Depuis janvier 2024, le Bloc montpelliérain tente de former une mouvance nationaliste-révolutionnaire dans le Midi. Deux de ses militants ont été jugés fin octobre pour des actions violentes.
Montpellier (34), 1er juin 2024, 22h30 – Malik (1) déambule tranquillement dans la fête des fanfares. L’évènement annuel organisé dans le quartier des Beaux-Arts bat son plein depuis quelques heures. Soudain, une petite dizaine d’hommes, pour beaucoup cagoulés, débarquent. La suite, il la raconte dans Mediapart quelques jours plus tard :
« Quelqu’un m’a pris par l’épaule et m’a envoyé une grosse patate dans la bouche. »
Bilan : une dent cassée et 42 jours d’ITT. Dans sa plainte, il affirme avoir reconnu deux militants d’extrême droite, dont Ongwé L. G. Un témoin, qui s’est interposé dans l’altercation, a confirmé sa présence. Et le voilà ce 31 octobre sur le banc des accusés, penaud dans une veste de costard bleu marine. L’homme de 24 ans est membre du Bloc montpelliérain, un groupe qui a pour ambition depuis le début de l’année de structurer une mouvance nationaliste-révolutionnaire – des néofascistes – à Montpellier. Il y a un mois, la bande a publié une vidéo sur les réseaux sociaux – supprimée 24 heures plus tard, mais que StreetPress a pu consulter – accompagnée d’images d’articles de presse qui relataient l’agression de Malik. De quoi sonner comme une revendication de l’exaction, qui revêt d’un caractère politique pour la victime en raison de son militantisme syndical.
À la barre, Ongwé L. G. se défend comme il peut, mais souvent de façon contradictoire. S’il admet avoir été présent sur les lieux de l’agression, il nie toute participation à l’acte. Il aurait été invité par un ami qu’il connaît « par le sport » à « rejoindre un groupe d’ultra-droite à cette soirée ». Un pote qui l’aurait « perdu de vue » pendant l’agression. « J’ai été rejeté par ce groupe en raison de mon identité », affirme même le vingtenaire métisse, qui ne se serait pas senti « à l’aise » avec eux. Une curieuse déclaration, puisqu’Ongwé L. G. a échangé et est reparti de l’audience avec Martial Roudier, un identitaire très violent de la Ligue du Midi – il a fait de la prison ferme après avoir poignardé un antifasciste mineur. Le procureur n’est pas plus dupé :
« Si vous en avez été rejeté, cela veut dire que vous avez fait partie de ce groupe à un moment, non ? »
« Montpellier, c’est l’Allemagne »
Né en janvier dernier sur les cendres de Jeunesse-Saint-Roch, – groupe dont Ongwé L. G. était déjà membre –, le Bloc montpelliérain affiche l’ambition de structurer une mouvance nationaliste-révolutionnaire sur Montpellier. Un phénomène relativement nouveau dans le paysage des groupuscules d’extrême droite locaux, longtemps dominé par les identitaires de la Ligue du Midi, vieillissante de par l’âge de ses militants.
Là où les références de Jeunesse Saint-Roch oscillaient entre royalisme et nazisme, catholicisme tradi et paganisme, la ligne idéologique du Bloc se veut plus claire : en témoignent les conférences sur « les bases du nationalisme-révolutionnaire » ou « l’anticapitalisme national » organisées par le groupe dans des bars. Très vite, des stickers « Montpellier, c’est l’Allemagne », illustrés d’un char Panzer « Tigre » de l’armée nazie, apparaissent dans l’espace urbain.
Ses militants n’ont pas tardé à se montrer dans la rue : le 26 janvier dernier, lors d’une manifestation des agriculteurs en colère, Dorian M. enfile sa cagoule au milieu d’un groupe occupé à chasser un militant communiste du cortège. À la suite du désistement des victimes, il a été relaxé ce 30 octobre pour ces violences. Le même Dorian M. a pourtant aussi intimidé les journalistes Samuel Clauzier et Ricardo Parreira pendant la manif’. Dans des images révélées par Le Poing, média indépendant montpelliérain, équipé de gants coqués, on le voit asséner :
« En fait, ici, c’est les blancs. »
À ses côtés, Ongwé L. G. évoque « les Français de souche ».
"Ici c'est les blancs" Le poing a reçu ces images de la manifestation montpellieraine des #AgriculteurEnColere où l'on voit des militants nationalistes du bloc montpellierain intimider le journaliste
RicardParreir</a>, article à venir <a href="https://t.co/tk997Phzt6">pic.twitter.com/tk997Phzt6</a></p>— Le Poing - Montpellier (
lepoinginfo) January 26, 2024
Célébration néofasciste et alliance contre les drags-queens
Le 3 mars, le canal Telegram Ouest Casual publie une vidéo provenant de Montpellier où l’on voit un jeune homme au t-shirt « Action antifasciste Marseille » se faire frapper par des hommes cagoulés. La vidéo est accompagnée de leur fameux slogan : « Montpellier, c’est l’Allemagne ». Entre deux séances de boxe avec des membres d’Active Club, autre groupuscule d’extrême droite violent, les militants du Bloc ont participé à la manifestation parisienne du C9M, où se regroupent tous les néofascistes de France. Ils ont également visé une autre cible favorite de la mouvance : les artistes drags. En juin 2024, le Bloc montpelliérain et la Ligue du Midi ont par exemple appelé leurs followers sur les réseaux à faire des « réservations » pour une lecture pour enfant réalisée par des drags-queens à la librairie Sauramps dans le cadre du mois des Fiertés. Face aux menaces et au torrent de haine en ligne, la librairie a dû renoncer à l’événement.
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Mais à l’audience, à écouter maître Mathieu Sassi, l’avocat d’Ongwé L.G., ce serait bien son client qui subirait « une campagne de dénonciation calomnieuse de la part de l’extrême gauche locale ». Il a demandé la relaxe du militant d’extrême droite ainsi qu’un complément d’information sur l’enquête. Le procureur, lui, a requis 12 mois de prison avec sursis, cinq ans d’inéligibilité et d’interdiction de port d’arme et un an d’interdiction de territoire pour le centre-ville de Montpellier. Le délibéré sera rendu le 7 novembre.
(1) Le prénom a été changé.