« Ce que vous ferez sera forcément insignifiant mais il est quand même nécessaire de le faire. » Malgré une devise qui sent la défaite, les antipubs des Reposeurs sont en campagne de moblisation depuis le 13 octobre. Sans marteaux, ni tournevis.
Paris – Sur la place de la Sorbonne, un petit groupe est réuni. Ce sont les « reposeurs », les membres d’un collectif anti-pub. Depuis le 13 octobre, ces militants ont lancé une campagne contre les agressions publicitaires subies par les métronautes parisiens. Jusqu’au 26 ils se réuniront chaque soir entre 18 et 20 heures pour y partager expériences et actions.
Le métro, plaie de la pub Un monsieur aux cheveux gris, Jean-Martin Luc, perché sur un tabouret et armé d’un symbolique marqueur en guise de micro, appelle passants et membres à s’exprimer sur la publicité dans le métro. Timide, le petit groupe qui l’entoure hésite avant de se lancer. Eric, se décide et monte sur l’estrade improvisée pour raconter comment il se sent quotidiennement agressé par la pub. L’homme, membre des « reposeurs » depuis le début de la campagne, n’est pas Parisien mais il y travaille. Et comme des millions de voyageurs, il traverse chaque jour la ville en métro, s’exposant ainsi à chaque station aux quelques 144m2 d’espaces publicitaires (oui, vous avez bien compris ; chaque station comporte en moyenne 144m2 de panneaux de pub selon les reposeurs). Anne-Gaëlle, vient d’arriver à Paris : « A Lyon, je ne m’étais jamais posée la question des nuisances publicitaires, pourtant il y a le métro là-bas aussi !»
Choisir ou subir… Voyant une militante foncer vers les badauds, brandissant vers eux deux petites affiches anti-pub pour les sensibiliser à la cause, je demande à Eric où est la limite à partir de laquelle la pub devient agressive.
« Les reposeurs ne critiquent pas la pub. Faire connaître, c’est légitime, assommer les gens et les manipuler, c’est autre chose. Regardez dans un dictionnaire, la publicité commerciale est clairement définie comme un procédé de manipulation des esprits. Or aujourd’hui, les panneaux en 4×3 mètres s’imposent au public, ils ne leur laissent pas le choix. Nos post-it, nos affiches en 50 × 70 cm, les gens choisissent de les lire. Nous voulons une publicité choisie et plus subie. »
Le groupe des reposeurs ne serait pas si éloigné de l’avis général. Selon un sondage du CSA pour Le Dernier Panneau (LDP, une association liée aux reposeurs) dont les résultats sont parus en octobre, 4 franciliens sur 10 estiment que la pub est « une agression visuelle » et 57 % sont favorables à une réglementation de l’affichage publicitaire dans le métro. Un bilan à nuancer avec cette autre statistique indiquant que 52 % les jugent « digne d’intérêt ». Pour la réglementation, le collectif a sa petite idée. Il souhaite limiter la taille des affiches à 50cm x 70cm et la densité d’affichage à 8m2 par station – lesquels mètres carrés seraient divisés en panneaux de 2m2 espacés chacun de 30 mètres (c’est très précis) .
Halte à la logotomie !
Papier contre papier. Il y a une pétition en ligne sur le site des reposeurs , mais leurs principaux moyens d’action sont post-it et affiches. Un peu partout, ils laissent leurs propres messages dans le métro : « Halte à la logotomie », « La pub, ça laisse des marques » ou encore « 50 × 70 cm, c’est bien assez, la preuve, vous avez vu cette affiche ».
Légale, l’action des reposeurs s’oppose à celle des déboulonneurs qui pratiquent la dégradation des espaces publicitaires et la désobéissance civile. Pour autant, les reposeurs ont-ils été soutenir leurs alliés de cause qui passaient hier au tribunal de grande instance pour avoir tagué des écrans numériques dans le métro ? Non. « Tant pis pour eux, ils l’ont mérité, leur action est illégale » s’énerve George, un reposeur un peu plus âgé que ses confrères. Mais les rires du groupe face à ses propos laissent songeur. Officiellement, les reposeurs et les déboulonneurs n’ont rien à voir. Dans les faits, les personnes qui agissent dans les deux collectifs ne sont pas si rares. Khaled qui vient d’arriver sur la place de la Sorbonne explique :
« Ce sont deux outils différents. Certes, l’objectif et les revendications sont identiques mais les groupes ne s’adressent pas aux mêmes personnes. Moi par exemple, je suis étranger. Je ne peux pas prendre le risque de perdre ma carte de séjour dans un procès ; en collant des affiches contre la sur-publicité je ne risque qu’une amende ».
Peine perdue ? Reste que les déboulonneurs ont cette fois fait face à la régie publicitaire du métro, MétroBus, et ont été condamnés à des amendes allant de 100 à 250 euros. « Sauf erreur, commente Eric, c’est l’une ou la condamnation la plus dure – généralement, les amendes sont réduites à un euro symbolique. Mais c’était aussi la première action du collectif dans le métro et sur un panneau ACL (affichage à cristaux liquide). Ceci explique sûrement cela ». Mais pas de quoi entamer le moral de cet anti-pub de longue date. « Ce qui me démoralise, c’est plutôt la passivité des gens. J’entends souvent ‘‘Bravo ! Mais ça ne sert à rien’‘ alors que c’est justement la pub qui nous fait croire que toute action est vaine. Le jour où j’en ai eu marre de me plaindre des autres, j’ai décidé de m’engager ». Citant Gandhi, il ajoute : « Ce que vous ferez sera forcément insignifiant mais il est quand même nécessaire de le faire ».
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