Depuis début octobre se prépare un festival de musique néonazie près de Lyon. Un projet mené par Renaud Mannheim, qui a récemment chanté chez Jean-Marie Le Pen. L’organisateur a assuré que le concert était annulé, mais StreetPress en doute.
« J’ai toujours pas compris pourquoi on me casse les couilles car je suis anti-wokiste mais c’est comme ça. » Au téléphone, Renaud Mannheim paraît presque désabusé. Voilà des semaines qu’il prépare la troisième édition du « rock anti-wokisme » où 200 personnes doivent se rassembler le 30 novembre prochain. Derrière ce label « anti-woke » se cache surtout le nouveau nom du « rock anticommuniste », le RAC, le genre musical de la mouvance où se mêlent surtout des groupes ou un public à tendance néonazie aux concerts. Dans un post d’un groupe Facebook privé début octobre, Mannheim avait prévenu les membres qu’ils auraient « l’honneur » de recevoir Konkwista 88, un groupe polonais fan de croix gammées inactif depuis 2005, qui inaugurait ainsi son retour sur la scène européenne. Mais patatras : selon l’organisateur, le concert n’aura pas lieu, faute de ventes. « J’avais une salle qui était prévue dans le sud de la France. Mais ça ne se fait pas finalement, je n’ai pas assez de monde. Ce n’est pas une région adéquate. Géographiquement, ça ne convient pas. »
StreetPress a des petites raisons de douter des affirmations de l’homme, qui doit aussi se produire sur scène avec son groupe Match retour. L’année dernière, il avait chanté la même chanson à Mediapart, mais 200 à 300 personnes avaient bien assisté aux concerts dans un restaurant privatisé, alors qu’un arrêté d’interdiction avait été pris par le préfet de l’Isère. D’autant que début novembre, Renaud Mannheim a commencé à évoquer à ses troupes un lieu de rendez-vous « en région Rhône-Alpes ». Il y a quelques jours, il a à nouveau indiqué qu’il fallait « prendre la direction de Lyon », et a précisé que le lieu exact serait donné « samedi à 18h ».
Contactée, la préfecture du Rhône indique « officiellement » que leurs services « surveillent la possibilité qu’un tel concert puisse être organisé ». Si c’est le cas, ils prendront « les mesures nécessaires pour prévenir tout risque de trouble à l’ordre public en lien avec l’autorité judiciaire ». (1)
Le chanteur chez Jean-Marie Le Pen
Renaud Mannheim est bien connu dans la région lyonnaise où il est une figure de l’extrême droite radicale. Il a été chef de file du Blood and Honour local, une branche du réseau international de promotion de musique néonazie éponyme dont le nom est une traduction de la devise des Jeunesses hitlériennes. La section française a été dissoute en 2019 et est derrière l’organisation d’autres concerts néonazis, les Call of Terror. Renaud Mannheim a également été le boss de la section gone de Troisième voie, groupuscule néonazi dissous en 2013 après la mort du militant antifasciste Clément Méric. Amateur de foot, il est aussi proche depuis quelques mois de la South side, un mix entre des hooligans lyonnais, des ultras de Lyon 1950 et des militants d’extrême droite du département, et se rend aux matchs de l’Olympique lyonnais.
Plus récemment, Renaud Mannheim et son groupe Match retour ont eu les honneurs de la presse pour être venus interpréter l’un de leurs morceaux au domicile de Jean-Marie Le Pen, le 28 septembre dernier, comme l’avait révélé Mediapart. Deux jours à peine avant le début du procès du Rassemblement national et des assistants parlementaires européens, Le Pen père était apparu main sur le cœur poussant la chansonnette aux côtés de Mannheim. Marine Le Pen avait annoncé porter plainte pour abus de faiblesse. Renaud Mannheim confirme avoir reçu une plainte à ce sujet. « Le dossier est entre les mains de mon avocat. »
« Dans un lieu privé, c’est toujours compliqué d’intervenir »
Match retour et Mannheim sont loin d’être de simples « anti-wokiste ». Ils se sont déjà produits en mai 2022 lors d’un rassemblement d’hommages aux SS français tués par l’armée tricolore en 1945. Et sur le logo du groupe se trouve une Totenkopf, l’insigne de la 3e division SS, chargée des camps de concentration durant la guerre. Pour cette nouvelle édition de son concert, Mannheim a enjoint ses fans début octobre de garder « “l’esprit” des éditions précédentes pour que nos frères polonais soient reçus comme on sait faire ».
Le militant d’extrême droite radicale a aussi tancé la « chasse aux sorcières actuelle » et s’est dit « à la merci d’un arrêté préfectoral, d’un problème douanier à l’aéroport, de poursuites judiciaires ». Aucun des organisateurs n’a pourtant été poursuivi lors de l’événement l’année dernière, alors qu’ils ont fait les concerts dans un restaurant, un plan de secours pour contrer les révélations de Mediapart et l’interdiction des services de l’État. « Dans un lieu privé, c’est toujours compliqué pour nous d’intervenir », souffle un fonctionnaire d’une des préfectures du coin. Comme souvent dans ce genre de concert, le patron de l’établissement s’était dit « piégé ». À StreetPress, Renaud Mannheim continue de soutenir que les groupes n’étaient « pas venus, on a joué le jeu ». « Se réunir, ce n’était pas interdit par l’arrêté préfectoral », soutient-il avant d’oser :
« On a fait une soirée disco, parce que moi je suis ouvert à tout. Et on est resté entre nous. On a joué le jeu car je risque gros, je ne suis pas une asso, je ne m’amuse pas. »
Le 30 novembre au soir, une petite commune aux alentours de Lyon devrait découvrir si l’ambiance de la soirée est plus concert néonazi ou tubes des années 80.
(1) Contactées, la préfecture de l’Ain se renseignait encore à l’heure actuelle, tandis que celles de l’Isère ou de la Loire, toutes possiblement concernées par l’événement, n’ont pas répondu à StreetPress.
Illustration de Une de Caroline Varon.
- Infos StreetPress /
- Extrême droite /
- néonazi /
- Néonazis /
- Jean-Marie Le Pen /
- salle de concert /
- Lyon /
- festivals /
- A la une /