Médine renonce à ses concerts aux bataclan. Dans un communiqué il explique vouloir garantir la sécurité de son public. Car, comme StreetPress l'expliquait ce matin, l'extrême droite prévoyait de manifester devant la salle.
Quelques heures après la publication de notre article, le rappeur Médine annonce qu’il annule ses deux concerts prévus au Bataclan.
— Médine (@Medinrecords) 21 septembre 2018
Itinéraire d’une polémique
Derpuis plusieurs jours, sur Twitter, Patrick Jardin interpelle tour à tour chacun des candidats à la dernière élection présidentielle. D’Emmanuel Macron à François Asselineau. Avec un message, toujours le même : Médine ne doit pas se produire au Bataclan, les 19 et 20 octobre prochain. Pour l’homme, dont la fille Nathalie est décédée dans l’attentat du 13 novembre, la salle est un « sanctuaire » :
« Il peut déclamer ses saloperies où il veut, mais pas au Bataclan. »
Ses arguments : le rappeur « islamiste » ferait « l’apologie du Jihad » et prônerait dans ses textes le « racisme anti-blanc ». Des thèses maintes fois déminées par la presse (ici et là, par exemple).
Patrick Jardin assure à StreetPress que son combat est apolitique :
« J’accepte tous les soutiens d’où qu’ils viennent. »
Mais les différentes associations de victimes refusent de le suivre dans sa croisade contre le rappeur. Et à ses côtés, on trouve essentiellement des figures nationalistes et identitaires.
Une pétition lancée par un militant RN
C’est une pétition postée sur la plateforme Change.org le 9 juin au matin, qui met le feu aux poudres. Elle est portée par le militant Rassemblement National (RN), Grégory Roose. « Je ne connaissais pas Médine », confesse à StreetPress l’intéressé :
« Au départ, c’est son pseudonyme qui m’a interpellé. Bon, après, j’ai découvert que c’était son vrai nom… Mais j’ai fait des recherches, écouté ses textes et découvert qu’il était proche des “islamistes” de l’association Havre de Savoir. »
Médine a donné une conférence et participé à un gala de charité en faveur de Gaza, à l’initiative de cette association jugée idéologiquement proche de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Il conteste en être membre.
#PasdeMedineauBataclan
Si Grégory Roose a de son propre chef pris l’initiative de cette pétition, il est rapidement soutenu par plusieurs cadres du parti. Le député RN Bruno Bilde et David Rachline relaient l’appel le jour même. Et comme le relève France Info, Marine Le Pen prend position dès le lendemain.
Aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du #Bataclan.
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 10 juin 2018
La complaisance ou pire, l’incitation au fondamentalisme islamiste, ça suffit ! MLP #PasDeMédineAuBataclan pic.twitter.com/Xqu4JLwz6t
La polémique enfle. Damien Rieu, ancien boss de Génération Identitaire, proche de Marion Maréchal-Le Pen, multiplie les posts sur les réseaux sociaux et fédère le web nationaliste autour du tag #PasdeMedineauBataclan qui monte en trending topic.
Bravo, on lâche rien ! #PasDeMedineAuBataclan pic.twitter.com/6erytugZDL
— Damien Rieu (@DamienRieu) 9 juin 2018
Les Républicains (LR) s’emparent à leur tour du sujet. Eric Ciotti, Valérie Boyer et Laurent Wauquiez y vont de leur post sur le réseau social. Progressivement, l’affaire fait tâche d’huile. Aurore Bergé (LREM) monte également au créneau. Puis, le premier secrétaire du PS Olivier Faure et le Printemps Républicain (association de défense de la laïcité issue de la gauche) condamnent à leur tour les propos du rappeur, sans s’associer pour autant à la demande d’interdiction. Mais du côté des organisations politiques parlementaires, l’indignation se limite à quelques tweets vites balayés par le flot de l’actualité.
Les natios s’organisent
« C’est compliqué pour quelqu’un de droite de s’acoquiner avec les méchants », commente l’initiateur de la pétition, Grégory Roose, qui poursuit son combat. Ce dernier, en parallèle de son engagement au RN, milite au sein du Conseil national de la résistance européenne (CNRE). Aux manettes de ce nouveau mouvement (fondé en novembre 2017), on trouve Renaud Camus, connu pour être l’un des théoriciens du « grand remplacement ». Dans les sphères nationalistes, le téléphone arabe fonctionne à plein régime.
« C’est Camus qui m’a alerté », rembobine ainsi Richard Roudier, président de la Ligue du Midi. Ce dernier lui offre une tribune le 1er septembre dernier, à l’occasion de la fête annuelle de ce petit mouvement identitaire. Le général Piquemal, nouvelle coqueluche des nationalistes, radié des cadres de l’armée depuis sa participation à une manifestation anti-migrants, est aussi de la partie. Il vient accompagné de Patrick Jardin.
À l’occasion de ce raout, le père de Nathalie monte à la tribune. Son discours, filmé et relayé ensuite sur Facebook, est visionné plus de 130.000 fois. Tandis que la pétition dépasse les 30.000 signataires. Dans la foulée, Richard Roudier lance un « appel de 100 patriotes ». Parmi les signataires et soutiens, des figures des différentes chapelles nationalistes (identitaires, cathos tradis, souverainistes…) mais aussi plusieurs élus locaux du RN.
Des bus pour monter sur Paris
Les anti-Médine ne comptent pas s’arrêter là. Patrick Jardin assure avoir entamé une procédure judiciaire visant à empêcher le concert. Il prévoit également d’adresser dès la semaine prochaine un courrier à l’ensemble des parlementaires français visant à les sensibiliser à sa cause. Ce vendredi 21 septembre, à un mois du concert, il tiendra une conférence de presse devant le Bataclan. Seront à ses côtés l’initiateur de la pétition Grégory Roose, Richard Roudier et plusieurs figures nationalistes.
Avant, promettent-ils, une grande manifestation le jour J, si le concert est maintenu. Cinq à six milles personnes feraient le déplacement, selon Patrick Jardin. « On a déjà réservé une dizaine de bus », précise de son côté Richard Roudier. Objectif non-dissimulé : obtenir l’annulation du concert pour « risque de trouble à l’ordre public ».
Autant d’événements qui n’auront finalement pas lieu puisque le rappeur a annoncé qu’il annulait les deux dates.
Edit le 21/09 à 16h30 : ajouts après la publication d’un communiqué de Médine sur twitter.
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