« Ça arrive de plus en plus que des gens viennent au club et ne s’inscrivent pas parce que c’est trop cher », raconte Alain Daubannay. Le responsable administratif de l’Amicale Manin Sports, une association sportive qui propose une dizaine de sports dans le 20e arrondissement de Paris, le reconnaît : « les clubs de sport sont plus chers à Paris qu’en banlieue ou en province ».
Pour une inscription dans un club de tennis de table en loisir, comptez de 140 à 190 euros à Paris, contre 106 euros de l’autre côté du périph’, à Saint-Denis. Oui Parisiens, Parisiennes, vous raquez plus que les autres. Et ceci pour plusieurs raisons :
> Le niveau de vie
Didier Rousseau, directeur administratif du Comité départemental de tennis de table de Paris, voit une première raison à cette différence : « les salaires des entraîneurs sont moins élevés en province, donc mécaniquement la cotisation coûte plus cher à Paris. » Un constat partagé par Alain Daubannay : « Nos professeurs sont payés entre 20 et 30 euros de l’heure. Donc avec les cotisations patronales, il faut multiplier par deux. Nous, on a 10 salariés pour 1 200 licenciés, ce qui fait que notre masse salariale représente 85 % de notre budget, c’est considérable ! »
Le sport serait aussi plus cher à Paris parce que certains clubs en profiteraient. « Il ne faut pas se mentir, le montant des cotisations se fait aussi en fonction du pouvoir d’achat des gens », détaille Arnaud Barbazange, directeur sportif à la mairie de Saint-Denis, qui dénonce « un business du sport » avec « certaines associations qui fonctionneraient comme des PME. »
Notre masse salariale représente 85% de notre budget, c’est considérable !
> Les subventions :
« Une chose qu’on oublie souvent, c’est qu’il y a un échelon de moins à Paris, puisqu’il n’y a pas de Conseil général. Les clubs parisiens perdent les subventions accordées par les départements », rappelle Didier Rousseau. Ainsi, le club grenoblois de tennis de table « La Tronche Meylan » a reçu 1.150 euros du Conseil général de l’Isère, au titre de l’aide aux déplacements pour les compétitions. Pas la grande cagnotte mais assez pour faire la différence dans un budget serré. Mais le Graal, ce sont les subventions municipales. « L’écart de prix entre les clubs parisiens et les clubs de banlieue se fait souvent au niveau des subventions. Nous, à Saint-Denis, on a la chance de recevoir pas mal d’argent de la part de la mairie », se félicite Julien Jacquemont, responsable administratif du club Saint-Denis US tennis de table 93.
La mairie de Paris serait-elle avare ? Non, ce serait la faute au trop grand nombre de clubs dans la capitale, d’après Nicolas Brocard, directeur sportif du club de tennis de table du 16e : « Dans les autres villes, il y a un seul club par sport. C’est tout le problème de Paris : rien que pour le tennis de table, il y a 20 clubs. Du coup nos subventions sont divisées par 20. » Ainsi, dans le 9e arrondissement le club de tennis de table local a reçu 1.400 euros de la part de la ville de Paris pour l’année 2013. Peu pour un club qui compte près de 300 licenciés. Et surtout bien peu en comparaison des 20.500 euros reçus par le club de tennis de table de « La Tronche Meylan Grenoble », ou des 3.000 euros du club de Saint-Denis, des clubs de taille pourtant équivalente.
Plus de clubs à se partager le gâteau mais aussi un gâteau plus petit. Au total, la mairie de Paris ne donne que cinq millions d’euros par an aux associations sportives parisiennes. À peine plus que certaines villes de province : la ville de Bordeaux verse annuellement 3,250 millions d’euros à ses clubs (hors les trois grands clubs professionnels de la ville, Les Girondins de Bordeaux, L’Union Bordeaux-Bègles et le JSA Bordeaux Basket).
A Paris, rien que pour le tennis de table, il y a 20 clubs. Du coup nos subventions sont divisées par 20
> La location des équipements sportifs :
C’est là le troisième point : la mairie de Paris loue l’utilisation des gymnases, des salles de sport et des terrains aux clubs parisiens. « La location des salles nous coûte 1.500 euros environ par an », détaille Miguel Nieto qui préside le club de tennis du 9e. « En fait, c’est simple, la subvention reçue par la mairie couvre à peine la location de la salle ». Une pratique qui relève de l’exception en France : les autres grandes villes, comme Toulouse, Lille, Bordeaux ou Lyon mettent gratuitement à disposition des associations sportives leurs équipements sportifs.
La cause de cette pratique serait le « retard de la ville en termes d’équipements sportifs », explique Jean Vuillermoz, adjoint à la mairie de Paris en charge du sport, avant de poursuivre : « Il y a eu très peu d’investissements dans le passé. Quand je suis arrivé en charge du sport, en 2008, je les ai multipliés par quatre. Mais Paris reste le dernier département de France en nombre de m² d’équipements sportifs ramené au nombre d’habitants. » Une pénurie qui oblige la ville à faire payer la location des gymnases aux clubs pour éviter qu’ils ne réservent plus de créneaux que nécessaire.
Problème, la douloureuse a augmenté l’année passée, quand la mairie de Paris a décidé de multiplier par quatre les tarifs de location des équipements sportifs, à partir de la saison 2012-2013. « 300 %, c’est énorme ! », s’insurge Didier Rousseau. Si les grands clubs peuvent répartir cette hausse sur l’ensemble des licenciés, pour les petits clubs, « cela représente une grande différence ». Du côté de la mairie, on argue que le prix reste faible : « 2,40 euros de l’heure pour un gymnase de catégorie C (du style terrain de handball, ndlr), ça reste abordable. Surtout si on compare aux tarifs dans le privé ou des lycées. Un lycée loue son gymnase de 30 à 50 € de l’heure, par exemple. », tient à rappeler Jean Vuillermoz. L’adjoint précise aussi qu’à partir de 2013, la moitié des recettes supplémentaires dues à cette augmentation, soit 1,5 million d’euros, est reversée aux associations via les subventions.
Paris reste le dernier département de France en nombre de m² d’équipements sportifs par habitant
300 %, c’est énorme !
Une alternative est de pratiquer sans passer par un club en réservant vous-même un gymnase. Mais la location est payante et pour obtenir un créneau, il faudra que vous batailliez avec les clubs, les scolaires et… les activités encadrées proposées par la ville de Paris. Ces activités sont gratuites mais prises d’assaut en début d’année. Et surtout réservées aux jeunes ou aux seniors. « On incite plutôt les adultes à se diriger vers les clubs classiques », admet Jean Vuillermoz. Ultime solution, quitter Paris. Province 1 – Paris 0.
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