature de l’activité de vendeur de liste afin qu’elles ne puissent plus se faire passer pour des agences immobilières normales.
Une performance alors arrosée au champagne – en fait plutôt du Champomy – bien que Cécile Duflot n’ait pas accédé à leur requête de suppression de la profession.
C’est maintenant l’heure pour Antoine, 24 ans, de découper le ruban d’inauguration. Une jeune journaliste lui explique alors la marche millimétrée à suivre pour qu’elle puisse faire de belles images pour TMC et son magazine-qui-fait-peur « 90 minutes enquêtes ». Le militant se lance, alors, presque hésitant face à une opération aussi sensible. Le ruban tombe, sous les vivats, avant que la foule n’entame en chœur son slogan :
« Un logement, pas de liste ! Un appart, pas d’arnaque ! »
Eden « n’a de paradisiaque que le nom »
Fuite « Bon Cindy, c’est quoi le plan là ? », lance la journaliste. Nouveau flottement. Cindy est satisfaite d’avoir fait « de belles photos qui vont être diffusées », mais quand même, une agence ouverte, ce serait tellement plus marrant. Pourtant, il est bien inscrit sur la porte que l’agence est ouverte le samedi, de 10 à 13h, et de 14 à 17h. « Apparemment ils savaient qu’on venait, ça a du fuiter, donc ils ont décidé de fermer », tente la jeune syndicaliste. C’est alors qu’arrive une femme, la trentaine, en recherche de logement. Les militants lui expliquent alors le fonctionnement de ces agences. « Heureusement que je vous ai trouvés ici, alors ! » s’exclame-t-elle, avant de signer la pétition.
La troupe se met en route, direction l’agence Hestia de la rue de Vaugirard, non loin. Mais trouve, encore une fois, porte close. Et là encore, arrive un couple d’étudiants qui ne se doutait visiblement pas d’où ils mettaient les pieds : « Ah donc c’est des escrocs en fait ? » Morgane, 27 ans, et qui racontait justement s’être fait tirer 290€ par Hestia en juin 2012 leur détaille la combine, tandis que ses camarades font signer la pétition à un passant. Mais toujours pas d’occupation en vue. « Plus on fait fermer d’agences, mieux c’est » avance Cindy, qui assure que les agences du quartier ont du se passer le mot.
Vapote Finalement, elle décide de concert avec Thibault d’appeler une agence pour s’assurer qu’elle soit ouverte… avant d’aller l’investir. Mais personne ne répond, au Casa Immo Diderot, dans le 12e. Les militants reprennent tout de même le chemin du métro direction Nation. Mais, nulle trace d’agence au 125 boulevard Diderot. En lieu et place, un magasin de cigarettes électroniques.
« Bon, bah… ce qu’on peut faire, c’est d’aller boire un verre dans le coin… ou manger un morceau… », lance Thibaut.
Apparemment ils savaient qu’on venait, ça a du fuiter, donc ils ont décidé de fermer
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