Les films de Bernard-Henri Lévy cumulent de nombreux financements publics ; en a-t-il besoin puisqu’il est aussi soutenu par des mécènes milliardaires ?
Bernard-Henri Lévy aime voir de ses propres yeux les territoires en guerre : Kurdistan, Afghanistan, Libye, Ukraine… Et surtout y être vu. Dans chacun de ses déplacements, le Tintin philosophe se met en scène : héros d’un reportage (publié par Paris Match) et en général d’un film. Depuis 2012, pas moins de six documentaires, tous diffusés et donc financés par les chaînes publiques du groupe France Télévisions et Arte, accompagnés en général d’un soutien du CNC. En clair, ce sont nos impôts qui financent ses films et plutôt généreusement. Une enquête du magazine Capital révèle un niveau de financement très au-dessus des montants habituels pour des audiences très en dessous des résultats habituels.
#DRAHILEAKS
Patrick Drahi est un homme d’affaires puissant. 11e fortune française bien que domicilié en Suisse, il est à la tête du groupe Altice. Un empire tentaculaire qui réunit notamment des entreprises de télécom (SFR, Cablevision…), des médias (BFM TV, RMC…) ou de commerce d’art (Sotheby’s)…
Courant août, le groupe de hackers russes Hive a mis en ligne dans un recoin caché d’Internet des centaines de milliers de documents piratés à Altice après avoir échoué à faire chanter l’homme d’affaires. Reflets, Blast et StreetPress se sont associés pour explorer ces leaks.
Les documents mettent en lumière un groupe industriel complexe, implanté dans des pays très souples en matière fiscale et très endetté. Ils donnent incidemment à voir le train de vie faramineux d’une famille aussi discrète que riche. Bien loin de la fin de l’abondance annoncée par Emmanuel Macron.
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Hasard sans doute, BHL est – depuis 1993 – président du conseil de surveillance d’Arte France. Un « organe collégial » chargé de contrôler la gestion stratégique et économique de la chaîne. C’est aussi lui qui nomme les membres du directoire et notamment son patron Bruno Patino. Un mélange des genres des plus étonnants ? Au téléphone, la direction de la communication est un peu gênée aux entournures par nos questions. Elle finit par renvoyer la patate chaude à Bruno Patino. Interrogé par email, le président de la chaîne n’a pas répondu à nos questions. C’est donc en toute indépendance qu’en 2022, Arte a décidé de financer le dernier documentaire du président du conseil de surveillance d’Arte : « Pourquoi l’Ukraine ». Un film dans lequel BHL raconte la résistance du pays face à l’invasion russe.
Les riches amis de Bernard-Henri
Cet argent public était-il nécessaire ? La question se pose d’autant plus que Bernard-Henri Lévy ne manque pas de ressources et soutiens privés. À la toute fin du générique de ce film, BHL adresse ses « remerciements particuliers » à quelques personnalités. En vrac, le « président Volodymyr Zelensky », Emmanuel Bonne, conseiller diplomatique de Macron, mais aussi, plus surprenant, cinq milliardaires et un multi-millionnaire : Claude Perdriel, Denis Olivennes (chargé de gérer les investissements dans les médias du milliardaire Daniel Kretinsky), François Pinault, Thomas S. Kaplan, Jean Madar, Lina et Patrick Drahi (1).
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Un document issu des #DrahiLeaks donne une idée du genre de services rendus par ces amis. Dans un courrier en date du 3 mai 2022, la fondation Patrick et Lina Drahi informe « M. Levy » que son board a approuvé une « donation de 50.000 euros pour soutenir [son] projet de film documentaire sur la guerre en Ukraine depuis le Maïdan » (2). Un don généreux qui ne coûte pas très cher au couple de mécènes puisque leur fondation permet aux Drahi de défiscaliser une partie de leurs revenus.
La donation de 50.000 euros a été effectuée le 30 mai 2022 selon le document. /
Crédits : DrahiLeaks
(1) Contactés, ces différents hommes d’affaires n’ont pas répondu à nos sollicitations. Bernard-Henri Lévy, Bruno Patino et Patrick Drahi n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
(2) L’information avait été mentionnée par le blogueur conspirationniste et antisémite Panamza.
Illustration de Une par Caroline Varon, article de Mathieu Molard.
« Je n’aime pas payer des salaires, je paie le moins possible », avait lancé publiquement Patrick Drahi. Nous si ! Plusieurs journalistes se consacrent depuis des semaines, à temps plein, à cette enquête. Et ce n’est pas fini : nous n’avons pas prévu de lâcher le morceau. De nombreux autres articles paraîtront sur StreetPress, Reflets et Blast.
Nous savons aussi que nous devrons faire face à de nombreuses procédures juridiques qui vont s’étendre sur plusieurs années.
Tout cela coûte cher, c’est pourquoi nous avons créé, les trois médias ensemble, une cagnotte de soutien. Chaque euro versé servira exclusivement à financer cette investigation.