Malgré les demandes d’annulation, le festival des Foisonnantes s’est bien déroulé dans les Alpes-de-Haute-Provence ce week-end. Derrière l’apolitisme prôné, un tapis rouge à la désinformation, de l’avortement aux chambres à gaz.
Rien ne perturbe un dimanche ensoleillé à Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Aux terrasses remplies du centre, peu d’habitants sont au fait de l’animation inhabituelle quelques centaines de mètres plus loin. Environ 2.000 personnes se réunissent pour la deuxième édition du festival les Foisonnantes, un raout à la ligne assez vague sur son site internet. Le raout se présente comme une succession de tables rondes et conférences à dix euros l’unité pour « expérimenter ensemble les outils de mise en lien et de création collective ». Si le constat affiché en façade – le peuple doit reprendre le pouvoir – est assez large pour être partagé, la suite des conférences donne le ton.
Tout le week-end, des tenants du complotisme, du confusionnisme ou de la désinformation se sont succédés, comme l’a annoncé Libération. Pêle-mêle, les visiteurs ont pu assister à des discours de la proche de Civitas Valérie Bugault, la Belge Senta Dupuyt ou le chercheur Étienne Chouard. D’autant que l’année dernière, le festival a été épinglé pour ses liens avec le site de désinformation RéinfoCovid et l’invitation de son fondateur Louis Fouché.
Pas de mea culpa sur le négationnisme
« Aujourd’hui, on peut avorter à neuf mois, c’est un assassinat », lance Valérie Bugault autour d’une discussion avec une assemblée qui acquiesce. La juriste qui est souvent présente aux événements du groupe catho-intégriste Civitas, dissous l’année dernière, y entretient savamment une confusion entre l’interruption volontaire de grossesse (IVG), possible jusqu’à 14 semaines et l’interruption médicale de grossesse (IMG), possible jusqu’au terme pour motif médical, au cas où la santé de la femme serait menacée. Elle présente également son projet Révoludroit, une nouvelle constitution où la « loi naturelle » conditionne le reste. « La famille est constituée par un père, une mère et leurs enfants […] Toute autre définition de la famille en tant que telle ne saurait avoir aucun effet juridique », peut-on y lire. Ambiance.
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Malgré le thème de cette année sur la jeunesse, le public du festival est assez âgé et vient de toute la France. La plupart connaissent bien les intervenants et balaient les polémiques. « Ce n’est pas le sujet, on ne vient pas pour ça », répète-t-on à StreetPress. Sur la présence d’Étienne Chouard, accusé de négationnisme après avoir affirmé ne pas savoir si les chambres à gaz ont existé sur le plateau du Média qui l’avait interrogé sur ce point, beaucoup prétendent ne pas être au courant ou nient ces propos. « Je vais lui en parler », assure une organisatrice qui dit apprendre l’affaire, sans plus de détails. Mais face à StreetPress, Chouard persiste :
« C’est la vérité, je ne sais pas si ça a existé. »
Un brin agacé par la polémique, le chantre du référendum d’initiative citoyenne cite alors Arno Mayer pour étayer son propos, historien dont les phrases tronquées sont régulièrement reprises à des fins négationnistes. Au sein du festival, l’ancien professeur tient aussi une conférence sur une nouvelle constitution, où il y défend… le port d’armes :
« Être armé, c’est une condition d’être libre, mais on nous répète à longueur de journée que c’est dangereux. »
Il est largement salué.
Un maire associé à Renaissance qui cautionne
La présence du festival à Sisteron a amené une trentaine de manifestants issus de syndicats ou de collectifs féministes et antifascistes à se réunir le 13 octobre 2024 devant la salle de conférence pour dénoncer le casting. « Qui sème la confusion récolte le fascisme », affichent-ils sur leur banderole. Le thème de la jeunesse inquiète particulièrement l’intersyndicale d’enseignants du département : « La ville de Sisteron nourrit le lien de défiance qui s’installe parfois entre les familles et la communauté éducative. » L’éducation sexuelle à l’école est d’ailleurs régulièrement visée par des campagnes de désinformation, comme celles que mène la très active Senta Depuydt en Belgique. Cette dernière avait manifesté en 2023 contre l’éducation à la vie affective et sexuelle outre-Quievrain car elle servirait des « objectifs pédocriminels satanistes de l’élite globaliste ». Un point bien partagé par les festivaliers. « On parle de sexualité dès la maternelle, on met dans la tête des enfants qu’ils pourraient être transgenres », glisse une spectatrice.
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De son côté, le maire Daniel Spagnou (Agir, parti associé à Renaissance) s’est contenté d’avancer dans un communiqué que rien ne permet d’interdire un tel événement en dehors de menaces de trouble à l’ordre public. Une position qui agace les opposants, en particulier depuis l’analyse de son compte X par le collectif Action antifouchiste qui révèle une accointance avec la sphère complotiste. « Cette porosité entre droite et extrême droite ne surprend plus », regrette le collectif. L’intéressé n’a pas donné suite à nos sollicitations. Quant aux Foisonnantes, l’organisation martèle qu’elle prône une vision humaniste et pacifiste de la société avec la liberté de s’exprimer comme valeur cardinale. Face aux manifestants, un festivalier finit même par tenter :
« On pense la même chose que vous ! »
Monsieur le Directeur de la Publication,
Conformément à l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, je vous adresse ce droit de réponse en réaction à l’article publié le 11 octobre 2024, intitulé « À Sisteron, deux jours de conférences entre complotisme et négationnisme », contenant des assertions inexactes et portant gravement atteinte à mon honneur et à ma réputation.
1. Sur la citation relative à l’avortement
Votre article rapporte que j’aurais déclaré : « Aujourd’hui, on peut avorter à neuf mois, c’est un assassinat », sans préciser le contexte. Ces propos faisaient référence à une analyse des conséquences juridiques de la loi bioéthique et à l’autorisation d’une interruption médicale de grossesse jusqu’au terme. Mon objectif était de soulever les ambiguïtés juridiques, et non de susciter une polémique.
2. Sur l’amalgame avec des idéologies extrémistes
Votre article établit un amalgame entre ma participation au festival et des thèses extrémistes négationnistes ou complotistes. Mon intervention portait exclusivement sur des réflexions juridiques et constitutionnelles dans le cadre de mon projet Révoludroit. Ces accusations infondées portent gravement atteinte à mon honneur.
3. Sur le choix de l’illustration et les termes utilisés
Votre article me place en illustration principale de l’événement, laissant entendre que j’en serais une figure centrale ou organisatrice, ce qui est inexact. De plus, l’utilisation répétée de termes comme « négationnisme », « complotisme », « confusionnisme », « désinformation », « extrême droite » et « catho intégriste » traduit une volonté de nuire à ma réputation.
4. Sur la rigueur journalistique
Un traitement rigoureux et impartial aurait permis d’éviter ces interprétations erronées. Votre article, par ses approximations et ses amalgames, déforme gravement mes propos et porte atteinte à mon intégrité.
Je vous demande de publier cette réponse dans des conditions similaires à celles de l’article incriminé, comme le prévoit la loi. Dans l’attente de votre confirmation, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur de la Publication, l’expression de mes salutations distinguées.
Valérie BUGAULT Docteur en droit