Dans la nuit du 13 au 14 juin 2024, un bar antifasciste à Rome a été violemment attaqué par trois militants français d’extrême droite. On y trouve un cadre d’un groupe néofasciste, très bien inséré dans la mouvance radicale française.
14 juin 2024, 4h30 du matin, Rome (Italie) – Une petite équipe de trois hommes s’approche du bar Sally Brown, dans le quartier de San Lorenzo, connu localement pour rassembler la communauté antifasciste romaine. Armé d’un bâton, d’un couteau et d’un marteau, les militants commencent à attaquer le rade, comme l’a raconté le média Roma Today et le journaliste Lorenzo Nicolini. Les deux propriétaires, un homme et une femme, se barricadent à l’intérieur. Pendant quinze minutes, le trio brise la porte ou le volet latéral et jette des bouteilles sur les fenêtres.
Malgré leur cagoule, la police les cueille dans la rue d’à côté. Ils retrouvent sur eux des stickers Defend Europe du « Drapeau noir et les copains », une boutique nationaliste-révolutionnaire confidentielle, où la commande ne peut se faire qu’en messages privés sur Instagram, et dont l’entièreté des bénéfices sont reversés « aux camarades victimes de la répression judiciaire ». Les enquêteurs ont aussi retrouvé des autocollants du groupuscule néofasciste la Bastide bordelaise. Les trois jeunes hommes, qui ont entre 20 et 21 ans, ont été arrêtés pour possession d’armes. Selon nos dernières informations, ils font l’objet d’une enquête mais ne sont pas en état d’arrestation.
Un militant suivi par le gratin des néonazis
Parmi eux, Alaric D., 20 ans, est un des cadres de la Bastide bordelaise, très bien implanté dans la mouvance radicale française. Parmi ses abonnés sur Instagram, on retrouve pêle-mêle la cadre de Némésis et ex-assistante parlementaire RN Nina Azamberti ou un des leaders du Gud Gabriel Loustau – condamné le 12 juin 2024 pour une agression homophobe. Il y a aussi l’amateur de folklore néonazi Frédéric Châtillon, la tête de la Gud Connexion, réseaux d’entreprises issues du Gud et auquel le Rassemblement national fait souvent appel. Sur son compte Facebook, ce sont des Lyonnais d’Audace, un des groupuscules héritiers du Bastion social, ou un des fils Roudier de la Ligue du Midi. Il a également l’air de déjà connaître l’Italie et Rome : en juin 2022, il publiait sur ses réseaux sociaux une photo de lui dans les locaux de CasaPound, mouvement néofasciste italien.
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Les autres membres de l’équipe violente sont Hugues d.M., 20 ans, et Ottavio R., 21 ans. Contrairement aux deux autres militants, ce dernier habite à Rome, et serait même le fils d’un grand ancien correspondant d’un média français en Italie.
Un des membres de l'attaque violente, Alaric D., 20 ans, est un des cadres de la Bastide Bordelaise, très bien implanté dans la mouvance radicale française. / Crédits : DR
Là pour un festival de musique néonazie ?
Apparue courant 2022, la Bastide bordelaise dont fait partie Alaric D. a pris la suite du groupe Bordeaux nationaliste avant même sa dissolution par le gouvernement en février 2023. Ouvertement néofasciste, le groupuscule d’une trentaine de membres est dirigé par deux anciens de Génération Z, le mouvement de jeunesse du parti d’Eric Zemmour. Le 12 juin 2022, plusieurs militants avaient déployé une banderole : « Protégeons les enfants. Stop folie LGBT », lors de la Pride bordelaise. Quelques jours plus tard, dans la nuit du 25 juin, plusieurs militants d’extrême droite se livrent à une expédition punitive dans les rues du quartier populaire Saint-Michel. Une descente pour laquelle huit d’entre eux ont été condamnés à de la prison ferme pour violences aggravées à caractère raciste et outrage sexiste, dont le leader de la Bastide bordelaise, Yannis I. Ce dernier ne s’est pas arrêté là, car en décembre 2022, il a fait partie d’un groupe d’une vingtaine d’individus qui sont venus perturber, armés de barres de fer et de matraques, une conférence des députés LFI Louis Boyard et Carlos Martens Bilongo.
Ces derniers jours, le groupuscule a appelé à l’union des droites derrière le Rassemblement national pour les législatives à venir.
Coïncidence ou non, un concert de black metal et RAC (rock contre le communisme – un genre en vogue chez les néonazis) est prévu par Casapound le 15 juin. On y trouve Bronson, une pointure du genre, et SPQR, qui a donné un concert lors de la soirée post-manif du Comité 9 mai. Les militants français étaient-ils à Rome pour cette occasion ? Certains membres de l’Oriflamme, autre groupe néofasciste mais de Rennes cette fois, sont eux-aussi présents dans la capitale italienne. L’attaque violente du bar a en tout cas provoqué un choc dans la ville. La sénatrice Ilaria Cucchi, de l’Alliance des Verts et de la gauche, qualifie l’agression de « squadriste à tous les égards », une référence au mouvement paramilitaire fasciste italien des années 20 et 30. « Ce qui s’est passé est extrêmement grave et inquiétant […]. Nous ne permettrons à personne d’inverser le cours de l’histoire pour revenir aux années les plus sombres du pays », a-t-elle indiqué selon Roma Today.
Contacté, Alaric D. et Ottavio R. n’ont pas répondu aux sollicitations de StreetPress.
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