À quelques pas de la mairie du 6e arrondissement, le parloir du Colombier se présente comme un lieu d’accueil solidaire. Mais c’est là aussi que la fine fleur de l’extrême droite parisienne organise des événements depuis plusieurs années.
Paris, 6e arrondissement – Difficile de passer à côté du parloir du Colombier. Voisin des sapeurs-pompiers de la caserne homonyme, le lieu a pignon sur rue : sa devanture grenat, traversée par de grandes fenêtres, ne passe pas inaperçue au milieu des façades austères du 6e arrondissement.
Créé en 1988, l’endroit qui fait office de salon de thé se présente comme un « lieu de partage spirituel, de rencontre, d’entraide, d’échanges matériels et de services », auprès de la préfecture. Au cœur de ce quartier chic, ses prix bon marché attirent un public éclectique, et notamment des personnes isolées. Mais l’endroit est également un lieu prisé de l’extrême droite parisienne qui, derrière les épais rideaux, y organise régulièrement conférences et soirées depuis plusieurs années.
La devanture grenat, traversée par de grandes fenêtres, ne passe pas inaperçue au milieu des façades austères du sixième arrondissement. / Crédits : DR
Repère des néofascistes parisiens
Le parloir du Colombier offre une ambiance intimiste. Les murs sont mi-boisés, mi-revêtus d’un imprimé tartan. Un crucifix fait face à la salle, et des idoles complètent la décoration. Ce vendredi soir de septembre 2023, le lieu est rempli. Une trentaine de personnes sont présentes pour suivre le match de rugby entre la France et la Nouvelle-Zélande. Mais c’est une autre raison qui les rassemble ce jour-là : la réunion de rentrée de Luminis. Un groupuscule nationaliste-révolutionnaire (NR) parisien, né en 2019 et proche notamment du Groupe union défense (Gud), des Versaillais d’Auctorum ou de la division Martel, avec lesquels ils participaient à des olympiades fafs en avril dernier.
Une trentaine de personnes sont présentes pour la réunion de rentrée de Luminis. / Crédits : Telegram
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Le groupe Luminis est habitué du Parloir du colombier. Depuis novembre 2021, ces néofascistes ont organisé plus d’une dizaine d’événements dans le 6e arrondissement, que ce soient des conférences ou des soirées de cohésion pour leur bande. Christian Bouchet, figure de la mouvance nationaliste-révolutionnaire, l’abbé tradi Matthieu Raffray ou Sylvain Roussillon, président de l’association qui chapeaute l’Institut de sciences sociales, économiques et politiques (ISSEP) de Marion Maréchal, sont venus animer certaines de ces soirées aux côtés des NR parisiens.
Luminis sait aussi recevoir, et d’autres groupes radicaux ont répondu aux invitations des Parisiens. En décembre dernier, deux avocats du Comité de liaison et d’aide nationaliste – association proche du pétainiste Yvan Benedetti dédiée à la défense des militants nationalistes – sont venus distiller des conseils pour se préparer à la garde à vue. Quelques jours plus tard, c’est Solidarité Arménie qui vient évoquer le conflit contre l’Azerbaïdjan rue du Vieux-Colombier. Parmi les deux invités présents, on retrouve Xavier Maire : un militant NR strasbourgeois historique, passé par le Gud et le Bastion Social, tatoué d’une Totenkopf, tête de mort symbole des unités SS, sur le torse.
Invité par Luminis, le CLAN a tenu une table de matériel durant la formation « contre la garde à vue » dispensée par deux avocats affiliés à l'association nationaliste. / Crédits : Telegram
50 nuances de fafs
Si Luminis s’affiche régulièrement au parloir du Colombier, d’autres mouvements d’extrême droite ont passé la porte du lieu ces deux dernières années. C’est le cas des catholiques identitaires d’Academia Christiana, qui y ont leurs ronds de serviette. Depuis septembre 2021, Victor Aubert, le boss de ces cathos tradis, a régulièrement animé les soirées du cercle parisien du mouvement dans les locaux. L’occasion pour ces militants et les sympathisants de se former intellectuellement, avant de partager des « soirées conviviales ».
Cathos tradis toujours, une « journée de formation et de cohésion » du mouvement intégriste Civitas, dissous en octobre 2023 pour des incitations à l’insurrection et des propos antisémites et islamophobes réguliers, s’est tenue début 2022 dans le 6e arrondissement, quelques semaines avant une conférence organisée par les mêmes individus.
Le patron et fondateur d'Academia Christiana, Victor Aubert, comme un poisson dans l'eau au Parloir du Colombier. / Crédits : Telegram
Les syndicalistes étudiants de la Cocarde ont également organisé, en décembre 2022, une conférence sur la disparition du patrimoine économique français au parloir du Colombier. Pas étonnant : Tim Frey, responsable francilien de la Cocarde – qui anime la conférence ce soir-là – et Maylis de Cibon, responsable du syndicat à Assas et assistante parlementaire du député Rassemblement national, Philippe Schreck, sont des habitués des lieux en tant que membres de… Luminis. StreetPress a également récemment identifié une soirée, plus informelle car non annoncée en public, réunissant plusieurs membres du collectif Némésis.
De tels accueils n’ont pas échappé aux antifascistes parisiens. Courant septembre, lors d’une conférence de Luminis, un groupe a affronté des militants d’extrême droite chargés d’assurer la sécurité des alentours. Résultat : une terrasse de café dévastée, à quelques mètres du salon de thé et de la mairie du 6e arrondissement, et une absence de communication de la part des organisateurs du soir.
Syndicat proche du Rassemblement National, la Cocarde a pu également bénéficier du local rue du Vieux Colombier pour une conférence. / Crédits : Telegram
Un lieu publiquement soutenu
Malgré la tenue régulière des événements d’extrême droite au parloir du Colombier, le lieu est publiquement soutenu par le diocèse catholique de Paris et la mairie Les Républicains (LR) du 6e arrondissement. Les deux entités promeuvent le salon de thé chacune sur leur site internet. Il figure à la première place de la liste des associations « mobilisées pour lutter contre la solitude » du diocèse parisien, tandis que la mairie voisine la met en avant, au même titre que la Croix-Rouge ou l’Unicef, dans une liste « Entraide et solidarité » consultable en ligne.
Par le passé, le lieu a même bénéficié de subventions publiques. S’il n’en reçoit plus aujourd’hui, le parloir a reçu des sous de la mairie de Paris au début des années 2010. L’association a également bénéficié de la générosité de deux parlementaires. L’ex-sénateur Union pour un mouvement populaire (UMP) de Paris Pierre Charon a utilisé sa réserve parlementaire par deux fois, en 2013 et 2014, pour soutenir le lieu. Et l’ancien Premier ministre François Fillon himself y est aussi allé de son don en 2015. Sûrement pour la jolie déco en tartan.
Contactée, la mairie du 6e arrondissement a répondu le 30 novembre 2023 a StreetPress. Elle indique n’avoir « jamais » eu connaissance de l’organisation de ces événements d’extrême droite au parloir du Colombier et que « les valeurs présentées des associations citées ne sont pas celles » de l’arrondissement. Ils affirment également ne fournir « aucunement » une aide financière quelconque. De son côté, le diocèse n’a pas répondu à nos sollicitations.