Julian Assange est un habitué des bâtiments de la City University à Londres. Il y a 2 ans, en pleine révélation des warlogs , il était venu y prononcer un discours devant un parterre mêlant admirateurs, curieux et sceptiques. Aujourd’hui, la situation lui est bien moins favorable avec les deux procès pour agression sexuelle et sa possible extradition vers la Suède.
Quand il arrive, Assange apparaît détendu au milieu du panel de journalistes et chercheurs l’accompagnant pour l’occasion : Jean-Marc Manach (Owni.fr), Steven Murdoch (un expert sur la vie privée à l’Université de Cambridge), Eric King (un conseiller en droits de l’homme et technologie pour l’organisation Privacy International), et Jacob Appelbaum (un chercheur indépendant en sécurité informatique et hacker). Étaient également présents un journaliste du Bureau de Journalisme d’Investigation de la City University de Londres ainsi qu’une journaliste de l’hebdomadaire italien L’Espresso.
Le but de cette conférence, comme annoncé dans son communiqué de presse qui n’en avait pas précisé le lieu, était de présenter les découvertes majeures des 287 nouveaux « leaks » portant sur « l’industrie internationale de surveillance de masse ». Autre sujet: le lancement de son projet de système de contre-surveillance électronique.
Assange présente la conférence
Jack Bauer dépassé Dès le début, Assange met les pieds dans le plat en annonçant que les possesseurs d’Iphone, Blackberry et comptes Gmail sont « foutus », car ayant de fortes chances d’être espionnés. Pour appuyer ce propos, Jean-Marc Manach lance la diffusion d’une vidéo sur le fonctionnement de l’espionnage téléphonique, expliquant qu’il suffit d’un logiciel installé via satellite sur votre smartphone pour en prendre le contrôle total. Concrètement ça veut dire envoyer des textos, des mails, avoir accès à votre boîte de réception et même, prendre des photos, qu’il soit allumé ou pas.
Kadhafi, Ben Ali, Bachar and co. Ces logiciels d’espionnage sont majoritairement conçus par des compagnies privées occidentales opérant dans le domaine de la sécurité comme Amesys en France, Elaman en Allemagne et Agnitio en Espagne. Wikileaks accuse notamment le Français Amesys, par la voix de Jean-Marc Manach, d’avoir fourni feu colonel Kadhafi en logiciels de surveillance depuis au moins 2006. Mais l’entreprise française n’est pas la seule. Eric King précise :
« Le Ministère des Affaires Étrangères britannique a commandé un rapport quant à la possibilité que des entreprises britanniques aient fourni les dictatures en matériel d’espionnage pendant les révolutions. »
Il accuse notamment la compagnie Creativity Software d’avoir vendu de l’équipement de surveillance à l’Iran. Jacob Applebaum soutient que « la plupart des gens en Syrie, Tunisie, Libye et Egypte ont été espionnés par leur gouvernement suite aux révolutions du printemps arabe » … avec matériel d’espionnage fourni par des compagnies occidentales.
Dans ce challenge international, Google n’a d’autre choix que de transmettre vos données
Assange, jeudi à Londres (© Morgane Giuliani)
Sarko et Amesys Assange, en réponse à une question posée par un journaliste français, affirme que « le gouvernement Sarkozy était au courant des arrangements entre Amesys et Kadhafi » et n’aurait rien fait pour y mettre un terme. La loi française interdit pourtant ces pratiques … mais sur son propre sol. Ni le gouvernement ni Amesys ne sont condamnables. Ils peuvent développer leur business en toute légalité dans d’autres parties du monde.
Génocide Comment cela a-t-il pu arriver ? Pour Assange, c’est l’absence totale de législation internationale sur l’interception des données personnelles qui permet à ce système de fonctionner. Et bien sûr le fait que le business soit très lucratif. Eric King n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’en prend à Gmail: « Dans ce challenge international, Google n’a d’autre choix que de transmettre vos données ». Comprendre pour gagner de l’argent.
Alarmistes les super-hackers de Wikileaks ? Eric King compare « l’industrie internationale de surveillance de masse » avec « les pratiques de la Stasi pendant la Seconde Guerre Mondiale ». Il accuse aussi ces compagnies privées de « savoir parfaitement qu’elles aident à la réalisation d’un génocide afin d’en retirer du profit . » Jacob Applebaum prévient que « les évènements en Libye ne sont que la partie visible de l’iceberg ».
La manière dont nous allons gagner cette guerre n’est pas par la législation, mais par la mise en place d’une contre-technologie de surveillance ouverte à tous
Wikileaks s’en va en guerre Pour Assange « la manière dont nous allons gagner cette guerre n’est pas par la législation, mais par la mise en place d’une contre-technologie de surveillance ouverte à tous ».
Adoptant un vocabulaire guerrier, il annonce qu’il s’agit d’un « new great game », où « des populations entières, y compris les sources de journalistes » sont des cibles potentielles. Se faisant de plus en plus virulent dans ses propos, mais tout en gardant son flegme caractéristique il annonce :
« Nous réunirons ce groupe [formé conjointement par Wikileaks et différents journalistes et chercheurs à travers le monde] pour préparer une attaque massive contre cette industrie de surveillance de masse. »
Leur première action a été de prévenir toutes les personnes espionnées par Amesys.
« Qui surveille les espions ? Nous, les 99% », conclue le hacker Jacob Applebaum faisant référence au mouvement des Indignés. Un mouvement qui a le soutien d’Assange: en octobre dernier il était venu leur rendre visite sur le parterre de Saint-Paul à Londres.
bqhidden. « Qui surveille les espions ? Nous, les 99% »
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