Sur StreetPress, le co-fondateur de Médecins Sans Frontières explique pourquoi les Français ne se lâcheront pas pour Haïti. A l'inverse du Tsunami, quand 8 jours après la catastrophe, MSF avait demandé l'arrêt des dons.
Est-ce que vous allez demander d’arrêter les dons comme cela a été fait après le Tsunami ?
Pour l’instant il n’y a aucune raison, les dons sont les bienvenus. Il y a beaucoup de blessés à opérer, contrairement au Tsunami. Ce n’est pas du tout une politique de MSF de s’opposer à la collecte de dons.
Quelle différence entre les deux situations ?
Il y a avait une plus grande émotion pour le Tsunami. A cause de la période de Noël, de l’importance du tourisme occidental dans la région. Ça avait enclenché une accumulation de dons absolument phénoménale.
Pourtant la médiatisation est presque aussi intense aujourd’hui ?
Je doute que pour un pays comme Haïti, même s’il y a beaucoup de liens, cela déclenche la même vague que pour le Tsunami. La solidarité ne va pas atteindre des valeurs aussi stratosphériques. Vous savez, le tsunami n’est pas une référence, c’était particulièrement exceptionnel.
Pourquoi y a t-il eu une polémique Tsunami ?
Ce qui a été épouvantable au moment du Tsunami, ce sont les énormes bobards qui ont été lancés. On entretenait l’idée d’une menace de mort qui pesait sur les survivants. On a créé des paniques pour rien. Il y a eu les conditions d’une polémique.
Il ne se passe pas la même chose pour Haïti ?
A ma grande surprise, non, je ne vois pas ça du tout. On ne parle pas de menace d’épidémies. On n’est pas dans un schéma démagogique.
L’argent reçu pour Haïti va t-il servir à d’autres causes, comme dans le cas du Tsunami ?
Là, il n’y a aucune raison d’envisager cela. Il n’y a aucune raison de penser que l’argent reçu dépasse les besoins d’action.
Bradol a dit « Si la Croix-Rouge faisait du BTP, cela se saurait », vous en pensez quoi ?
Bradol [Jean-Hervé Bradol était président de MSF pendant le Tsunami, ndlr] a tout à fait raison. Le gros de l’argent nécessaire à Haïti pour se relever, c’est la reconstruction qui va l’absorber, évidemment ! Nous on couvre des besoins d’urgence. Important mais à court terme et qui une fois le dispositif en place ne vont pas coûter des milles et des cents. C’est à ce moment qu’on peut arrêter la collecte de dons.
A partir de quand passe-t-on d’une situation d’urgence à la reconstruction ?
Ça se déroule très vite. La priorité c’est mettre en place des circuits d’évacuation de blessés et d’assurer le tout venant pour la population. Mais ça ne va pas durer. Très vite il va falloir penser à la reconstruction.
C’est là que MSF se désengage ?
Non parce que MSF était déjà présent depuis plusieurs années. Le seul centre chirurgical de Port au Prince, c’est MSF, de même que la seule maternité. Tout cela ne va pas s’arrêter après le tremblement de terre, c’est même une raison supplémentaire d’en amplifier la portée.
Rony Brauman en quelques dates :
1950 : Naissance à Jérusalem
1982-1994 : Président de Médecins Sans Frontières
1999 : Co-réalise Un Spécialiste, documentaire sur le procès d’Adolf Eichmann
1999: MSF reçoit le prix nobel de la Paix
2006 : S’embrouille avec Finkielkraut sur le conflit israélo-palestinien
Source: StreetPress / Robin D’Angelo