Trois militants de gauche sont convoqués devant la justice ce vendredi 13 décembre pour répondre de violences commises à l’égard de deux hommes pro-RN venus perturber une manifestation contre l’extrême droite durant l’entre trois-tours.
Nancy (54) – Le 11 juin 2024, quelque 2.500 personnes battent le pavé dans les rues de la cité ducale pour lutter contre le Rassemblement national (RN). Parmi eux, des employés, des syndicats, des étudiants et des militants anti-fascistes. La manifestation a lieu quelques jours après l’arrivée en tête du RN aux élections européennes et juste après la dissolution de l’Assemblée nationale. Le premier tour des élections législatives est dans une dizaine de jours plus tard et les sondages placent le RN en grand vainqueur.
La tension monte d’un cran quand le cortège arrive dans l’après-midi devant la librairie « enracinée » des deux-cités où les nervis de l’extrême droite ont leurs habitudes – aujourd’hui fermée. C’est là qu’un petit groupe d’hommes armés attendent, bras croisés, les manifestants. Ils leur assènent alors des coups de ceinturons et une personne se retrouve avec l’arcade blessée et se fait poser des points de suture. StreetPress retrace l’histoire le lendemain. Les vidéos de l’événement font des milliers de vues sur les réseaux sociaux et permettent d’identifier des royalistes de l’Action française, son responsable local, un militant identitaire d’Aurora Lorraine, et des membres des Brizak, des hooligans supporters de l’AS Nancy Lorraine (ASNL).
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Le cortège continue son cours, et vers 21h, la manifestation prend fin dans la rue Saint-Jean, principale artère commerçante de Nancy. C’est sans compter deux soutiens d’extrême droite qui auraient lancé au cortège : « Vive Bardella ! » Les militants antifascistes viennent alors à leur encontre et leur demandent de partir, dans un contexte tendu. Les deux convaincus, la vingtaine et habitants de Nancy, seraient revenus à la charge et auraient continué les provocations verbales. Une dizaine de militants du bloc antifasciste se serait alors ruée sur eux en leur demandant de partir. « C’était un accrochage », explique Claude (1), quinquagénaire, employé et militant. « J’ai attrapé son écharpe, on m’a gazé à cinq centimètres des yeux et j’ai eu un trou noir », retrace avec amertume Kevin, militant antifa nancéien. Une heure après, les deux hommes pro-RN se rendent au commissariat du boulevard Lobau pour porter plainte pour violences en réunion. Dans leur déclaration, ils affirment avoir été gazés et avoir reçu des coups au visage et aux jambes. Ils ne se sont, pour le moment, toujours pas portés partie civile.
Deux poids, deux mesures ?
« On était une dizaine au moment des faits, et là, on est trois couillons, la police nous tombe dessus », ironise Claude. Quelques jours après les faits, les policiers viennent sur son lieu de travail lui remettre une convocation pour une garde à vue. Même histoire pour Gaëlle (1), jeune femme vingtenaire. Pour ces deux manifestants, c’est la première fois qu’ils doivent rendre des comptes devant la justice. Kevin quant à lui plus connu pour ses activités militantes, se présente au commissariat après avoir reçu sa convocation : « Je n’avais aucune idée de pourquoi j’étais là », explique-t-il.
« Quand l’Officier de police judiciaire (OPJ) me raconte, je ne comprends pas, ça me semblait tellement rien comparé à ce que nous avions subi avant. »
Gaëlle, elle, assure : « Je n’ai touché personne ! » Si elle est là, c’est à cause des caméras de sécurité haute définition qui ont permis à la police de la reconnaître. « C’est un officier de police qui m’a identifiée, il n’y a pas d’autres preuves », contextualise-t-elle. Lors du tapissage, les deux plaignants ne reconnaissent d’ailleurs aucun des trois manifestants.
« On a choisi de poursuivre les uns et pas les autres », s’enflamme Christophe Sgro, l’avocat de Kevin. « À ce moment, les manifestants sont sur les nerfs parce qu’ils viennent d’être agressés à coup de ceinturon. » Le procureur de Nancy n’a pas décidé de lancer de poursuites malgré les images virales des coups assénés par les militants d’extrême droite quelques heures avant. Pour l’avocat Sgro :
« L’agression a eu lieu sous l’œil des policiers qui les protègent, et il n’y a pas eu une seule interpellation. Ce contexte est déterminant. »
En réponse, le « comité de soutien des inculpés du 13.12 », pour 13 décembre, date du procès, voit le jour. Une trentaine d’associations locales de gauche signent alors un communiqué pour soutenir les « trois camarades en procès ». Maître Christophe Sgro conclut :
« Il y a eu des contacts, mais est-ce que ça vaut une condamnation pénale au vu du contexte et des déséquilibres politiques ? »
(1) Les prénoms ont été changés
Contacté, le parquet n’avait pas répondu à ce jour.
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