14/03/2012

Le jeune chômeur of the week

Gaëlle, 27 ans, au chômage depuis 6 mois : « Je suis en mode fight »

Par Elodie Font

Pour la première de notre chronique « jeune chômeur of the week », on vous présente Gaëlle, 27 ans, en recherche d'un boulot dans la finance. Son leitmotiv ? «Faire du sport et s'organiser pour ne pas sombrer».

Tout sourire, Gaëlle arrive dans le café du 18e arrondissement de Paris où nous nous sommes donnés rendez-vous. Elle a prévenu, la reconnaître devrait être assez simple : « Suis une grande noire avec un manteau bleu marine ! » Elle commande un thé, un regard sur son BlackBerry et la voilà prête à nous raconter ses six derniers mois. Sa life, ses attentes et ce que le chômage a changé en elle.

ASV (Age, sexe, ville, souvenir de Caramail) 27 ans, femme, Paris. Je cherche un emploi dans la finance*… Mais généralement, quand je rencontre des gens en soirée, je ne le dis pas. Je m’arrête à « je cherche un emploi », sinon j’en ai pour des heures à expliquer que *non, on n’est pas tous pourris, non on n’est pas tous milliardaires, oui on souffre aussi du chômage. C’est dingue le nombre de clichés sur ce domaine.
Mon parcours ? La fac, en gestion, puis une école de commerce, et trois ans d’expériences chez Barclays et Amundi. Vous connaissez ? De toute façon, le CV ne suffit plus. Comme dans plein d’autres domaines, tout fonctionne par réseau.

Ton activité la plus récurrente En plus de chercher du boulot ? J’ai surtout deux activités : faire une ou deux heures de sport par jour et bosser mes notions de finance pour ne pas être larguée. Très vite, j’ai ressenti le besoin d’organiser mon temps pour ne pas sombrer. Regarde mon agenda, il est blindé… Mon agenda, c’est mon meilleur ami ! Pour moi, c’est super important de garder un rythme : je me lève tous les matins avant 9h – je suis aussi claquée que lorsque je travaillais ! Je prends des cours de yoga, d’abdos, de danse… C’est tellement agréable de se dépenser physiquement.

Et puis, je te dis, je bosse aussi beaucoup sur des cours de finance, des bouquins spécialisés. En décembre, j’étais complètement déprimée et pour me rebooster, j’ai décidé de passer ce qu’on appelle en finance des « certifications », ce sont des examens à distance qui sont très appréciés des employeurs. J’en ai réussi un en janvier. Et là, j’en bosse un très dur. Non seulement c’est un gros plus sur mon CV, mais en entretien tu peux répondre à la question « vous faites quoi en ce moment ? » Et ça, ça fait plaisir.

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Le jeune chômeur de la semaine

Chaque semaine, pendant la campagne, StreetPress vous présente « le jeune chômeur of the week ». Le chiffre, vous le connaissez par cœur : 22,4 pour cent des jeunes sont sans emploi en France. Mais au-delà des statistiques que se renvoient politiques et journalistes, StreetPress vous présente de vrais « jeunes chômeurs », loin des clichés et des débats de la présidentielle. Parce que la recherche d’emploi ne se passe pas qu’à Pôle Emploi et que même si on est un « jeune chômeur », on aussi a une vie !

Je fais une à deux heures de sport par jour et je bosse mes notions de finance

A quoi t’as renoncé ? A pas mal de sorties et, surtout – c’est un peu mon drame – je n’ai pas mis les pieds dans un magasin depuis des mois alors que je suis une dingue de mode. Mes allocs chômage, je préfère les garder pour l’abonnement à ma salle de sport, pour tout ce qui peut me faire du bien physiquement et mentalement. Et puis, j’ai quand même un loyer de 850 € donc je suis obligée de faire un peu attention. Je dis ça, mais c’est surtout au début que je flippais pour mon compte en banque. En réalité, je ne vis pas trop mal : je gagnais bien ma vie quand j’étais en CDD donc mes allocations sont assez élevées. Et puis, si vraiment je suis trop à sec, mes parents habitent à Paris. Je ne serais pas à la rue.

Ton petit plaisir grâce au chômage Je peux aller boire des cafés avec des potes à 16h ! Le luxe, hein ! Et puis grâce au sport que je fais, imagine ma condition physique ! Plus sérieusement, j’essaie justement de ne pas m’octroyer trop de petits plaisirs. Pour moi, chercher un boulot, c’est un emploi à plein temps. Tu sais quoi ? Je ne suis même pas partie une seule fois en vacances en six mois. Ça peut paraître débile, mais j’aurais « psychoté » que Pôle Emploi m’appelle pile à ce moment-là. Même sur les séries, alors que j’en suis à 15 à la fois, je me restreins. J’en regarde uniquement pour me récompenser ou alors le soir, tranquillement, avec un petit verre de vin. Comme si je bossais, quoi.

Le job le plus débile proposé par Pôle Emploi ? Un boulot où il fallait que je parle l’azéri couramment (la langue de l’Azerbaïdjan). Ridicule ! Le plus bête, c’est que, dans ces cas-là, on est obligés de répondre aux annonces, même si elles ne nous correspondent en rien, sinon Pôle Emploi nous supprime nos allocs. Mais franchement, j’ai pas à me plaindre. Ma conseillère est sympa. Elle ne m’aide pas, mais elle ne m’embête pas non plus.

Ce que le chômage a changé en toi ? Beaucoup de choses ! Déjà, avant, j’avais, comme tous les gens qui ne se sont jamais retrouvés dans cette situation, des préjugés sur les chômeurs. Je me disais, s’ils reçoivent des allocations, c’est normal qu’ils acceptent les boulots qu’on leur propose. La réalité est tellement différente… Aujourd’hui, les polémiques sur les chômeurs qui seraient feignants me rendent hystériques. Je n’écoute plus les radios d’infos, le matin, comme je le faisais avant, je préfère Nova, au moins je suis sûre de ne rien entendre sur le chômage. Je crois aussi que j’ai appris plein de trucs sur moi, je me suis découvert une certaine force de caractère. Pour moi, c’est ça qui change la manière de vivre le chômage : si t’as pas la force d’aller de l’avant, c’est très dur.

Son conseil ? Etre patiente, s’organiser et garder confiance. Je pense qu’il faut surtout réussir à cibler les futurs employeurs, pas envoyer 30 mails à la minute comme je le faisais au début. Parce qu’au final, tu ne corresponds pas au profil, tu rates tes entretiens, et tu te sens super mal. Surtout, il faut rester en mode fight. Parce que le chômage, ça te ronge.

Gaëlle, speed CV

27 ans, Paris 18e
Etudes : MSG option finance à la Sorbonne, Master Inseec option salle de marché
Expérience pro : 3 ans d’expérience chez Barclays et Amundi
Poste recherché : Poste en front office en salle de marchés
Loisirs : sport, séries TV

bqhidden. Ma conseillère ne m’aide pas, mais elle ne m’embête pas non plus