Depuis le mois de novembre 2018, plusieurs centaines de sans-papiers se sont regroupés dans un collectif de Gilets noirs. Occupation du Panthéon, d’un aéroport ou d’une entreprise, ils mènent des opérations coups de poing pour être régularisés.
« J’ai envie de me battre pour obtenir mes droits et mes papiers. » Mamadou fait le pied de grue devant le Panthéon. À l’intérieur, plusieurs centaines de sans-papiers, comme lui, occupent le monument du cinquième arrondissement, ce vendredi 12 juillet. Ils se revendiquent Gilets noirs et n’en sont pas à leur première action. Aéroport, siège d’entreprise, bâtiments officiels ou lieu historique, ils y manifestent pour réclamer leur régularisation et leurs droits.
Mamadou est arrivé trop tard pour entrer. Et le bâtiment est déjà entouré de dizaines de fourgons de CRS. Mais le réfugié reste confiant : « Je pense que le Premier ministre va se déplacer cette fois, parce que c’est ici que sont enterrés les héros français ». C’est une des revendications des Gilets noirs : obtenir un entretien à Matignon pour réclamer la régularisation de tous les sans-papiers. Ils publiaient ainsi, en juin dernier, aux côtés d’artistes, d’intellectuels et d’universitaires, une tribune dans Libé intitulée « Gilets noirs cherchent Premier ministre ».
La police empêchait les journalistes et les Gilets noirs restant d'accéder au Panthéon. / Crédits : Marta Sobkow
Martin, militant de La Chapelle Debout, dénonce également les conditions de vie des migrants. « Les étrangers n’ont pas les mêmes droits que les Français. Il faut que ça cesse », s’étrangle-t-il. Son collectif est en partie à l’origine de la manifestation. Il veut donner les clefs aux sans-papiers pour manifester et réclamer leurs droits. « Et on va le faire, on n’a pas peur », martèle Diakité.
Qui sont les Gilets noirs ?
Diakité est Gilet noir « depuis le début ». « On va se battre jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne à la rue, et plus personne sans papiers. » Il a rejoint le mouvement en novembre 2018, après sa rencontre avec des militants de La Chapelle Debout. Le collectif organise des tournées dans des foyers de migrants d’Île-de-France, pour les encourager à réclamer leurs droits. Les Gilets noirs les plus engagés se chargent du bouche à oreille. Les actions sont ensuite préparées par des comités de lutte, pour être discutées en assemblée générale. Diakité travaille dans le BTP depuis cinq ans. « Tous les jours, on est provoqués par des racistes. Et il y a aussi le racisme du gouvernement. » Il raconte, révolté, comment la préfecture a rejeté ses différentes demandes de titres de séjour.
Les Gilets noirs brandissent leur demande de rencontrer le Premier ministre. / Crédits : Marta Sobkow
Samawal travaille comme soudeur. Depuis un an, il milite lui aussi avec La Chapelle Debout. Le grand bonhomme caresse sa barbe en parlant, rêveur, de Che Guevara, des luttes révolutionnaires en Amérique du Sud et au Soudan, son pays natal :
« Je déteste l’injustice, alors j’ai décidé d’aider toutes les personnes qui en ont besoin. »
Agir
« On est des Gilets jaunes qui ont été noircis par la colère. » Un migrant aurait eu cette formule, selon La Chapelle Debout, pendant la marche « contre le racisme d’État et les violences policières », le 16 mars dernier. Le nom du mouvement est trouvé. Suivent plusieurs actions. Le 19 mai 2019, par exemple, 500 migrants prennent d’assaut l’aéroport de Roissy pour bloquer « ceux qui collaborent à la machine à expulser ». Trois semaines plus tard, c’est au tour d’Elior, entreprise qui intervient en CRA, d’être occupée. À chaque action, entre 500 et 1000 manifestants répondent à l’appel, selon La Chapelle Debout et Droit Devant !!, une association engagée dans la lutte avec les Gilets noirs.
Des interventions qui ne sont pas sans risque, comme aujourd’hui au Panthéon. Les manifestants se font rapidement nasser par les forces de l’ordre. « C’est une rafle ! Ils font le tri entre les blancs et les noirs pour les arrestations », s’indigne un militant parisien, libéré après avoir insulté les forces de l’ordre. Selon lui, les coups de la police seraient également plus durs sur les sans-papiers. Certains forcent la nasse et grimpent aux grilles du Panthéon pour tenter de s’échapper. Bilan de l’action : une cinquantaine de blessés et 37 interpellations, dont 21 personnes placées en centre de rétention administrative. Jusqu’alors, les précédents blocages n’avaient donné lieu à aucune arrestation, selon les associations.
Un homme se fait violemment interpeller lors de la manifestation devant la Panthéon. / Crédits : Marta Sobkow
Une cagnotte pour les libérer
Il est probable que les modes d’actions changent, pour ne pas mettre en danger les manifestants sans-papiers et précaires. En attendant, la priorité reste de faire libérer les Gilets noirs interpellés. Les collectifs engagés ont lancé une cagnotte. « Nous avons besoin d’argent pour payer les avocat.e.s et organiser leur défense. Pour venger les camarades blessés sous les coups de la police raciste, fichés par l’hôpital, et enfermés au centre de rétention de Vincennes », expliquent-ils dans la description. Plus de 25.000 euros ont été récoltés. Un des membres du collectif conclut, en citant un Gilet noir : « Kamara a dit une phrase qui résume bien notre combat : “On veut détruire le système qui fabrique les sans-papiers” ».
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