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    26/07/2013

    Un ancien facho fait interdire une photo au nom du « droit à l'oubli »

    Le livre « Gangs Story » et le Nouvel Obs censurés

    Par Mathieu Molard

    Le livre de photos «Gangs Story» du photographe Yan Morvan est retiré de la vente parce qu'il contient la photo d'un ex sympathisant du groupuscule d'extrême droite 3e Voie. Le Nouvel Obs, qui avait publié la photo, est aussi condamné.

    Ce vendredi 26 juillet, à la sortie du Tribunal de grande instance de Paris, le photographe Yan Morvan, n’a pas de mots assez durs pour qualifier le jugement qui vient d’être rendu :

    « Interdire un livre parce qu’il contient la photo d’un petit facho, c’est vraiment scandaleux. »

    Son livre « Gangs Story » – qui retrace par l’image l’histoire des gangs des années 1950 à nos jours – va disparaitre des rayonnages des libraires. En cause la photo d’un ex-sympathisant de 3e Voie .

    La photo Sur l’image incriminée « petit Mathieu », 17 ans en 1987 pose avec un pistolet d’alarme dans une main et un marteau dans l’autre. « Les seuls objets contondants autorisés par la police », expliquait à l’époque le sympathisant du mouvement nationaliste-révolutionnaire 3e Voie. En guise de décor, punaisé sur le papier peint à fleurs, des affiches à la gloire du troisième Reich.

    « Cette photo, je ne l’ai pas volée », explique Yan Morvan. « C’est même lui qui a choisi comment il voulait poser ». Sauf que 26 ans après « petit Mathieu » est devenu grand et c’est le désormais respectable Mathieu Buquet qui invoque « le droit à l’image » et à « l’oubli » devant la justice.

    Le jugement Si de l’aveu même de son éditeur Pierre Fourniaud, la condamnation semblait très probable, la sentence est particulièrement sévère :

    > L’éditeur et le photographe sont condamnés à verser conjointement 5.000€ en « réparation [du] préjudice moral. »

    > La manufacture des livres (l’éditeur) doit « cesser la diffusion » de «Gangs Story» dans les huit jours qui suivent. Et précision importante, prévenir tous les commerces qui le vendent, que le livre est désormais interdit.

    > Le site internet du Nouvel Observateur qui avait diffusé la photographie en illustration d’un article, doit la supprimer dans les 24 heures et verser 2.000 €.

    Si l’éditeur comme le NouvelObs.com ne s’y tiennent pas, il leur en coûtera la modique somme de 500€ par jour de retard. Seule bonne nouvelle, le photographe est autorisé à conserver ses négatifs.


    Le jugement du TGI

    Interdire un livre parce qu’il contient la photo d’un petit facho, c’est vraiment scandaleux

    Conséquences Le « droit à l’information », invoqué par Yan Morvan a donc perdu face au « droit à l’oubli ». «C’est quelque chose de dramatique», commente Pierre Fourniaud. « Ca veut dire qu’on ne peut pas publier de livres sur tout un tas de sujets historiques. Chacune des personnes prise en photo dans ce bouquin pourrait porter plainte ».

    L’éditeur admet qu’il savait risquer une condamnation en publiant cette image. En effet, en 2000, un précédent ouvrage du même photographe avait été interdit avant d’être finalement réhabilité en appel, déjà parce qu’il contenait cette photo. Pierre Fourniaud d’expliquer : « ce qui avait été reproché à l’époque, c’est surtout de l’avoir qualifié de néo-nazi. Une mention que nous n’avons pas reprise. Dans Gangs Story les légendes sont très factuelles, c’est un travail plutôt sociologique. »

    Selon La manufacture des livres la principale motivation de Mathieu Buquet ne serait pas tant de protéger son image que de renflouer ses comptes. «Il a 26 ans de plus, c’est impossible de le reconnaitre. Il veut juste se faire un petit billet». Et l’éditeur de balancer que « petit Mathieu » avait déjà proposé « une transaction financière », sans préciser le montant demandé. « C’était totalement hors de question pour moi. Là, donner 5.000 euros à cause du jugement à un ancien Skinhead, ça me fout un peu les boules ». Il envisage de faire appel, mais préfère se donner « le week-end pour réfléchir ».

    Les auteurs « Gangs Story » avait été publié à 2.000 exemplaires, aujourd’hui il lui en resterait environ 500 dans les entrepôts de l’éditeur. «On va peut-être devoir faire comme au temps de la censure : caviarder le bouquin, donc découper la page ou mettre des autocollants par-dessus.»

    Yan Morvan ne décolère pas. « Je veux juste qu’on me laisse faire mon boulot tranquille. J’ai été réglo, je n’ai pas instrumentalisé cette affaire en criant à la censure. Pour quoi au final ? Etre carrément criminalisé ! »

    Kizo, l’auteur des textes du livre n’est quant à lui, « pas vraiment surpris » par le jugement. Alors que l’information ne circule que depuis quelques heures sur les réseaux sociaux, il raconte avoir reçu de nombreux messages de « soutiens » qui voudraient « s’exprimer physiquement ».

    « Et je sais qu’ils en sont capables. »

    L’ancien membre de la « Mafia Z », rangé des voitures et désormais engagé auprès des jeunes des quartiers veut éviter les représailles et appelle à « calmer le jeu ».


    Kizo, sur un tournage

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