La Défenseure des droits juge que le ministère de l’Intérieur a injustement sanctionné le policier lanceur d’alerte qui a révélé les maltraitances au sein du tribunal de justice. Elle pointe au passage l’impunité dont ont bénéficié les mis en cause.
Le verdict de la Défenseure des droits est des plus explicites. Le brigadier-chef Amar Benmohamed, « a été victime d’une mesure de représailles à la suite de ses signalements », juge Claire Hédon dans une décision au vitriol datée du 12 décembre 2022. Le policier avait, en interne puis dans les colonnes de StreetPress, dénoncé des centaines de cas de maltraitance policière dans les geôles du tribunal de justice de Paris. « Injures à caractère racial (…) traitements humiliants et dégradants (…), vols des affaires personnelles ». Des faits qui « compte tenu de leur gravité sont susceptibles de recevoir une qualification pénale ou de violations graves et manifestes de plusieurs engagements internationaux ratifiés par la France », pointe l’autorité indépendante.
L’inertie du ministère de l’Intérieur
La Défenseure des droits juge que la qualité de lanceur d’alerte ne peut être déniée à M. Benmohamed qui a appliqué à la lettre « la procédure graduée de signalement » préconisée par la loi. Il a dans un premier temps alerté sa hiérarchie, qui a fini par saisir l’IGPN. L’enquête de la police des polices « a conclu à la révélation de nombreux dysfonctionnements au sein du dépôt de Paris ». Et puis plus rien, comme l’avait révélé StreetPress.
« Aucun changement n’est intervenu au sein du dépôt de Paris à la suite de ce rapport. » Il n’a « conduit ni à l’arrêt des agissements contestés ni à la saisine du procureur ou à des sanctions disciplinaires de tous les agents concernés », taclent les services de Claire Hédon. Ce n’est que confronté « à cette inertie et en raison des représailles subies » que le policier « a alerté l’opinion publique en témoignant auprès du média StreetPress. »
Pour la Défenseure des droits, le policier lanceur d’alerte « a été victime d’une mesure de représailles à la suite de ses signalements ». / Crédits : DR
Des mesures de représailles
Pire encore pour l’autorité indépendante, Amar Benmohamed a par la suite été victime de mesures de « représailles ». La Défenseure des droits énumère : une demande abusive d’évaluation de son état psychologique, un refus d’octroi de la protection fonctionnelle (1), un avertissement, un retrait de son mandat de représentant du personnel. Elle pointe même la responsabilité du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en personne, lui reprochant « une annonce de sanction prononcée (…) au cours d’une audition publique par la commission des lois de l’Assemblée nationale ».
Décision de la Défenseure d… by Garnier
Autant d’éléments qui devraient, selon elle, pousser la justice à lever les sanctions administratives prononcées contre Amar Benmohamed. Pour Arié Alimi, avocat du lanceur d’alerte, « la décision du Défenseur des droits confirme [son] analyse » :
« Après avoir étouffé les maltraitances racistes des détenus, le ministère de l’Intérieur et la section AC2 [section du parquet en charge des dossiers mettant en cause des policiers, ndlr] ont tout mis en œuvre pour décrédibiliser les lanceurs d’alertes, tant par la voie judiciaire que par la voie administrative. »
Retrouvez ici nos différents articles sur cette affaire :
Comment la hiérarchie policière a tenté d’étouffer les affaires de maltraitance au Tribunal de Paris
27/07/2020
Le policier lanceur d’alerte Benmohamed sanctionné pour avoir témoigné à l’Assemblée
04/02/2022
Comment le Parquet de Paris a enterré l’affaire des maltraitance et racisme au tribunal de Paris
05/10/2022