Le Raptor, chouchou de l’extrême droite sur YouTube, est conseillé pour ses business par sa femme : l’influente it-girl Betty Autier, jusqu’ici bien loin de la fachosphère. La voilà égérie des marques de son mari.
« On est en direct de la salle de sport pour faire la séance Women édition. » Le Raptor – autrefois dit Raptor Dissident, de son vrai nom Ismaïl Ouslimani – se pavane sur une plage des Maldives. « Le cadre est royal ! » Dans cette vidéo partagée sur les réseaux sociaux, le vidéaste aux 750k abonnés sur YouTube est en pleine promotion de son programme de remise en forme : Zero to Hero. L’ancien comparse de l’antisémite Alain Soral et vétéran de la fachosphère tente depuis quelques années une reconversion en coach sportif et nutrition. Il filme sa femme, casquette rose vissée sur la tête : Betty Autier, 1,2 million de followers sur Instagram, en plein exercice. Une jolie publicité pour le moins surprenante venant de cette pionnière du blogging des années 2000.
Depuis plusieurs années, les deux influenceurs exposent leur amour au grand jour. / Crédits : DR
Depuis plusieurs années, les deux influenceurs exposent leur amour au grand jour sur les réseaux. Maintenant Betty Autier se prête même volontiers au jeu de l’égérie : depuis janvier 2024, elle épingle une story sur son compte Instagram pour vanter les mérites de « Raptor Nutrition », la marque de compléments alimentaires de son conjoint. La créatrice de contenus propose même un code promotionnel à son nom. « De ma compagne, j’attends une relation de conseil… intelligente », explicite Le Raptor dans l’émission à succès sur l’actualité entrepreneuriale Sans permission, du 5 septembre 2024 :
« Elle m’a aidé dans mes entreprises, dans ma façon de communiquer. J’attends d’elle qu’elle soit une femme et une mère complètement. »
Le Raptor, youtubeur chouchou de l’extrême droite, est conseillé par sa femme, Betty Autier. / Crédits : DR
Drôle de couple
Betty Autier a toujours entretenu une image de it-girl accessible, pétillante et sans histoires. Stratégie qui lui a permis de se frayer un chemin jusque dans les carrés VIP des défilés de haute couture et de signer des contrats à 500.000 euros avec les plus grandes marques de luxe. Son seul combat a peut-être été de dénoncer dans son autobiographie le body shaming dont elle a été victime, et de s’exprimer sur ses troubles du comportement alimentaire. Le Raptor est lui devenu le porte-étendard de la fachosphère sous couvert de bonne rigolade. Il se fait remarquer en 2015 pour ses tacles contre les luttes antiracistes, ses saillies misogynes et ses insultes. En 2018, il crée avec le vidéaste d’extrême droite Papacito le groupuscule Vengeance Patriote, qui veut préparer ses militants à la baston et au maniement des armes, comme l’a raconté StreetPress en 2020. « Dans le milieu de Betty, il doit y avoir des homosexuels, et le féminisme ça doit être bien vu, ce n’est pas top pour son business », interpelle l’antisémite Alain Soral dans une vidéo d’août 2018, énième rebond du clash Internet entre lui et Le Raptor.
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Betty Autier vante les mérites des compléments alimentaires Raptor Nutrition. / Crédits : DR
L’idylle entre la modeuse et le doyen de la virilosphère aurait commencé aux alentours de 2017. D’abord discrets, ils s’affichent ensemble depuis 2020. On les voit par exemple à Venise, poser en tenue de bal style renaissance italienne. « Un couple au sommet du mont Olympe », « un couple princier », saluent en commentaire quelques internautes. Le duo met même en scène ses deux chiens Shar Pei. Si sur la forme, le Raptor se glamourise, le fond réactionnaire est toujours là. En témoigne la photo d’un des canidés publiée au début de leur relation, où le chiot apparaît dans les mains d’Henry de Lesquen, qui défend négationnisme et lutte contre « la musique nègre ». En légende, le Raptor marque que le toutou est « adoubé » par l’ancien président du média d’extrême droite Radio Courtoisie. « Peux-tu en dire autant ? », finit-il, sa question rhétorique signature.
Dans la famille Dissident : Betty Autier, Le Raptor, leur petit garçon et leurs Shar Pei. / Crédits : DR
Beauté et climatoscepticisme
En septembre, Le Raptor a même fait un retour très commenté sur la toile avec une vidéo complotiste : « Pour anéantir l’escroquerie climatiste », qui a fait près de 800.000 vues. « Vous êtes victime d’une manipulation à l’échelle planétaire », proclame-t-il :
« [Les influenceurs] ne prennent pas trop de risques en se positionnant du côté de la propagande dans l’espoir de capter l’attention d’un public composé de flipettes (…) c’est-à-dire de gonzesses à problèmes familiaux sous anxiolytiques et de geeks qui espèrent baiser en adoptant les mêmes idées que les meufs au profil psychiatrique calamiteux. »
Betty Autier commente avec un emoji rockstar : la main avec l’index et l’auriculaire levés. Et tant pis pour les contradictions ! Végétarienne pendant une vingtaine d’années – aujourd’hui repentie – elle a lancé en décembre 2022 une marque de cosmétiques « cruelty free », qui exclut les tests, et donc les violences, sur les animaux. Elle propose également un masque « en fibre 100% naturelle et biodégradable ». L’influenceuse a aussi glissé un emoji « poignée de main » sur la publication qui annonçait début novembre le nouveau format vidéo du Raptor et de son acolyte Papacito, intitulé : « On explose les grandes sagas du cinéma. »
Betty a créé des cosmétiques « cruelty free », Le Raptor est lui climatosceptique. / Crédits : DR
Dans ce tête à tête, Le Raptor lance une pique à la militante et vidéaste Marion Seclin, une de ses cibles préférées parmi les féministes, grandes responsables à ses yeux du déclin des hommes. Il glisse au passage un petit compliment à sa femme, qui a l’air de se dissocier de ces combats politiques :
« Anciennement, les féministes voulaient devenir des blogueuses. Elles n’avaient pas le succès qu’elles espéraient et donc elles traitaient de superficielles toutes les femmes qui ont réussi à bâtir une communauté parce qu’elles avaient du goût. Je prends l’exemple de Betty : elle, elle avait du goût pour la mode (…) Elle m’a donné les dossiers, j’ai deux ou trois petits noms de rageuses patentées. »
Pas de quoi endommager l’image de Betty Autier. La fashion victim a noué différents partenariats avec de grandes marques : les cosmétiques Bourjois, les cafés L’Or Espresso ou les chaussures Vanessa Wu. En 2019, elle a même reçu en cadeau de la luxueuse chaîne d’hôtels Sofitel un séjour à Rome, dont elle a profité avec son conjoint. Plus récemment, en 2023, la famille s’est fait offrir une suite par l’établissement 5 étoiles le Saint Régis, à Florence. L’équipe hôtelière a décoré la chambre avec des ballons dorés, des photos imprimées de la petite famille et des stickers Zero to Hero, la marque du Raptor. « C’est des attentions qui font plaisir de fou furieux », s’extasie l’influenceur en faisant trois fois le tour du propriétaire, transporté par cette nouvelle notoriété. Il se pâme devant des meubles en cuir d’une marque de luxe :
« Si vous ne connaissiez pas, n’ayez pas honte, moi je ne connaissais pas avant, c’est Betty qui m’a un peu initié à ce monde-là. »
Betty Autier a noué des partenariats avec Bourjois, L’Or Espresso, Vanessa Wu, Accor, Marriott... / Crédits : DR
Un art de vivre à la sauce mascu
Depuis deux ans, le duo s’est lancé dans une mini-série de vlogs lifestyles, bien loin des habitudes du Raptor : une virée à la plage de Palombaggia en Corse, la visite d’une villa louée avec quelques amis à Hyères (83), le tour de leur nouvelle propriété à Florence en Italie, puis d’une résidence acquise à Kéa, en Grèce. Devant le miroir du dressing de leur villa, le vidéaste commente avec application ses costards, pendant que sa douce se lisse les cheveux. Lui en chemise en lin et mocassins en daim, elle en robe de satin et sandales à froufrous roses. Il demande même à ses abonnés de voter pour classer ses tenues par ordre de préférence. Imposant en filigrane un « art de vivre » à la sauce masculiniste, qu’il explicite dans une de ses vidéos de coaching :
« Avoir un physique esthétique est un atout incroyable qui élève nos standards et nos résultats dans tous les domaines de la vie. Que ce soit la posture, la confiance en soi, notre apparence plus masculine et plus puissante génère beaucoup plus de respect et d’attraction. (…) On tisse des liens sociaux de meilleure qualité, nos relations amoureuses s’améliorent. »
Quand la mode et l’extrême droite font bon ménage. / Crédits : DR
Outre l’outfit, Le Raptor tisse au fil de ses posts un discours sur la vie de famille traditionnelle. « Le cadre familial est le bastion d’une nation », affirme-t-il dans l’émission Sans permission. « Je suis un chef de famille », rappelle-t-il aussi dans une story à Londres en juin 2023, avec Betty Autier souriante derrière lui. Dans la légende d’une photo où il pose avec son enfant, il écrit :
« Mets un cœur rouge si tu jalouses mon porte-bébé de hippie asthmatique. »
Le Raptor tisse au fil de ses posts un discours sur la vie de famille traditionnelle. / Crédits : DR
Du côté de Betty Autier, les conséquences de la relation sont moins roses. Elle a plusieurs fois été la cible de commentaires d’incels, des hommes qui embrassent la vision masculiniste de son conjoint. Sur le forum Blabla 18-25 ans de jeuxvideo.com, antichambre de la manosphère, elle est traitée de différents qualificatifs misogynes sur son physique. Sur les réseaux, l’influenceuse a aussi été la cible de violents raids de harcèlement après son accouchement en 2020. Elle commente quelques jours plus tard :
« J’ai quand même réussi à me prendre quelques méchants commentaires (…) sur ma supposée chirurgie esthétique ratée. Je ne suis pas du genre à réagir là-dessus, mais what the fuck ? Je suis juste une femme qui vient d’accoucher, qui a les yeux injectés, le tour de la bouche irrité par les larmes salées. Lui [Le Raptor] étrangement m’a trouvé belle toute cette journée. »
Les marques Vanessa Wu, Bourjois, les hôtels Sofitel et Saint Régis n’ont pas répondu à nos sollicitations. Nous avons été dans l’impossibilité de contacter le service presse de L’Or Espresso.
Ni Betty Autier ni Ismaïl Ouslimani n’ont donné suite à nos demandes d’interviews.
Illustration de Une : Caroline Varon
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